Telle que vue par les mortels, publié en 2A1099
Par Chancey Norwich, Sorcière du Nord
La Brèche est vieille, immensément vieille. Même avec mes nombreuses années, il serait d’une prétention sans commune mesure de prétendre la connaître dans son intégralité. Les mystères qui l’ont parcourue — et la hantent parfois toujours — sont autant que les étoiles dans le ciel. Malgré cela, la Bibliothèque des Âges de Karna a, depuis sa fondation, cherché à consigner et archiver les événements du passé. Trop conscients des erreurs qui ont pu y être commises, par les membres de chaque race, nombreux furent les premiers-nés à chercher en cela un moyen d’éviter qu’elles ne se reproduisent.
Depuis sa fondation, nos efforts ont été de nombreuses fois couronnés de succès, mais, malheureusement, l’ombre de l’échec n’est jamais loin. Les exactions de l’Empire Neivar — ou de ceux les opposants lors de sa chute — ont détruit de nombreuses archives, aujourd’hui irrécupérables, malgré les meilleurs efforts des plus grands artisans et scientifiques de notre temps. Similairement, certaines des jeunes races se refusent à entendre certains pans du passé. Qu’il s’agisse des Manars, dont le cœur bat pour l’extrême et le conflit, des Dvars, si résolument tournés vers le Futur qu’ils en oublient leurs racines, des peuplades Dyrvars, refusant à l’inverse de dévier de leurs traditions, ou même certains de nos frères égarés… Toutes ont au moins une fois refusé l’aide de Karna.
Il s’agit là de leur droit. Karna n’est qu’un refuge pour le peuple Alfar, défenseur éternel de la Source de Vie. Aussi, voyez par le présent ouvrage une main tendue. Il s’agit là d’un résumé détaillé de l’histoire de notre foyer, depuis les tréfonds du Premier Âge à nos jours, telles que sue parmi les races mortelles. Au travers de cet ouvrage, que je compte traduire dans toutes les langues connues, j’invite quiconque désirant en apprendre davantage sur le Passé à trouver un moyen de me contacter. Le cycle du monde n’est pas une fatalité, et il ne tient qu’à nous de faire de la Brèche un endroit meilleur, aux antipodes de ce qu’elle a pu être sous la domination des Neivars.
Il me semble important de préciser que ce livre ne traite que de l’histoire formelle, tenue par les races gardant des écrits. Ainsi, l’histoire de la partie Nord de la Brèche ne sera que très peu mentionnée, les Skalds étant de tradition orale. Pour les lecteurs intéressés, je recommande “Les chants des Glaces : traduction des sagas Skalds”, ouvrage ayant compilé un grand nombre d’entre elles.
Chancey Norwich, Sorcière du Nord
Les connaissances des races mortelles sur le Premier Âge sont particulièrement fragmentaires. Néanmoins, certains savoirs sont restés, signes de l’impact culturel traumatique majeur qu’eut cette période. Ce ressenti semble cependant s’atténuer au fil des années, fait notamment prouvé par la reprise du commerce avec les caravanes Neivars, chose impensable durant la première moitié du Deuxième Âge.
Il commença avec l’apparition des diverses races qui peuplent aujourd’hui la Brèche. Il est dit qu’apparurent tout d’abord les Premiers Nés, les Alfars, naissant de la Gardienne, avant que celle-ci ne s’unisse avec les Sauvages pour créer les différentes races de Dyrvars. De ces Sauvages, certains, particulièrement remarquables, furent divinisés, s’élevant à la qualité de Dieux Sauvages, et formant ainsi la base du Panthéon de la Brèche. Cette période est un âge de légende, de héros et de combats titanesques. Vinrent ensuite les Neivars, et leur sinistre empire, puis les Manars, héritiers des héros. On ne sait rien des Dvars à cette époque, et bien que plusieurs théories existent sur la raison de cela, aucune n’a de preuves solides sur lesquelles s’appuyer.
Le nom revenant le plus souvent à propos du Premier Âge, mis à part loin dans le Nord, est celui de “l’Empire Neivar”, dont le pouvoir était assuré par d’abominables démons, invoqués au travers de sacrifices toujours plus nombreux des membres d’autres races. Il est difficile de faire la part des choses entre la vérité et la légende concernant cette période, mais les récits transmis oralement chez les sages Dyrvars décrivent une noblesse dépravée, s’accouplant avec le démoniaque et s’entredévorant dans le but d’acquérir plus de puissance.
Au milieu de cette ère d’horreur permanente, des noms de figures importantes, connues pour leurs méfaits, sont arrivés jusqu’à nos jours :
Ces noms ne sont que ceux revenant dans le plus grand nombre de régions, mais des exemples plus locaux — parlant surtout de gouverneurs provinciaux — peuvent également être trouvés dans divers lieux de la Brèche. Cependant, afin de ne pas passer trop de temps sur ces crimes atroces dont l’intérêt relève surtout de la curiosité morbide, nous ne les mentionnerons pas ici. Le lecteur intéressé est invité à se référer au livre “Crimes et pratiques de l’Empire Neivar”, encyclopédie assez complète sur le sujet, tout du moins sur ceux nous étant parvenus.
Néanmoins, la pire exaction reste dans les mémoires des peuples de la Brèche, comme une cicatrice indélébile. Au sommet de sa puissance, l’Empire attaqua l’If, l’Yggdrasil, l’Arbre-Monde protégeant la vie au sein de la Brèche, le réduisant en fragment pour leurs sombres desseins. Face à cette atrocité, c’est le monde entier qui se révolta : du sang se mit à tomber des cieux, alors que les flammes comme l’eau s’emparèrent de régions entières. Les peuples sombraient dans la folie et la souffrance tandis que la logique elle-même soubresautait comme une bête mourante. Et les Neivars, bien loin de craindre ce qu’ils avaient déclenché, se complaisaient dans cette folie, se vautrant en son sein comme un porc dans sa bauge, le pouvoir qu’ils avaient obtenu de l’arbre leur permettant de régner dans cet enfer fait monde.
Au plus profond du désespoir, une lueur se mit cependant à briller. Dans les ténèbres, d’anciens Alfars réussirent à monter une communauté, à laquelle s’allièrent les Dyrvars en état de le faire. Ils préparèrent la libération du monde, jusqu’à ce qu’un jour, tel une réponse à leurs prières, plusieurs héros émergèrent, en grande majorité des Manars, refusant de tolérer plus longtemps la cruauté des Neivars. Face à ce signe du destin, les Alfars de l’époque, usant d’une magie aujourd’hui disparue, auraient réussi à fermer le portail entre les Mondes, interdisant aux démons de pénétrer dans la Brèche. C’est ainsi que commença la lutte contre l’Empire.
Cette dernière dura des siècles et des siècles, car l’Empire était puissant, usant de rituels interdits pour bafouer même les lois les plus sacrées du monde. Nombreuses furent les batailles pour la liberté de la Brèche, parfois menée par les Dieux eux-mêmes, étant revenus parmi les vivants afin de libérer les leurs des affres de l’Empire Neivar. Ce qui est certain, c’est que celles-ci dévastèrent la Brèche : on dit que les Volcans de Rotberg furent le résultat d’un de ces affrontements cataclysmiques. Des Clairières entières furent dévastées, et durent être absorbées par la Sylve pour en réparer les dégâts. Le Nord tout entier fut, après une seule bataille, recouverte d’un dôme de glace si épais qu’elle ne fondit qu’après plusieurs centaines d’années, durant le Second Âge.
Après une longue période de guerre, et une période toute aussi étendue de reconstruction, durant laquelle l’Yggdrasil repoussa de ses cendres, la vie put reprendre son cours normal. Les Lifars, êtres mystérieux vivants au sein de l’Arbre-Monde, créèrent l’Ordre des Gardiens de l’If, chargé de protéger la vie au sein de la Brèche ainsi que d'empêcher les Neivars de recommencer leurs exactions. Ainsi s’acheva l’Âge des Légendes. Ainsi commença le Deuxième Âge.
Si une culture a gardé une mémoire assez importante du Premier Âge, il s’agit des Alfars Ancestraux. En effet, ces Alfars sont ceux dont les ancêtres ont refusé de venir à Karna, préférant continuer le même mode de vie que celui de l’Âge des Légendes, dans une relation de dépendance avec une ou plusieurs tribus Dyrvars.
D’aussi loin que remonte la mémoire d’Alfar, et ce jusqu’à la Fondation de Karna, les Alfars vivaient séparés en cinq tribus distinctes — celle du Nord, celle du Sud, celle de l’Ouest, celle de l’Est, ainsi que la tribu centrale. Chaque tribu était chargée de maintenir la paix entre les Dyrvars de la région et, sous l’Empire Neivar, de faire de leur mieux pour que ceux-ci ne soient pas complètement annihilés par les dépravations Neivars.
La vénération historique des Alfars allait ainsi à la “Mère de Tous les Alfars”, déesse qui aurait enfanté d’elle-même les membres de la race, mais se serait également accouplée avec les Sauvages pour créer de ceux-ci les Dyrvars. Grâce à ces mythes, les Alfars étaient souvent vus comme des conseillers idéaux par les Dyrvars, qui leur servaient de protecteurs. Malheureusement, la fin du Premier Âge vit ce statu quo être bouleversé, et les Dyrvars se mettre à abuser de leurs protégés durant leurs nombreux conflits. Plus de détails seront donnés dans le Livre Premier.
Commençant avec l’apparition des Gardiens de l’If, en l’an 0 du Deuxième Âge, avant de s’achever à la fondation de Karna, exactement un siècle après, la période dite de la Stabilisation fut une période de grands troubles dans la Brèche. Après la Chute de l’Empire Neivar, ainsi que les purges et les reconstructions qui s’en suivirent, la Brèche avait finalement été restaurée, seuls de rares groupes nomades ou isolés de Neivars subsistant. Cependant, en l’absence d’un ennemi commun, les Dyrvars se mirent à s’affronter entre eux.
Cette guerre intestine — attisée par des Neivars qui virent là l’opportunité de distraire leurs chasseurs — mena à des exactions de plus en plus nombreuses envers les Alfars. Là où avant, ils étaient systématiquement pris prisonniers, les Tribus Dyrvars se mirent à préférer avoir l’assurance d’exterminer leurs ennemis plutôt que de prendre un tel risque. L’accumulation de ces exactions finit par résulter en l’exode des Alfars à l’Ouest de la Brèche, fondant la Cité de Karna, plus vieille cité de la Brèche encore debout de nos jours.
Malgré l’arrivée des Lifars, le chaos continua de régner au début du Deuxième Âge, tandis que les dernières poches de résistances Neivars tombaient aux mains de leurs anciens esclaves. Ceux-ci, privés de leurs invocations démoniaques par les actions des anciens Alfars, avaient tout de même réussi à résister, usant de reliques maudites de l’Empire et de structures impies, consommant les âmes de leurs victimes comme de leurs manieurs.
Mais ils étaient trop peu nombreux pour espérer tenir, et, rapidement, des vainqueurs commencèrent à émerger, tribus de Dyrvars ayant réussi à mieux s’organiser que les autres, et ayant repris partie des anciennes infrastructures de l’Empire pour obtenir un avantage tactique non seulement sur les Neivars, mais également sur leurs congénères. Les plus influentes furent les Gahrs, nom donné aux Dyrvars Oie suivant le Dieu Sauvage de la Guerre, ainsi que l’Alliance Cornue, composée des Moltös, des Waraboucs et des Corthirs, Dyrvars Moutons, Boucs et Vaches respectivement.
Une autre tribu de Dyrvar se fit sinistrement remarquer lors de cette période : les Mühnirs, Dyrvars Corbeaux, qui furent à la source de très nombreux massacres de Neivars. Tandis que les autres peuples agissaient de manière impulsive, les Mühnirs, ayant pris le contrôle de Skalheim, antique forteresse volante de l’Empire Neivar, agissaient de manière précise et méthodique. Aujourd’hui, on estime que la perte d’au moins 20% de la population de l’Empire Neivar est due à l’action de cette seule tribu.
Dix ans après le début du Deuxième Âge, le paysage géopolitique commença finalement à redevenir assez stable pour que l’apparition de structure administrative relativement grande n’ait lieu. Ces quelques décennies de stabilité sont appelées la période des “Ligues Dyrvars”. Comme indiqué dans le nom, les tribus Dyrvars de philosophies proches — ou de places dans la chaîne alimentaire — ayant assis leurs autorités sur des territoires suffisamment imposants formèrent des pactes d’alliance si intriqués qu’elles devinrent rapidement plus proches des ligues étatiques que des cités indépendantes.
Trois ligues majeures, ainsi qu’une ribambelle d’ensembles mineurs furent formés.
Malgré les conflits incessants entre ces ligues, leur existence même donna une forme de stabilité au bassin central de la Brèche, de 2A 10 en 2A 54, stabilité qui ne fut malheureusement pas partagée sur le reste de celle-ci. La Prairie de l’Ouest, ancien nom donné à l’emplacement actuel de Karna, fut particulièrement chaotique : une dernière poche de résistance Neivar, tentant désespérément de faire revenir les démons au travers de sacrifices de plus en plus cruels, tenait encore debout, tant bien que mal, les tribus alentour de Dyrvars étant emmêlés dans diverses guerres intestines.
Durant le Premier Âge, lors de la Chute de l’Empire Neivar, ceux-ci, désespérés, tentèrent l’invocation d’un démon particulièrement puissant. Une troupe de Manar réussit à arrêter celle-ci avant qu’elle ne soit complète, mais l’explosion résultante piégea l'entièreté de la Prairie Nord dans un dôme de glace.
En 2A 54, celui-ci finit de fondre, révélant l’ancienne prairie, désormais recouverte d’une épaisse couche de glace. De nombreux Dyrvars et Manars s’y trouvant, ayant réussi à survivre des années durant dans le froid et les ténèbres ont ne sait comment, fuirent ces terres désolées. Ils furent accompagnés par les rares survivants de la tribu des Alfars du Nord, qui durent s’abriter dans les alentours de l’Arbre-Monde pendant quelque temps, révélant une triste vérité : bloqués dans ce dôme, sans nourriture ni eau, les Alfars étaient devenus des proies comme les autres, même pour les Dyrvars de leurs propres tribus... Cet exode massif eut des conséquences drastiques sur la géopolitique des ligues. En effet, bien que certaines soient ouvertes à une forme de collaboration, la plupart, agressives, fondirent sur la Ligue Cornues, la forçant à dévier une partie des forces occupées à la défendre contre la Ligue d’Acier.
Par malchance ou fait du destin, cet affaiblissement eut lieu simultanément avec le sacre de Felguer Nonpax, nouvelle Waermaester des Gahr, guide à la fois militaire et spirituelle du peuple belliqueux. Son impulsion galvanisa le reste de la Ligue, et les attaques aux frontières de celle-ci redoublèrent de férocité. Pris sur deux fronts différents, la Ligue Cornue finit par s’effondrer en 2A 57, après le sac de Dahur, cité-état des Waraboucs. Les rares Waraboucs restants prirent la fuite en direction des montagnes de l’Est de la Brèche.
Tandis que le regard de la Ligue d’Acier se portait naturellement sur les restes de la Ligue Cornue, leur série de conquêtes fut interrompue par une violente révolte Manar à l’Ouest de leur territoire, dans ce qui est aujourd’hui connu comme la Vallée des Dames. Celle-ci, conquise aux balbutiements de la Ligue, était déjà la maison de plusieurs clans de Manars, entités négligeables à l’époque. Cependant, nombre des réfugiés du Nord avaient rejoint cette région, en quête d’un nouveau foyer, si bien que la population Manar y avait presque quintuplé, faisant d’eux une menace bien plus sévère.
La longue distance à parcourir pour les armées de la Ligue d’Acier, engagé aux Nords, laissa un temps large pour permettre aux Manars de détruire les cités de celle-ci s’y trouvant, marchant au son des chants et des cornemuses. Devenant rapidement apparent que les clans n’avaient pas d’intentions agressives, la décision fut prise par Felguer d’abandonner purement et simplement la région (à dominante Wülffirs) refusant d’engager les armées Gahrs dans un combat qu’il serait difficile de gagner, la pugnacité des Manars étant, déjà à l’époque, connue et redoutée.
Avec la Ligue Cornue en lambeaux, et ses armées descendues au Sud, il ne restait qu’une cible digne du Waermaester facilement accessible. Le regard des Oies se tourna finalement vers la Ligue Septentrionale, et les armées de celle-ci commencèrent leur marche, en 2A 61.
Malgré tout le génie militaire de Felguer, la Ligue Septentrionale était prête. Sachant logiquement que les ambitions de la Ligue d’Acier ne sauraient s’arrêter à leur voisine du Nord, cela faisait plusieurs années que la Ligue majoritairement diplomatique avait développé grandement sa force militaire, centrée autour des Fropnirs, Dyrvars Grenouilles, ainsi que des Arniars, Dyrvars Aigles. Le but était non pas de triompher des forces de Felguer, car la combinaison des Oies et des Loups semblait être invincible, mais de les harceler dans les montagnes constituant les territoires de l’Alliance Septentrionale, afin de leur empêcher toute progression.
Ce jeu de chat et de la souris fut particulièrement efficace, et étira la guerre sur plusieurs décennies. Malheureusement pour la Ligue Septentrionale, là où d’autres nations auraient abandonné, les Dyrvars de la Ligue d’Acier, composés des espèces les plus belliqueuses, ne vivaient que pour la guerre. Menés par des croyants de Gahrin, Dieu Sauvage de la Guerre, et Wülf, Dieu Sauvage du Massacre, la paix n’avait jamais été une option.
Aussi, le conflit se prolongea, encore et toujours, et au prix de terribles pertes pour la Ligue d’Acier… certaines cités commencèrent à tomber. La première à choir, après pas moins de 23 ans de conflit, fut Hopinbur, foyer des Fropnirs. Puis, dans l’année suivante, une autre tomba… Et une autre… Et encore une autre. Cela provoqua un vent de panique au sein de la Ligue Septentrionale, certaines villes décidant de s’en séparer, pour tenter de s’en sortir seul. Bien sûr, ces mouvements ne firent qu'accroître le désastre, et petit à petit, il sembla que rien ne pouvait arrêter l'avancée des armées adverses.
C’est alors qu’en 2A 87, dans un mouvement des plus osés, Piounil Pislav, Haut-Diplomate des Pilins, les Dyrvars Colombes, entra en contact, de manière secrète, avec les Dirigeants Wulffirs. Appuyant sur le mécontentement qui existait en eux depuis la perte de la Vallée des Dames, ou se trouvait nombre des leurs, il réussit à leur insuffler des idées de grandeur, des désirs de puissance. Car, bien que Loups et Oies étaient originellement égaux au sein de la Ligue, les succès éclatants de Felguer avaient fait grandir le prestige et le pouvoir des Gahrs, au détriment des Wulffirs. Après une négociation qui, d’après les textes contemporains, aurait duré une semaine, les Loups acceptèrent l’offre des Colombes.
Alors que les armées de la Ligue d’Acier s'approchaient de Nhid, capitale des Pilins, elles durent passer par un col particulièrement étroit, lieu propice pour une embuscade. Comme à son habitude, Felguer envoya une avant-garde, pour vérifier que nul guet-apens ne s’y trouvait. À son insu, les généraux loups modifièrent ses ordres, afin que l’avant-garde ne soit composée presque uniquement de soldats, mais surtout d’officiers Gahrs. Puis, alors que Felguer était désormais l’une des seules haut-gradées de sa race présente, ils se mirent à donner des ordres contradictoires aux unités Oies avant de prendre leurs armes… Et d’ordonner aux Wüllfirs présents de commencer le massacre.
La trahison fut brutale et surprenante. Les rares survivants parlent d’un chaos pire que toutes les batailles qu’ils aient connu, régnant sur le camp. Les oies, incapables de comprendre le pourquoi de l’attaque, commencèrent à se faire massacrer les unes après les autres, tandis qu’à l’intérieur de la tente de commandement, les meilleurs guerriers du peuple Loup faisaient face à une Falguer furieuse, comprenant l’ampleur de la traîtrise.
Elle se mit à riposter brutalement. Le déroulé exact du combat a été perdu dans l’histoire, mais le résultat est su avec certitude : malgré le désavantage numérique, la Waermaester réussit à vaincre les généraux Loups, avant de rallier ses troupes d’un puissant cri de guerre. La trahison fut un échec, et ne laissa qu’une Felguer extrêmement en colère quand elle apprit qui avait susurré l’idée aux Wülffirs, en interrogeant un des prisonniers.
Immédiatement, et malgré les pertes, l’armée se remit en marche en direction de Nhid et, encore une fois dans ce siècle, la destruction fut immense. La ville fut rasée jusqu’à la dernière pierre et toutes les colombes, ainsi que les Alfars les accompagnant, furent passées au fil de l’épée. La colère de Felguer fut telle qu’elle exécuta même les Alfars de son camp, qui protestèrent au traitement de leurs congénères. Puis, après plus d’une semaine à piller et détruire la ville, elle repartit en direction du cœur de son empire, pour regarnir son armée… Et s’occuper des traîtres.
La nouvelle de la trahison se propagea comme une traînée de poudre, et les Gahrs crièrent à l’outrage, s’armant pour aller affronter leurs anciens alliés, devenus ennemis. Les Loups, conscients de ne pas faire le poids avec la mort des plus puissants d’entre eux lors de l’échec de la Trahison, prirent la seule décision censée, et fuirent en direction du Nord. Passant les anciens territoires de la Ligue Cornue, ils traversèrent la Sylve, au niveau de la passe désormais connue comme la passe du Sanglier, et rejoignirent les terres glacées, là où les Gahrs ne les poursuivraient pas. Aujourd’hui encore, les Loups parcourent ces terres désolées, étant devenus avec le temps l’un des plus féroces adversaires des Skalds dans la région.
De leur côté, sans opposition majeure, les Gahrs continuèrent leurs conquêtes sur les restes des deux autres Ligues, massacrant tous ceux s’opposant à eux, jusqu’en 2A 96, où, exception faite de la Vallée des Dames, l’intégralité de la plus grande clairière de la Brèche tomba sous leur contrôle. Il est dit que, le jour même où la nouvelle de la chute du dernier bastion ennemi tomba, Felguer, dominant désormais tout ce qu’elle désirait conquérir, s’assit sur sa chaise de commandement, avant d’expirer pour la dernière fois, son rôle accompli.
Tandis que les Gahrs étaient occupés à trouver un nouveau Waermaester, un autre événement d’importance se déroula dans la Brèche : l’Appel de la Fondatrice en 2A 99. Everildis, cheffe de la tribu de l’Ouest des Alfars, implora le Monde de trouver un moyen pour sauver son peuple, souffrant de plus en plus à cause des guerres incessantes entre Dyrvars. La tribu du Nord ? Dévorés par leurs frères Dyrvars. L’Est et le Sud ? Massacrés par l’ambition et la colère de Felguer… Le Monde, prenant ce triste peuple sous son aile, révéla ainsi à Everildis l’emplacement de la Source de la Vie, fontaine éternelle donnant l’immortalité et la capacité de modeler le vivant à quiconque ayant bu son eau.
Face à cette découverte, Everildis envoya des émissaires à toutes les communautés Alfars de la Brèche, peu importe leur taille. Face à cette opportunité d’échapper à la souffrance perpétuelle infligée par les autres races, les Premiers-Nés entreprirent en nombre de rejoindre le lieu indiqué par la Fondatrice. De toutes les grandes tribus, seule la tribu centrale refusa l’appel, celle-ci ayant été majoritairement épargnée par les guerres, car traitant surtout avec les Dyrvars Végétaux, qui n’avaient pas pris grande part aux conflits.
Une fois arrivés, les chefs de chacune des grandes tribus furent accueillis par Everildis, qui les amena jusqu’à la Source afin qu’ils puissent y boire. Ces gorgées leur donnèrent non seulement une vitalité éternelle, mais également un savoir accru sur la véritable nature de la vie. Prenant comme nom leurs régions d’origine, ils devinrent Weswich, la Sorcière de l’Est, Norwich, la Sorcière du Nord, Southwich, le Sorcier du Sud et Eswich, le Sorcier de l’Est, et formèrent le Coven du Zénith, les quatre fondateurs historiques de Karna. Se mettant d’accord sur la marche à suivre, ils firent boire à la Source tous les autres Alfars présents, et entamèrent les fondations de la Cité Éternelle en 2A100.
Après la Stabilisation, qui connut la fin du tyrannique Empire Neivar et les conflits qui en suivirent, les races mortelles de la Brèche commencèrent à entrer une nouvelle période de stabilité longue, sans véritable conflit, de par la prédominance des Gahrs dans une majeure partie de la prairie de l’Est. Peu désirant mettre à mal la Théocratie Gahr, les Oies, toujours en quête de conflit pour leur Dieu, durent tout de même à faire à une dernière poche de résistance Neivar, s’étant reformée au sein d’anciennes ruines. En plus d’être une source de conflits idéale pour les suivants du Dieu de la Guerre, cela permit d'apaiser pendant un temps les dissensions internes à leur domaine, jouant sur la juste haine de toutes les vieilles races pour les Neivars.
Cette période s’étend de la Fondation de Karna, en 2A100, à 2A264, s’arrêtant avec la Revanche des Forgerons, qui marquent l’éclatement de la Théocratie Gahr, et a été ponctuée par les tentatives de ripostes des poches encore organisées de l’Empire Neivar, les Guerres Vertes entre les Manars de le Vallée des Dames et la Théocratie, culminant en la légendaire Descente du Printemps, ainsi que par les jeux d’intrigue au sein de la Théocratie en elle-même.
Note importante : le nom “Théocratie Gahr” pour désigner l’entité géopolitique sous domination Gahr de cette ère est un surnom moderne, fait pour la différencier de la “Ligue d’Acier”, composée des Gahrs et des Wüllfirs, et dont l’organisation et les enjeux de pouvoir étaient très différents. Cependant, les habitants de l’époque disaient toujours vivre dans les territoires de la “Ligue d’Acier”, et ce jusqu’à son démantèlement en 2A263. Pour cette raison, certains vieux ouvrages référençant la “Ligue d’Acier” peuvent désigner jusqu’à cette période, et le lecteur se doit d’être prudent.
L'Ère de la Foi ne connut que peu d’événements significatifs au sein de la Clairière de l’Ouest. Karna, tout juste fondée, continua son développement paisiblement, entrant dans des relations mercantiles avec les tribus Dyrvars environnantes. Cela resta ainsi jusqu’à la terrible attaque, en 2A146, par la Tribu des Tigres Blancs, les Bjarls, vénérant Bjakkös, Dieu de l’Hiver et du Foyer. Envieux de la Source de la Vie, il la désirait ardemment, pensant que celle-ci pourrait à jamais préserver leur Foyer du danger.
Malheureusement pour eux, Bjakkös vit en cette attaque une marque de faiblesse et de lâcheté, plus que de courage. Karna, pacifiste, n’avait en effet qu’une faible force armée. Aussi, lorsque ceux-ci lancèrent leur assaut, le Protecteur du Nord coupa tout soutien, les privant de la majeure partie des capacités qui les rendaient si terribles sur le champ de bataille, alors que tous perdirent leur pelage si reconnaissable, celui-ci devenant intégralement noir.
Paniquant, ils furent ralliés par Ajira Clairmahne, qui s’était toujours férocement opposé à cette attaque, voyant ici une transgression absolue de tous leurs principes. Ne pouvant, malgré leur égarement, abandonner son foyer, elle écouta les visions de son Dieu et les ramena à Karna, pour proposer à la Cité Éternelle de la défendre, jusqu’au jour où le Protecteur de l’Hiver estime leur dette réglée.
Depuis lors, les Bjarls servent de protecteurs à Karna. Certains d’entre eux, de par leurs actes de grande bravoure, ont pu retrouver la blancheur de leur pelage d’antan, devenant par la même autorisés à boire à la Source de Vie, et rejoignant les rangs des Immortels, menés par Ajira Cairmahne en personne. Cependant, la grande majorité de la tribu continue de s’entraîner dans les jardins idylliques entourant la Haie d’Ivoire, se tenant prêts à tout donner pour leur foyer, et gagner l’approbation de Bjakkös.
Suivant la mort de Felguer, la Théocratie Gahr mit quelque temps à se réorganiser, et notamment à trouver un nouveau Waermaester, cette dernière n’ayant pas laissé de successeur désigné. Les différents généraux de ses Légions se proposèrent, mais aucun ne semblait réussir à convaincre, et, chaque semaine sans nouveau Waermaester passant, l’agitation dans les provinces conquises grandissait. C’est alors que, profitant de l’apparente déroute de la Théocratie, des Neivars s’étant abrités dans les restes d’une de leurs cités maudites, lovés au plus profond des Monts Céruléens, tentèrent d’attaquer, décidé à reprendre une partie de leur territoire, et à faire renaître leur Empire de ses cendres.
Ce fut rétrospectivement une erreur terrible : s’il y avait une chose que les Dyrvars détestaient plus que les Oies, c’était les Neivars, et cette attaque donna l’opportunité à celles-ci d’unir toute la Théocratie pour une cause juste, les fédérer derrière une cause guerrière, approuvée par tous leurs Dieux : la destruction des adorateurs de Démons. Ainsi commença la Première Guerre de Purge. En urgence, un nouveau Waermaester, Pergor Bellom, fut finalement nommé, et les Dyrvars retournèrent sur les champs de bataille.
Mais, pour tous leurs défauts, les Neivars ne sont pas une race à sous-estimer, et les affrontements furent rudes dans les passes et cavernes bleutées entourant la passe, car, malgré le nom historique de “Guerre de Purge”, il ne s’agissait pas là d’une guerre d’extermination, mais bel et bien une tentative, bec et ongle, d'empêcher une progression Neivar organisée dans les Monts. Les documents de cette époque semblent indiquer que la plus grande crainte de la Théocratie — et des Dyrvars en général — ne soit qu’ils arrivent à atteindre les Phalanges du Titan (à l’époque appelée l’Épine de Haarksöden), à l’Ouest, où se trouvaient les restes d’une arme d’une grande puissance. Cette découverte est néanmoins assez récente, et n’a pu être corroborée par des fouilles, les Phalanges du Titan étant une région très riche en Macht et autres minéraux, que l’Empire de Pierre couve jalousement.
Dans tous les cas, la guerre continua à pleine intensité pendant 4 ans, durant lesquelles les Neivars ne subirent que relativement peu de pertes, envoyant des armures maudites hantées par les esprits de démons probablement enfermés là depuis l’époque de l’Empire, contre des hordes de Dyrvars ô combien plus nombreux. Finalement, bien qu’aucun accord ne soit signé, une trêve de facto s’installa : des forteresses et murailles furent construites aux cols menant aux ruines, et mises à part quelques escarmouches frontalières, similaires à celle, de notre temps, entre Frels et Skalds, l’état de guerre totale s’estompa peu à peu… Au grand désespoir de Pergor, qui voyait là disparaître sa chance d’une grande conquête, afin de sortir de l’Ombre de sa prédécesseure.
Pendant quelques années, Pergor tenta de mener d’autres opérations de purges contre les Neivars dans la Clairière de l’Est. Malheureusement, ceux-ci n'étaient presque exclusivement composés que, mis à part celle au sud, de réfugiés nomades, et, bien que cela occupe ses troupes, ce n’était pas ce que Pergor voulait. Il désirait une conquête digne de Felguer, marquer de sa plume l’Histoire de la Brèche et de la Guerre. C’est là que Pergor fut pris de ce qui lui sembla être un éclat de génie — il allait faire ce que Felguer elle-même n’avait réussi à faire. Il allait soumettre les peuples Kelts sous le giron de la Théocratie.
Après à peine dix petites années de paix, en 2A111 le Waermaester fit de nouveau sonner le tocsin de la mobilisation, cette fois-ci en direction de l’Est. Les Dyrvars s’assemblèrent au début sans protester. D’après les lettres retrouvées, ils anticipaient une nouvelle guerre des Purges loin dans la Clairière de Ouest, où ils pensaient que pouvait toujours subsister une présence Neivar, ignorant tout de la Fondation de Karna. Trop occupés par leurs conflits, seuls les plus attentifs aux traditions avaient remarqué la diminution anormale du nombre d’Alfar, et encore moins pensaient cela d’une quelconque conséquence : il en restait quelques-uns, et un seul Alfar était suffisant à leur usage.
Pergor, surpris par l’enthousiasme de ses troupes, fut ravi d’utiliser ce prétexte pour la conquête des Peuples Kelts : la Forêt entre les prairies Est et Ouest étant à sa plus fine au fond de la Vallée des Dames, cette dernière devait être conquise avant d’être utilisée comme point de départ pour la purge de l’Ouest des abominations de l’Empire Neivar. Cette manipulation de Pergor a été détaillée et conservée dans l’ouvrage “La guerre emplumée : Waermaester de la Théocratie”, écrit par un Dyrvar Paon inconnu. Cependant, seuls des fragments nous sont parvenus, et il est possible que ce conte ne soit qu’une calomnie de l’auteur, nous n’avons pas de manuscrits assez complets pour nous donner une idée plus certaine de sa fiabilité, d’autant qu’il ne s’agisse d’une de nos seules sources sur l’époque, les archives de Karna n’étant alors pas perfectionnées.
Dans tous les cas, les armées de la Théocratie attaquèrent la Vallée des Dames avec pour ferme intention de soumettre ses habitants, et de les intégrer à leur nation. Les Kelts, bien plus belliqueux à l’époque de par l’influence des Manars du Nord, qui étaient arrivés à peine 50 ans plus tôt lors de la chute du dôme, refusèrent immédiatement, et ce qu’on appelle la Première Guerre Verte, aussi surnommée “la Guerre des Hommes”. Malheureusement pour eux, les armées de la Théocratie étaient cette fois-ci bien plus nombreuses, et, dans un premier temps, les clans alliés des Kelts enchaînèrent défaite sur défaite.
Tout changea cependant lors de la bataille du Mont et du Loch, qui marqua un tournant dans la guerre. Proche des berges du Loch Anar, plusieurs clans réussirent à prendre la Théocratie en embuscade, les fixant sur place le temps que plusieurs de leurs druides ne chantent afin de provoquer un éboulement d’une montagne proche, provoquant la chute d’une grande partie de leur armée, Pergor inclus, dans l’eau, ainsi que la retraite des forces restantes.
Encore une fois sans Waermaester, les Généraux sur place, désormais des différentes races composant la Théocratie, ne surent encore une fois pas comment se partager le pouvoir, les Alfars n’étant plus là pour lisser les conflits. Finalement, la force expéditionnaire marqua une retraite, laissant deux tiers de la Vallée des Dames encore libres.
De nouveau privé de tête, la Théocratie risquait de nouveau de se fissurer, cette fois non pas à cause des potentielles révoltes d’autres Dyrvars, tous n’étant que trop conscient du danger posé par les Neivars, mais plus à cause d’un conflit entre ses dirigeants de province. Tous, y compris les membres d’autres races Dyrvars convertis au Culte de la Guerre, prétendaient à la place de Waermaester, chacun vantant ses forces et rabâchant à quiconque voulait l’entendre, les faiblesses des autres.
Heureusement pour la Théocratie, l’intervention de la tribu Alfar Centrale, qui avait fini de se réorganiser, après le départ des quatre autres, et à envoyer quelques membres à la Praire de l’Ouest, permit de calmer les esprits, et de proposer une solution efficace pour la nomination d’un nouveau Waermaester : les Jeux de la Guerre.
En effet, les enseignements des Ghars étaient clairs à ce sujet : seul le meilleur général pouvait revendiquer le titre de Waermaester. Or, depuis Felguer, la Théocratie avait dominé dans les conflits où elle était impliquée non pas par l’acuité remarquable de ses commandants, mais par pure supériorité numérique et matérielle. Pour pallier cela, il fut donc proposé que toutes les provinces de la Théocratie n’entrent en guerre les unes contre les autres, dans un conflit ne s’arrêtant que lors de l’attaque de la Théocratie par une force extérieure, au moment duquel le Waermaester serait le général dont la province avait, à ce moment, l’ascendant dans le conflit interne.
Pour éviter de trop grandes pertes lors des faux conflits, les armes portées seraient émoussées, et un certain nombre de règles régirait ce qu’il serait permis ou non de faire. Cette proposition fut validée par le Culte de la Guerre et, surprenamment, ne fut pas si mal accueillie que ça par le public. Avec le recul et la comparaison à l’Empire de Pierre, nous pouvons cependant attester aujourd’hui que si les Jeux de la Guerre ont permis à la Théocratie de garder un semblant de stabilité intérieure, cela fut cependant au prix de son développement, son économie restant en permanence dans une économie de guerre, et n’allouant que peu de ressources à l’éducation ou aux arts, par exemple, piliers des développements sociaux et scientifiques.
Cette période vit cependant la création de plusieurs tactiques encore utilisées de nos jours, ainsi que de bataillons entrés dans la légende, ou à l’origine de certains pans entiers de cultures modernes. On peut nommer, par exemple, la Moltönnerie, une unité d’élite de Moltös montés sur des moutons, les Danseurs Chatoyants, qui posèrent toutes les bases du style de combat utilisé aujourd’hui par Corbel, ou encore le légendaire Rempart de Défenses, une unité de Dyrvars Eléphants réputée infranchissable, et sur laquelle a été basée la très populaire série de romans par Arianne d’Altamira, la princesse écrivaine (voir plus bas pour son intervention, et son assassinat, durant le conflit de la Wisehead).
La Théocratie contente de s’attaquer elle-même, les Tribus Kelts pansant leurs blessures et le front avec les Neivars stabilisé, la Prairie de l’Est entra finalement dans sa première longue période de paix relative, s’étendant de 2A112 à 2A195, sur presque plus d’un siècle. Ce qui en marqua la fin fut l’attaque soudaine d’un grand contingent Neivar au Sud de la Théocratie, provoquant l’arrêt des jeux de la guerre, la nomination d’Ulysse de Norithie, Moltös convertit, en tant que Waermaester, et le rassemblement des armées de la Théocratie au sud pour ce conflit, nommé la Seconde Guerre de la Purge.
Cependant, à peine le début du conflit commencé, les troupes de la Théocratie remarquèrent une anomalie. À la place de démons, l’attaque était cette fois-ci menée par des Neivars sans relique, structure ou démon, avec une férocité qui ne pouvait être attribuée qu’au désespoir. Bien qu’interpellées, les armées de la Théocratie restèrent inflexibles, et chaque vague vint se briser sur un mur de carapace, de plumes et de griffes.
Au bout de trois semaines de conflits, le contenu même des troupes était devenu alarmant. Après les femmes Neivars, traditionnellement plus aptes au combat, les hommes, et même certains Neivars jeunes, s’étaient joints aux assauts. Rapidement, l’État-Major de la Théocratie vint à la conclusion que ces derniers fuyaient quelque chose. Rien d’autre n’aurait justifié une telle frénésie, et un tel suicide de troupe manifestement peu formée. La grande question était : quoi ? Avaient-ils libéré, par mégarde, un démon puissant ?
Cette question fut répondue à la fin du premier mois de conflits. Loin au Sud, dans le ciel privé de nuage des Monts Céruléens, se trouvait une volée de corbeaux, entourant un roc austère, flottant dans les cieux. Skalheim, et les Münhirs, étaient là.
Alors que la Forteresse Maudite s'approchait de plus en plus, les attaques des Neivars redoublèrent d’intensité, cherchant tant bien que mal à briser le mur défensif les empêchant de rallier le reste de la Prairie. Cependant, cette muraille avait été bâtie pour retenir des assauts de démons, aussi les assauts des Neivars furent aisément contenus, jusqu’à l’arrivée de Skalheim. Puis, le massacre commença. Les corbeaux, telle une nuée, descendirent des cieux, s’abattant sur les Neivars hurlant, serres et becs tranchant la chair et perçant les yeux. Rapidement, ils furent joints par les Münhirs eux même, comme apparaissant des ténèbres, silencieux sauf pour le mouvement de leurs dagues noires luisant de poisons. Méticuleusement, mécaniquement, la totalité des fuyards Neivars furent éradiqués.
La Théocratie fut proprement horrifiée : eux qui appréciaient la guerre, ils venaient d’être témoins d’un massacre. Mais, par peur ou par sagesse, un ordre fut donné : n’attaquez pas les Corbeaux. Ces derniers, une fois leur macabre affaire finie, fixèrent les forces de la Théocratie pendant quelques instants, avant qu’un croassement rauque ne résonne depuis la Forteresse. Tel un seul homme, les forces Münhirs s’envolèrent, remontant en direction de Skalheim, avant que celle-ci ne commence à lentement repartir.
Cet événement, le premier Festin des Corbeaux clairement attesté (même si d’autres ont certainement eu lieu durant la Stabilisation) provoqua, à un vote presque unanime, le ban des Dyrvars Corbeaux humanoïdes au sein de la coalition. Ce ban est aujourd’hui encore perpétué par la plupart des peuples Dyrvars ayant participé à la Théocratie, et est l’une des raisons (avec les Festins des Corbeaux qui suivirent) faisant que les Corbeaux sont tués à vue dans les Monts Verdoyants et les Royaumes Frels.
Après la Seconde Guerre de la Purge, la Théocratie retourna aux jeux de la Guerre pendant quelques décennies, jusqu’en 2A252. Cette année-là, de nouveaux troubles se déclarèrent, non au Sud, mais à l’Ouest. Les Tribus Kelts, dont une partie du territoire était occupée par la Théocratie depuis la Première Guerre Verte, prenaient de nouveau les armes, inspirés par les vieux chants et légendes et attisés par la chaleur de l’été, particulièrement long et chaud.
Les provinces à l’Ouest tentèrent d’abord de gérer la menace, ayant l’habitude d’accrochage frontalier avec les Manars. Mais, en se rendant compte qu’ils avaient affaire là à un assaut plus global, ils sonnèrent l’alarme. D’autant que, cette fois-ci, les Kelts n’étaient plus seuls, mais assistés par des légendes, marchant à leurs côtés : des fées, êtres aux pouvoirs variables selon la saison, capables de manipuler la faune et de prodiguer des soins miraculeux. Mais, contrairement à la menace Neivars, cette nouvelle attaque fut prise à la légère par le reste des provinces de la Théocratie, qui choisirent de ne pas envoyer leur aide. Pire encore, ils continuèrent la pression sur les provinces de l’Ouest dans le cadre des Jeux de la Guerre, voyant en cette faiblesse l’opportunité d'affaiblir ces régions fertiles et puissantes.
Immanquablement, les provinces occidentales se mirent à tomber, assaillies de toute part par leur propre pays et les assauts des Kelts. Ce n’est que lorsque les armées Kelts arrivèrent à l’ancienne frontière de la Théocratie, avant l’annexion de partie de la Vallée des Dames, que celle-ci ne réalisa, dans son ensemble, le danger. De plus, ajoutant danger à l’embarras, les Fées semblaient utiliser une puissante magie pour faire s'agrandir la Vallée des Dames, des arbres poussant à une vitesse décuplée sur des terres pourtant rocailleuses.
Frigra Nifder, un Gahr, fut ainsi nommé Waermaester dans l’urgence, et rassembla le plus rapidement possible les armées coalisées de la Théocratie pour stopper la progression des Kelts. Les armées Dyrvars rencontrèrent leurs homologues Manar à la Passe de Mactyr. Ces premiers avaient le nombre de leur côté, mais Frigra était réaliste : elle savait les nombres avec lesquels Felguer, avec son génie stratégique, avait affronté les Kelts, et le résultat de cet affrontement. Cette bataille, dans un lieu aussi étroit qu’un col, qui leur empêchait de déployer tout leur avantage numérique, allait être une défaite.
Elle fit donc le choix d’envoyer Sorhi Ackfin, membre de la tribu des Paons, en tant qu’émissaire, pour négocier une cessation des hostilités. Les Kelts, conseillés par les fées, et d’un naturel toujours très calme, acceptèrent la cessation, heureux d’avoir retrouvé leurs terres ancestrales. L’humiliation fut terrible pour Frigra, mais la Théocratie n’était plus menacée.
Après la Deuxième Guerre Verte, Frigra rentra immédiatement au sein de la Théocratie, avec un plan clair : soumettre les Kelts. Mais, pour cela, il lui fallait de la préparation. Usant de son autorité de Waermaester, elle garda suspendus les Jeux de la Guerre, et au contraire demanda à chaque province d’envoyer ses troupes en direction du Capitole, cœur spirituel de la Théocratie, réputé comme étant le lieu où Felguer avait été choisie pour être Waermaester.
Là-bas, les troupes furent entraînées à combattre dans un milieu semblable aux landes de la Vallée des Dames. Des agents Arniars furent dépêchés, capturant des Kelts pas assez vigilants dans le plus grand secret pour les interroger sur leurs tribus, ainsi que leurs druides. Frigra apprit ainsi que les Kelts, loin d’être naïfs, s’attendaient à un assaut de sa part. Aussi fit-elle le choix d’attendre que leur vigilance s’endorme. Pendant dix longues années, la Théocratie se prépara et s’entraîna, attendant que les Kelts ne pensent plus à leur éventuel retour. Puis, quand leurs éclaireurs indiquèrent que la vie était redevenue comme avant, que les bêches avaient repris la place des épées… Ils frappèrent.
L’attaque fut rapide, et par trois points d’entrées différents. Les Kelts, pris aux dépourvus, opposèrent une vaillante résistance, mais furent repoussés par des armées méticuleusement organisées. Pendant un mois, l’avancée des Gahrs ne semblait connaître aucun revers, le temps que la défense des Manars ne s’organise. Finalement, ce fut à la bataille du Loch Mohr que, finalement, les Kelts connurent leur première victoire depuis la reprise des conflits.
Cela ne fut cependant que le premier d’une série de conflits qui s’étendit sur plusieurs mois, jusqu’à l’Hiver, durant lequel, forcées par les éléments, les armées se retranchèrent, se préparant au retour du Printemps. Du côté de la Théocratie, les stratèges comptaient frapper fort et tenter de mettre un coup de grâce aux armées adverses. Une immense force, la plus grande depuis la Chute de l’Empire Neivar, fut amassée, un cauchemar logistique à nourrir qui ne fut rendu possible que grâce au culte de la fertilité des Corthirs.
Quand le Printemps arriva, c’est toute cette force qui s’élança avec un but clair : frapper le bosquet central de la Vallée des Dames, où se trouvait la légendaire Breith an Ruith, la Naissance de la Roue, centre spirituel du peuple Kelt. Très rapidement, les Carnutes, les Dyrvars Cerfs, une tribu locale considérant également ces bois comme sacrés, vinrent en aide aux Kelts pour tenter de la protéger, mais cela semblait vain : l’armée était trop nombreuse, et malgré toute leur volonté, les plus braves guerriers Manars et Dyrvars ne purent que s’incliner face à elle.
Tout se joua finalement lors de la Descente du Printemps, nom donné à la bataille qui eut lieu au bord même dudit bosquet, là où s’étaient réunis les Kelts et Carnutes encore en état de combattre, dans une ultime tentative de défendre le berceau de leur monde. Mais encore une fois, même les plus forts de leurs chants ne semblaient pas s’avérer suffisants, alors que les porteurs d’huile incendiaire de la Théocratie semblaient s’approcher de plus en plus proche du bosquet.
C’est au milieu de la bataille que tout changea. Des bois, chevauchant un lynx géant, sortie une femme aux oreilles pointues, grandes, et vêtues de vert. Malgré le fracas des armes, les Kelts présents, tel un seul être, se retournèrent en sa direction. Alors qu’une simple note d’un timbre de voix cristallin résonna dans l’air, tous surent que leurs prières avaient été entendues. De la Brumeterre, la Dame du Printemps était descendue. Et la situation ne semblait pas lui convenir.
Alors que son chant se mêla au champ de bataille, comme la rosée se dépose sur les feuilles, la Théocratie put constater avec horreur que les adversaires qu’ils avaient mis au sol, certains aux portes de la mort, se relevaient, guéris miraculeusement de toutes blessures. Alors qu’ils repartaient à la charge, chantant de nouveau à pleins poumons la gloire des Dames, le sol lui-même se mit à trembler. Autour d’eux, les arbres se déracinaient, les rochers se mouvaient… La Vallée entière répondait à la complainte d’une des saisons, exprimant son courroux envers les envahisseurs.
Frigra sonna la retraite, et l’armée tenta, comme elle put, de repartir, de quitter la Vallée qui semblait tout entière, s’être transformée en piège. Les rares qui réussirent parlent d’une marche de plusieurs jours, pourchassés par des Kelts qui ne semblaient jamais fatigués, alors que le paysage semblait se réorganiser contre eux, mû par la voix qui ne cessait de résonner dans les cieux entiers de la vallée. Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, ils disent vrai. Les cartes montrent clairement que, du jour au lendemain, la Vallée des Dames a complètement changé de géographie. C’est d’ailleurs depuis ce jour que le lieu de la Breith an Ruith est inconnu, celle-ci ayant disparue, mise à l'abri par la Dame du Printemps.
Malheureusement pour les survivants, la fuite n’était que le début de leurs soucis. Alors que la Théocratie se concentrait à l’Ouest, un vieil ennemi, que tous pensaient disparu, refit surface. Les Waraboucs, ayant trouvé refuge dans les Montagnes à l’époque de la Ligue d’Acier, y avaient rencontré un jeune peuple aussi singulier qu’inventif : les bleutés Dvars.
D’abord méfiants l’un envers l'autre, ceux-ci avaient fini par s’entendre autour de leurs intérêts communs pour l'artisanat et l’invention. Prenant le jeune peuple sous leur métaphorique aile, ils enseignèrent aux Dvars tout ce qu’ils savaient, partageant le don de leur Dieu avec eux, et surtout, planifiant leur revanche contre la Théocratie. De génération en génération, la rancune contre les Gahrs, ainsi que contre les Moltös et les Corthirs, anciens alliés qui avaient accepté de se soumettre, s’était transmise. Mais la Théocratie était trop puissante, et toute attaque aurait été du suicide, sans un avantage décisif.
Cet avantage décisif fut trouvé en 2A263, avec l’invention par les Dvars de la roue. Bien qu’aujourd’hui commune, elle permettait à l’époque une rapidité dans le déplacement des troupes et du matériel sans commune mesure. Ainsi, profitant de l’absence d’une immense partie de l’armée de la Théocratie, les Waraboucs frappèrent, et les provinces de l’Est virent arriver une armada de chars, tirés par des boucs et bardés d’arcs et arbalètes en tout genre.
Les maigres garnisons furent prises de vitesse, et les murs des villes, peu habituées aux sièges, tombèrent face à des engins mis au point par les peuples ingénieurs. Rapidement, les provinces appelèrent à l’aide… Aide qu’il n’était pas possible à la Théocratie de donner. Pour la seconde fois en quelques années, celle-ci avait échoué à garder ses provinces sûres, pourtant le premier engagement, la condition sine qua non aux Jeux de la Guerre. Doublé à la mort de la Waermaester lors de la Descente du Printemps, les tensions en son sein redoublèrent, pour finalement éclater en un conflit ouvert entre les différentes provinces, chacune défendant ses intérêts face à la crise de succession et la menace Waraboucs. La Théocratie n’était plus, et, avec elle, une page de l’Histoire s’était tournée.
L’Ère de Fer est la plus longue période de l’Histoire connue, s’étendant de 2A263 à 2A793, et est en majeure partie constituée des conflits appelés “Les Guerres de Fer”, guerres intestines des Dvars pour la domination du Sud de la Clairière de l’Est. Cela est néanmoins bien loin d’être le seul événement marquant de celle-ci. En effet, c’est également pendant cette période que descendirent du Sud le Dieu-Roi et ses suivants, créant les quatre royaumes Frels, qu'eut lieu le tragique Festin d’Émeraude, ou encore les premières descentes de Magnhilde. Elle se termine par le couronnement de l’Empereur des Dvars, et la naissance de l’Empire de Pierre.
À partir de cette période, nous séparerons la Brèche en trois parties : la Clairière de l’Ouest, désignant Karna et ses environs, le Sud de la Clairière de l’Est, désignant surtout les régions de l’actuel Empire de Pierre, et le Nord de la Clairière de l’Est, qui est actuellement occupé par les Royaumes Frels. En effet, le passage du Nord au Sud de la Clairière de l’Est est rendu difficile par l’existence de rares points de passage au travers de la Sylve. Bien que possible à l’époque de la Théocratie, ou une entité unique et organisée contrôlait lesdits points, cela a été rendu significativement plus complexe avec la disparition de celle-ci, faisant d’eux des points âprement convoités.
Bien loin des préoccupations du reste de la Brèche, le début de l'Ère de Fer fut une ère de paix et de prospérité pour Karna, qui en profita pour développer l’art et la culture. Cependant, les nouvelles sur le reste de la Brèche et sur le retour des conflits finirent par leur parvenir. Les plus altruistes d’entre eux, peinés par tant de souffrances, partirent donc à travers la Brèche, afin de venir en aide avec ceux qui en avaient besoin. Les “Soleils Bienheureux”, tel qu’ils furent appelés à l’époque, rencontrèrent les différentes races, tentant tant bien que mal de les aider, ne pouvant malheureusement parfois rien faire, ou voyant leur aide refusée.
Dans les opérations les plus marquantes, on note l’aide apportée par le Sorcier du Sud aux Paons dans la refondation de Corbel, à l’origine de l’alliance entre ceux-ci et Karna, ou de la rencontre le Sorcière du Nord avec les Corbeaux, tentant de leur implorer (sans succès) l’arrêt de leur croisade. On note également les très nombreux Alfars qui partirent au travers de la Brèche, aidant les différentes races, et encore aujourd’hui à l’origine de légendes locales parmi les peuples mortels.
C’est en 2A617 que l’Âge d’Or de Karna prit fin, et ce par un bien triste événement : la seule guerre au sein de laquelle les Alfars de Lumière ne furent mêlés. Tout commença par un appel à l’aide d’un des Royaumes Dvars. Attaqués par une incursion démoniaque, ils demandèrent l’aide à la Cité Éternelle, dont l’expertise en cette manière n’était rivalisée que par les Mühnirs, en lesquels aucun n’avait confiance, ainsi que les mythiques Gardiens de l’If, qui ne se meuvent que lorsque le monde entier est en danger.
Une troupe de volontaires Alfars — des vétérans s’entraînant à la danse des lames depuis plus de 500 ans pour certains — se forma, et partit en direction dudit royaume. Pendant plus de six lunes, aucune nouvelle ne parvint de l’expédition, jusqu’à ce qu’un oiseau, seul, ne rentre à Karna, se transformant en Meredith Wovenheart, la meneuse de cette dernière. Elle révéla la terrible vérité : il n’y avait pas de démons. Les Dvars avaient tendu un piège, tentant de capturer les membres de l’expédition pour les torturer, et leur faire avouer l’emplacement exact de la Source de la Vie.
À ces mots, le Conseil de Karna vit rouge. Les premières, et parmi les seules lois, du peuple Alfar sont l’interdiction absolue du meurtre d’un citoyen de Karna, et la protection de la Source de la Vie. Par leurs actions, les Dvars du Royaume du Charbon les avaient enfreints, pour la première fois depuis le Requiem du Protecteur. Et Karna protège les siens.
Au sein de la Ville d’Ivoire, les œuvres d’art cédèrent la place à des créatures faites pour le combat : les féroces griffons, les énigmatiques dolphinoïdes, les inquiétants galimèros… Toutes ces créatures, et bien d’autres voient leurs racines remonter à cet âge sombre. Puis, menées par la Fondatrice, telle une nuée de morts, les forces de Karna prirent leur envol, en direction du Royaume du Charbon.
L’attaque fut brève, rapide, létale. Les Dvars, sans capacités aéroportées, ne pouvaient rien faire face aux forces de Karna, alors même que leurs flèches rebondissaient sur les créatures les attaquants, où étaient esquivées, voir tranchées en plein vol, par des Alfars qui avaient transcendé la guerre pour en faire un art. Les civils furent épargnés, mais nul Dvar ne tenant une arme, du simple conscrit au Roi du Charbon, ne fut épargné.
Rapidement, le Royaume du Charbon appela ses alliés : les Alfars, disaient-ils, avaient attaqué sans justification. Les Alfars, disaient-ils, désirent conquérir les Dvars. Les autres royaumes Dvars furent convaincus par la sincérité apparente du Charbon, et prirent, à leur tour, les armes. La Guerre de la Tromperie avait commencé.
En apprenant l’alliance des Dvars, les Alfars furent outrés par les mensonges du Royaume du Charbon, et montèrent immédiatement une tête de pont à Corbel. Le passage le plus direct entre les Royaumes Dvars et Karna passant par la Vallée des Dames, se retirer à Karna mettrait les Kelts au front avec les Dvars, ce que le Conseil ne pouvait tolérer : les Manars étaient innocents dans cette histoire, et n’avaient pas à souffrir. Seule la “perfidie Dvar” en était la cause.
La guerre commença bien mal pour les Dvars. Chacun de leurs assauts était méthodiquement repoussé, parfois par des Alfars seuls, dont la seule maîtrise des Arts Karniques était suffisante à annihiler des armées entières. Stoutston, Wickar, Buckhal… Tels sont les noms entrés dans l'Histoire à cette époque, leur légende écrite dans le sang des batailles.
Mais si les Dvars sont trois choses, c'est bien inventifs, travailleurs et nombreux. Malgré la perte de nombreux des leurs, ils ne reculèrent pas face à ceux qu'ils pensaient être un envahisseur, mais apprirent. Horton Hindenburg, du Royaume du Cuivre, trouva le moyen de vaincre la supériorité aérienne Alfar avec l'invention des Flugdampfs, immenses ballons remplis de gaz capable de flotter, et, si nécessaire, de se transformer en gigantesques bombes incendiaires. Dans le même temps, Liften Pulver mit au point la formule du Schwarz, une poudre explosive, permettant la création de nouvelles armes, capable de percer le cuir naturel des créations Alfars.
La première perte du côté Alfar fut Northon Buckhal, et fut loin d’être la dernière. Alors que les batailles s’intensifiaient, de plus en plus de membres de chaque race tombent. Il fallait mille Dvars pour faire tomber un Alfar… Mais les Alfars étaient drastiquement peu nombreux, et ce ratio était catastrophique pour les deux nations.
La fin de la guerre ne vint pas du champ de bataille, mais des arrières lignes. Plus précisément, du fond de la Cité Éternelle elle-même. En 2A624, la Sorcière du Nord, laissée en charge de Karna alors que la Fondatrice menait les forces de défense à Corbel, surprit Meredith Wovenheart aux alentours de la Source de la Vie, endroit où elle n’avait rien à faire, ayant déjà bû à celle-ci des centaines d’années avant. Cette dernière tenta d’expliquer sa présence, mais la Sorcière, prise d’un excès de méfiance, utilisa son alchimie pour dérouler et percevoir les essences de Meredith, une procédure très hostile.
Sa méfiance fut récompensée alors que la vérité éclata au grand jour : il ne s’agissait pas de Meredith, mais d’une Neivar ayant pris sa place. Le combat éclata au sein du Sigil, et, finalement, grâce à l’intervention du Sorcier du Sud, en repos à ce moment, ainsi que d’Ajira Clairmane, la Première des Tigres Blancs, la Neivar, ayant fait un pacte avec une entité impie pour devenir à moitié démone, fut arrêtée et interrogée, révélant l’ignoble vérité : c’était elle qui avait provoqué l’incursion au Royaume du Charbon, pour attirer une troupe d’Alfar, les tuer, les remplacer et s’infiltrer ainsi au sein de Karna, afin de s’emparer de la Source de la Vie et de l’utiliser pour permettre le retour de l’Empire Neivar.
L’information fut rapidement relayée à la force principale, et la Fondatrice entra immédiatement en pourparler avec l’Alliance Dvar. Ces pourparlers furent particulièrement complexes, les Dvars refusant — à juste titre — toute excuse ou offre de la part des Alfars de Lumière. Heureusement, un des Premiers-Nés, plus que tout autre, sut s’illustrer en tant que porteur de paix. Originaire de la Tribu du Sud, Janus Altseel était, presque depuis la fondation de Karna, un des diplomates de la Cité de Lumière. Sachant parler toutes les langues de la Brèche, et s’intéressant grandement à la politique des diverses nations, c’était lui qui avait su négocier les détails de l’accord avec les Panolis, lui encore qui avait été un des premiers à entrer à la cour du Dieu-Roi, ou à discuter avec un Waermaester. Et, une fois encore, il sut trouver les mots justes.
Réussissant à comprendre les problématiques Dvar avec une finesse impressionnante, il réussit à faire s’asseoir les Rois Dvars à la table des négociations, permettant finalement à la Fondatrice d’expliquer la vérité sur ce qui s’était passé. Finalement, les excuses de Karna furent écoutées, et la paix signée. Karna prenait la pleine responsabilité pour cette guerre, son manque de vigilance l’ayant causé, et se mit immédiatement à réparer les dommages de la Guerre. Cependant, au milieu de ce drame, une lueur d’espoir naquit pour la Brèche. Au moment où fut signé l’accord, le ciel se mit à étinceler. Janus, qui venait de poser sa plume, ayant reçu l’honneur de signer au nom de Karna, semblait au centre du faisceau lumineux qui semblait désormais descendre des nues.
Malgré l’inhabituel de la scène, nul sur place ne se sentit menacé d’aucune manière que ce soit, restant coi alors que le diplomate commençait à s’élever dans les cieux, jusqu’à disparaître dans un éclair de lumière sacrée. Pour la première — et seule — fois du Deuxième Âge, quelqu’un, par ses actes, s'était élevé à la Divinité. Janus, Dieu des Messagers et des Diplomates, était né, devenant le dix-neuvième Dieu Sauvage de la Brèche.
Malheureusement, malgré les meilleurs efforts de Janus, les Dvars n’ont jamais vraiment retrouvé leur confiance d’antan avec le Peuple Immortel, ayant été témoins de la puissance que l’antique cité dissimulait, aussi, rarement font-ils volontairement appel à leur assistance, la dernière (et unique) fois remontant à la prise du Capitole par la Wisehead. L’ironie veut que cette méfiance s’étende à l’aide pour lutter contre les incursions démoniaques, l’appel aux Alfars dans cette situation ayant provoqué la Guerre de la Tromperie. Ainsi, ils préfèrent aujourd’hui faire appel aux caravanes Maalkvi, des caravanes de Neivar, plutôt qu’à Karna.
La cause de la Guerre de la Tromperie avait révélé une chose simple au peuple Alfar — l’Âge d’Or avait abaissé leur vigilance. Ils s’étaient mis à prendre le don de la Source de la Vie pour acquis, alors que, plus qu’un droit, il s’agissait d’un devoir : celui de veiller à ce que nul ne puisse l’utiliser à des fins néfastes. Ainsi, durant les années qui suivirent, la société Karnique se réorienta : les défenses autour de la Source furent renforcées et, bien que l’esthétisme resta une des priorités, l’art fut mis au service de la mission ancestrale.
Malheureusement, pour les plus jeunes, ceux étant nés bien après la Fondation de Karna, ce nouveau mode de vie, moins idyllique que celui de l’Âge d’Or, commença à provoquer la grogne. La Source de Vie avait été donnée au peuple Alfar, le Monde n’avait le droit de la leur reprendre. Pourquoi s'embarrasser d’une mission aussi prenante et inutile ?
Cette grogne, auparavant minoritaire, gagna en popularité avec les années, si bien qu’en 776, le Conseil de Karna dû se réunir pour trouver un moyen de les apaiser. Afin de mieux comprendre les revendications des protestataires, il fut organisé des pourparlers : le Sorcier de l’Est, Dwayne Eswich, fut chargé de discuter avec eux, au nom du Coven du Zénith. Malheureusement, le Conseil ignorait que cela était exactement ce que le Sorcier attendait. Après coup, des lettres furent retrouvées prouvant qu’il avait été l’un des acteurs majeurs derrière la protestation. Celui-ci avait en effet, en privé, un désaccord avec la Fondatrice depuis la Guerre de la Trahison. Là où elle prônait une utilisation pacifique du pouvoir de la Source de la Vie, et le fait de ne guider que les races mortelles qui en font la demande, respectant le libre arbitre, Eswich désirait prendre le destin de la Brèche en main, pointant l’inconséquence de ces dernières, dont la mémoire était trop éphémère pour leur faire pleinement confiance.
Ainsi, il avait ourdi un plan avec un petit noyau de rebelle, les plus extrêmes : en tenant les négociations au Sygil, le cœur de Karna, juste au-dessus de la Source de la Vie, dans les quartiers d’ordinaire réservés à la Fondatrice, ils tentèrent une descente en force, et s’emparer de cette dernière, afin d’en avoir les pleins pouvoirs. Leur plan fut à deux doigts de réussir, mais l’un des familiers de la Fondatrice, un des gardiens directs de la Source, réussit à s’enfuir, et à la prévenir. Celle-ci redescendit en urgence et, alors qu’Eswich était sur le point de s’en emparer, elle le repoussa, se tenant seule face à l’escouade ayant choisi de trahir Karna.
Même les plus endurcis des traîtres, face à celle qui avait tant fait pour leur peuple, hésitèrent, lui laissant ainsi le temps de prononcer une unique formule, la formule offerte par le Monde lors de la découverte de la Source, la seule formule qu’elle n’avait jamais partagée — le Décret de Bannissement. Alors que les mots quittèrent sa bouche, les traîtres eurent la sensation de voir leur sang bouillir dans leurs veines, alors même que la Source de la Vie leur retirait sa bénédiction. Leurs corps robustes, transformés par les arts karniques, firent place aux corps sombres et naturellement chétifs des Alfars.
Secoués par cette métamorphose, ils furent aisément capturés, et le Conseil se réunit pour délibérer de leurs sorts. À la quasi-unanimité, la mort fut votée, mais la Fondatrice y opposa son droit de véto : la première règle de Karna interdisait le meurtre de ses citoyens, et la justice même devrait s’y plier. Il fut, à la place, décrété leur bannissement. Face à cette décision, plusieurs membres de leur famille firent le choix de les accompagner en exil, renonçant volontairement au don de la Source afin de les accompagner. Devant une telle démonstration de l’union du peuple Alfar, la Fondatrice fut prise d’un élan de générosité, et décréta que leur exil ne serait pas éternel : tout Alfar dont les ancêtres furent bannis de Karna pourrait revenir à sa guise, cinquante ans après en avoir fait la demande, ou en exécutant une quête au nom de la Cité Éternelle, car nul ne mérite d’être puni pour le crime de ses aïeux. Ceux qu’on appelle désormais les Alfars Sombres partirent, rejoignant des communautés aux quatre coins de la Brèche.
Revenons légèrement en arrière, à l’époque de la dissolution de la Théocratie. Avec l’attaque des Dvars, la superpuissance ayant régné sur la Brèche se morcela rapidement, les tribus Dyrvars la constituant prenant leur indépendance en se repliant sur leurs terres ancestrales. En plus des myriades de petits états, trois de tailles respectables émergèrent du chaos, chacun pour des raisons différentes.
Il faut garder à l’esprit que, même si ces trois puissances étaient plus grosses que le reste, elles ne recouvraient, ensemble, qu’un tiers de l’ancienne Théocratie : la majeure partie de celle-ci s’étant séparée en des terrains trop petits pour être mentionnés, appartenant à des tribus de Dyrvars locales. Une aubaine pour les Waraboucs et leurs nouveaux alliés, qui purent ainsi rouler très littéralement sur des régions isolées et désorganisées, suite à l’abandon de leur précédent régime et au manque de temps pour en adopter un nouveau. En une décennie à peine, ils avaient réussi à s’emparer du territoire délimité par les trois autres grandes puissances. Quoi qu’il arrive, toute future conquête devrait passer par une guerre avec l’une d’entre elles…
Malheureusement pour les Boucs, leurs cultures, se basant surtout sur l’artisanat, et celle des Dvars, qui en étaient plus ou moins une copie, s'apprêtaient mal, à l’époque, à un grand territoire. Très rapidement, les désaccords sur les modes de production optimaux ou sur les méthodes artisanales devinrent désaccords politiques et, en 2A275, le territoire sous contrôle de la tribu des Waraboucs se morcela en cinq Royaumes, certains dominés par des Dvars, d’autres par des Waraboucs. Ils s’agissaient des Royaumes du Charbon, du Marbre, du Fer, du Bois et du Sel, les noms reflétant plus ou moins l’artisanat favori de chacun.
Aussi rapidement qu’ils éclatèrent, les royaumes se mirent également à se déclarer la guerre, chacun tentant de prendre l’ascendant sur les autres. La période de 2A275 à 2A369 fut ainsi particulièrement chaotique, avec la disparition et la formation de plusieurs autres royaumes, au fur et à mesure des alliances et des trahisons. Ce fourmillement d'activités ne sera pas détaillé ici, et le lecteur intéressé est invité à se référer à l’ouvrage “Les Guerres de Fer : du chaos naît l’ingéniosité”, écrit par moi-même sur cette période.
Dans les événements marquants, on peut tout de même noter les deux tentatives de la Théocratie de manger du territoire sur les Royaumes dits "Dvaraboucs", pour représenter leur nature composite. La première fut une réussite, et permit la conquête du Royaume du Marbre, tandis que la seconde vit leur armée repoussée, et la quasi-totalité de l’ancien royaume du Marbre être reconquis par le Royaume du Charbon.
À l’inverse des Gahrs, l’expansion des royaumes Dvaraboucs se fit petit à petit, presque par accident. Comme abordé dans le livre précédemment recommandé, les Premières Guerres du Fer furent un catalyseur formidable de l’ingéniosité des deux peuples. Leurs chars et machines de guerre gagnèrent rapidement en complexité, de même que leurs armements, ou mêmes techniques d'agriculture, pour maximiser les ressources pouvant être allouées aux conflits.
Le résultat fut rapide, et peu surprenant : les armées Dvaraboucs dépassèrent rapidement en qualité les armées Dyrvars, qui ne pouvaient gagner un avantage que grâce à l’utilisation du Culte Sauvage. Tandis que, dans un premier temps, cela n’impacta que peu la Belle République ou le Diocèse de Sang, ce fut absolument cataclysmique pour ce qui restait de la Théocratie, la prière au Dieu de la Guerre permettant d’ordinaire d’améliorer la qualité de ses armes et armures, mais restant limitée par le matériel de base.
Ainsi, au fur et à mesure des escarmouches, et des conflits, les Gahrs virent leur territoire restant se réduire comme peau de chagrin. Les Royaumes Dvaraboucs frontaliers, se rendant compte de l’opportunité, se mirent à lancer des assauts communs. Rapidement, en 2A381, seul le Capitole restait sous domination directe des oies, les restes des territoires de la Théocratie ayant été partagés par des Royaumes Dvaraboucs opportunistes. Cependant, face à la résistance farouche du dernier bastion Gahr, et aux impressionnantes fortifications du Capitole, cité fondée par et pour la guerre, les Dvaraboucs choisirent d'ériger l'immense fortification du Mur de la Foi, entourant la cité et ses alentours immédiats, pour éviter une attaque de leur part.
Le passage vers l'Ouest de la Clairière déverrouillé, les Dvars en profitèrent pour se répandre sur le reste du Sud de celle-ci. Mis à part la Vallée des Dames et la Belle République, toute celle-ci fut ainsi sous influence Dvars et Waraboucs vers la fin des années 2A420, avec une grande majorité de ces derniers, la population Dvar n'étant tout simplement pas suffisante comparée à la masse de Dyrvars.
Cette plus grande influence des Waraboucs, et le dédain des Dyrvars pour la benjamine des races furent, ironiquement, directement responsables de leur montée météorique, sur le cours du cinquième siècle du Deuxième Âge.
En effet, bien que l'enfermement du dernier bastion de la Théocratie au Capitole par le mur de la Foi ne soit pas à proprement parler un danger pour celle-ci, plusieurs espèces de Dyrvars s'y trouvant pouvant voler pour aller acheter des biens, et la magie des Dyrvars Vaches étant suffisante pour garantir un rendement excellent aux rares terres leur appartenant, il s'agissait plus d'une question de praticité, symbolique et fierté.
Mais l’honneur était bien tout ce qui restait à la presque défunte Théocratie. En acte de vengeance, les Corthirs, restés fidèles jusqu’au bout à celle-ci, implorèrent en 2A413 Cort, la Déesse Vache, en charge de la fertilité, de maudire les Waraboucs, qu’ils voyaient comme seuls et uniques responsables de cet affront. Les effets se firent rapidement sentir : les fausses couches et infertilités augmentèrent drastiquement au sein de leur espèce, comme attestée par de nombreux traités médicaux de l’époque tentant, en vain, de trouver un remède au “Mal infantile”.
Les années passant, la population de Waraboucs diminua de plus en plus tandis qu’à l’inverse, celle des Dvars ne cessait de grandir, aidée par les meilleures conditions de vie et les nouvelles découvertes du peuple Dvar. Tentant de contrecarrer la malédiction, nombreuses sont les lignées royales Waraboucs qui se mêlèrent ainsi aux Dvars, espérant que cela suffise à leur garantir au moins une progéniture masculine viable.
Ce fut couronné de succès, mais cela amorça une transition démographique, alors que les Waraboucs étaient peu à peu remplacés par des Dvars aux positions de pouvoirs, transformant les royaumes Dvaraboucs en royaumes Dvars, dans lesquels les Dyrvars, respectés, n’occupaient cependant qu’une place mineure, à cause de leur faible nombre. Quant à la malédiction, elle ne perdura que jusqu’aux Conquêtes de l’Empereur, avec la rétrocession du mur de la Foi au Capitole et la garantie de sa reconnaissance en tant que nation souveraine.
En parallèle avec le déclin des Waraboucs, une autre grande civilisation des débuts de la Brèche connut sa fin. Ayant assez d’être soumis aux prix de la Belle République pour de nombreux imports de minerais étant uniques aux Monts Céruléens, les Royaumes du Fer et du Cuivre choisirent de s’allier contre la Belle République. Repoussés dans un premier temps par les nombreuses illusions des Paons, ainsi que les prouesses guerrières de leurs alliés, ils finirent par développer le Keinaugen, une machine d’amplification des sons très rudimentaires leur permettant de tirer sur les Panolis au bruit du déploiement de leur queue, et ainsi de les abattre sans les voir et être pris par leurs illusions.
Malgré la perte de cet avantage, le conflit fut âpre pour reprendre les Monts aux Dyrvars, qui employèrent des tactiques similaires à celles utilisées contre Felguer plusieurs siècles auparavant. Mais les Dvars n’étaient pas Felguer, et ils n’eurent aucun mal à s’adapter à la tactique d’escarmouche des Dyrvars, formant également des armées plus petites et mieux entraînées pour réagir efficacement. Cependant, alors que les Dvars approchaient de Corbel, la capitale des Panolis, ils eurent la mauvaise surprise de les voir hisser de très nombreuses bannières, dans une forme similaire à une queue de paon.
Après avoir perdu plusieurs éclaireurs qui avaient osé regarder la structure, les Dvars choisirent de progresser complètement à l’aveugle, raccrochés par des cordes pour éviter de tomber. Cela fut un désastre : ils étaient ainsi une cible bien facile pour les armées de la Belle République. Cependant, ces malhabiles tentatives n’étaient en fait qu’une diversion : un autre groupe avait été chargé, dans le plus grand secret, de creuser un tunnel au travers de la montagne jusqu’à la ville.
Le tunnel fut achevé en 2A438, soit une vingtaine d'années après le début de l’invasion (qui dura, au total, sur sept années, espacées de fragiles périodes de paix). Mais, lorsque les Dvars en sortirent pour attaquer les Paons, ils trouvèrent une cité vide. En effet, l’un des étendards semblait avoir pour effet de donner l’illusion d’une ville occupée aux assaillants.
Ils ne furent pas les seuls surpris : les autres espèces Dyrvars qui combattaient avec férocité pour défendre la capitale des Panolis et de la République n’avaient également pas été averties de la manœuvre. Confus et trahis, ils acceptèrent donc de se rendre aux Dvars, tant qu’une semi-autonomie leur était garantie concernant la gestion de leurs territoires.
Les Panolis, eux, ne désirant pas de nouveau perdre leur indépendance, surtout à un peuple ayant aussi peu de fibres artistiques que les Dvars, avaient évacué en direction des Monts Verdoyants, cherchant à fonder une nouvelle Corbel. C’est là qu’ils firent la rencontre du Sorcier du Sud en 2A443, qui les aida dans la refondation du Berceau des Arts, scellant ainsi l’antique pacte entre les Panolis et les Alfars de Lumière.
Après la conquête — et la subséquente explosion en plusieurs royaumes Dvars — de la Belle République, les seules entités politiques n’étant pas dirigées par le peuple des Monts se trouvaient au Nord de la Clairière de l’Est, composée du Diocèse Sanglant ainsi que de plusieurs tribus Dyrvar, s’affrontant régulièrement entre elles sans qu’un vainqueur décisif n’émerge. Cela changea en 2A448, année durant laquelle, à la surprise des peuples de la Clairière de l’Est, une armée de Manars, vêtue de peaux de bêtes, émergea de la Sylve, menée par un des leurs qu’ils appelaient le Dieu-Guerrier. Ceux-ci balayèrent purement et simplement les tribus Dyrvars du Nord et, fidèles aux coutumes Skalds, les dévorèrent pour s'approprier une partie de leurs pouvoirs.
Les autres tribus, effrayées par la violence des nouveaux arrivants, se tournèrent en direction du seul pays assez puissant pour les aider — le Diocèse Sanglant, qui, servant l’unité, accepta de présider la Coalition Dyrvar contre l’avancée Manar. Menées par le cavalier Moltös Orphée de Porsel, les armées coalisées affrontèrent les envahisseurs, réussissant même à les stopper pendant plusieurs longues années. Le général en personne croisa plusieurs fois la masse avec le Dieu-Guerrier, et sang contre acier, réussit à arracher le nul à l’un des plus grands combattants que ce monde n’ait porté.
Malheureusement, un événement aujourd’hui encore indéterminé se produisit : les Frels parlent d’une intervention divine, les historiens plus prosaïques d’un développement inhabituel de l’Otherself. Dans tous les cas, du jour au lendemain, le Dieu-Guerrier changea presque du tout au tout. Armé d’une nouvelle lame qui semblait rayonner de puissance, il était devenu plus grand, plus charismatique, supérieur en tout point. Quittant son statut d’homme, il se proclama Dieu-Roi du peuple Frel, réincarnation directe de leur créateur et ancêtre… Et reparti au combat.
Lors de la bataille suivante, Orphée fut complètement dominé, avant d’être sommairement exécuté par le nouveau Dieu. Cette défaite, ainsi que celle de l’armée l’accompagnant, provoqua la capitulation du Diocèse Sanglant, malgré la demande des autres tribus Dyrvars à continuer le combat. Ces dernières, voyant cela comme une trahison, commencèrent à attaquer non seulement les envahisseurs, mais également, en certains endroits, leurs anciens alliés. Cela ne dura cependant que peu de temps. Bien vite, le Dieu-Roi, malgré son armée bien inférieure en nombre, écrasa toutes les tribus refusant de se rendre, les forçant à la servitude — les Frels, seulement un millier à l’époque, étaient bien trop peu nombreux pour occuper tout le territoire conquis.
En égard à la capitulation rapide des Moltös, et à leurs prouesses guerrières, il accorda cependant à ceux-ci un statut spécial, décrétant que nul mouton ne serait mangé sous son règne, contrairement aux autres Dyrvars, qui resteraient du bétail. Ayant par ailleurs constaté de première main l’efficacité de la moltönnerie, dont les stratégies n’avaient cessé de se perfectionner depuis la Théocratie, il ordonna à ceux-ci d’enseigner leurs techniques aux Frels. Cela marque le début de ce qui deviendra la Chevalerie Frel, qui connaîtra son apogée vers le dixième siècle du deuxième âge.
C’est ainsi que, en l’an 2A454, fut fondé le Grand Royaume Frel, avec un système féodal assez simple, composé d’une hiérarchie de seigneurs Frels, et, tout en bas, les roturiers, surtout les Dyrvars, chargés de cultiver la terre et de payer de nombreux impôts à leur seigneur, qui payait à son tour des impôts au sien, et ainsi de suite. Bien que les Moltös aient réussi à s’émanciper assez rapidement de cette condition, nombreux sont les Dyrvars encore serfs au sein des Royaumes Frels actuels, même s’ils sont, proportionnellement, bien moins nombreux : les riches et fertiles terrains des royaumes ayant permis aux Frels de nourrir et d’enfanter à foison, jusqu’à devenir, avec les Moltös, l’ethnie dominante de la Brèche.
Cet événement divisa en deux la Clairière de l’Est. Tandis que la partie sud, désormais nommée Bassin Dvar, était sous la domination du peuple des monts, la partie nord, le Bassin Frel, était occupée par les Manars éponymes. Nous les traiterons, à partir de maintenant, de manière séparée, jusqu’à la Guerre de la Wisehead. En effet, avant cet événement, les interactions entre les deux moitiés furent, d’un point de vue global, assez minimes, constituées surtout de conflits frontaliers.
Durant toute la domination du Dieu-Roi sur le Bassin Frel, et même quelque temps après son assassinat, nombreux furent les Dyrvars à fuir au Sud, ne voulant se soumettre ou craignant un sort similaire à celui des Moltös sur le long terme. Ceux-ci eurent la surprise d’y voir un paysage méconnaissable : s’attendant à croiser d’autres tribus Dyrvars, ils furent accueillis par les impressionnants chantiers et puissants royaumes des Dvars.
Bien que certaines tribus choisirent de s’installer dans des recoins encore assez reculés, prévenant (ou non) les royaumes auxquels ceux-ci appartenaient, d’autres, à la mémoire écrite assez longue, cherchèrent l’ancien centre de la Théocratie, pensant que peut être, une terre dirigée par les Dyrvars y existait encore. Malheureusement pour eux, ils ne purent trouver que le Capitole, entouré des forteresses Dvars, inatteignable, même si toujours invaincu.
Néanmoins, ce voyage ne fut pas pour rien. Les Arniars, une des espèces étant restées loyales au Capitole jusqu’au bout, réussirent à percevoir l’arrivée des tribus, grâce à leurs sens affutés. Rapportant cette information aux autres Dyrvars restés au Capitole, majoritairement composés de dix tribus, ils débattirent pendant quelques jours avec eux sur la marche à suivre : tenter encore une nouvelle percée, avec l’aide de l’extérieur, sachant que les autres avaient échoué à percer les murs bien défendus des Dvars, ou s’y prendre autrement.
C’est à ce moment que Lagos, un des derniers Gahrs encore vivants, la plupart ayant malheureusement tenté d’attaquer les Dvars pour mourir sur les remparts, prit la parole. Il déclama que de nombreux Dieux Sauvages étaient venus le voir en songe, pour lui confier une mission : faire du Capitole le refuge de la Foi Dyrvar dans la Brèche, afin que celle-ci ne soit jamais assujettie aux autres races. Pour prouver qu’il disait la vérité, il se serait assis sur le trône de Felguer, trône qui, dit-on, transperce de lames quiconque n’en est pas digne aux yeux des Dieux de la Théocratie.
Son absence de blessures sut convaincre le reste des tribus du Capitole que sa cause était bénie des Dieux Sauvages, et ils se plièrent à son décret. Désormais nommé Saint Lagos, le premier Saint, car ainsi seront appelés après lui les prêtres à la tête du Capitole, usa des frères des Arniars pour envoyer des lettres aux tribus proches. Le message était clair : tant que le Capitole tiendrait, l’Esprit et la Foi Dyrvar seront invaincus. Qu’ils se préparent — le jour viendra où les Dvars seront faibles, et où les Dyrvars pourront frapper, pour retrouver leurs terres d’antan.
Il est cependant important de noter que l’historicité des faits marqués au-dessus n’est pas complètement avérée. Bien que Saint Lagos semble véritablement avoir été le premier meneur du Capitole après la création du titre de Saint pour désigner cette place, et que les dates de son règne semblent coïncider avec ce qui est décrit, certains historiens (surtout parmi les rares Dvars pratiquant cette profession) remettant en doute la religiosité de l’acte, pensant de la transformation en cité religieuse du Capitole plus un coup politique, à la grande colère des Dyrvars auxquels ils pourraient exposer de tels arguments.
Après plusieurs siècles de guerres intestines, les conflits entre les royaumes Dvars finirent par se calmer, avec l’absence de nouveaux territoires sur lesquels s’étendre et donc la diminution des menaces de voir l’un d’eux gagner soudainement en puissance. De 2A477 à 2A564, pendant presque cent ans, sept royaumes Dvars se partageaient ainsi la Brèche sans grande variation de territoire ni conflits importants entre eux :
Vu comme le plus faible des royaumes (hors royaume du Bois), le royaume d’Émeraude espérait remédier à cela en réussissant la conquête des tribus Kelts, à l’Ouest, et en mettant la main sur les terres ô combien fertiles de la Vallée des Dames. Après de nombreux essais infructueux, ils se rendirent à l’évidence que sans un progrès militaire considérable, ils ne pourraient qu’échouer face au Chant des Dames.
Malheureusement pour eux, en 2A564, une nouvelle se mit à se répandre au sein du Bassin Dvar : les Dvars du Royaume du Saphir avaient réussi, en fouillant une vieille ruine Neivar sous leur capitale, à mettre la main sur une puissante arme de l’ancien Empire. Immédiatement, le Royaume d’Émeraude les contacta, pour former une alliance — les Saphiréens étaient également en manque de nourritures, obligés de subir les prix draconiens du Royaume du Charbon. Si l’Émeraude pouvait conquérir la Vallée des Dames, alors ils pourraient leur fournir des cargaisons de céréales à bas prix.
L’accord fut conclu, et pour l’officialiser, la Princesse du Royaume de Saphir devait épouser le Prince du Royaume d’Émeraude. La fameuse arme serait sa dot. Immédiatement, Karna envoya un émissaire au Royaume d’Émeraude, un membre du conseil du Zénith en personne, pour les prévenir de la folie qu’était cette entreprise : les sciences impies du vieil Empire ne devaient, en aucun cas, être réveillées, et continuer sur ce chemin n’allait apporter que mort et destruction pour la famille royale et son peuple.
Mais ils ne furent pas écoutés. L’occasion était trop belle pour le Royaume de ne plus être considéré comme la cinquième patte du cheval, un voisin oubliable et méprisable par les autres royaumes. Les noces furent annoncées, et, sous lourde escorte, l’arme et la mariée furent amenées à Grünviel, la capitale du Royaume d’Émeraude. On dit des célébrations qu’elles furent absolument somptueuses, les hôtes célébrant par avance leur prospérité future, étalant la cérémonie sur treize jours.
Le jour de clôture, alors que l’arme était sur le point d’être révélée… Une ombre apparut dans le ciel. Levant la tête, les convives purent voir une volée massive de corbeaux, si dense qu’elle en éclipsait le soleil et, en son sein, une immense et menaçante forteresse. Imprudents, les Dvars avaient attiré la sombre attention des Mühnirs. Les envoyés Dyrvars, comprenant ce qui allait se passer, fuirent à toutes jambes, et c’est seulement grâce à eux que nous n’avons la moindre idée de ce qui a pu transparaître.
Quand les autres cités du royaume, inquiètes du silence soudain de la capitale, envoyèrent des messagers, ceux-ci revinrent terrifiés, et à moitié fous pour certains. Il n’y avait plus âme qui vive à Grünviel, seulement des squelettes, constellés de traces de bec… Et l’arme avait disparu. Cet événement semble être la cause de la superstition Dvar selon laquelle le chiffre 13 porte malheur, surtout présente dans les Monts Verdoyants et Écarlates.
Après la perte complète de sa capitale et de sa famille régente, le Royaume d’Émeraude s’effondra totalement. Immédiatement, les Royaumes frontaliers du Charbon et du Rubis virent en cela une opportunité de s’étendre, et rassemblèrent leurs armées. Les autres royaumes, ne pouvant permettre un gain de pouvoir trop important de ceux-ci, firent de même, et ainsi débutèrent les Deuxièmes Guerres de Fer, s’étendant jusqu’en 2A617, date de début de la Guerre de la Tromperie. Bien que sur le long terme, ces conflits n’aient eu que peu d'importance, ils furent le théâtre de certains événements marquants.
La dernière conséquence, plus générale, de ces conflits, fut la mobilisation quasi permanente d’armées Dvars hors de leurs royaumes d’origine, luttant contre d’autres armées Dvars, et laissant les royaumes bien plus vulnérables aux Incursions démoniaques pouvant surgir à l’intérieur de leurs terres. Cela poussa les différents royaumes à faire de plus en plus appel à Karna pour régler ces problèmes, ce que les Alfars de Lumière acceptèrent sans problèmes, tout en recommandant aux Dvars, en vain, d’arrêter leurs guerres fratricides. Ainsi, lorsqu’en 2A617, le Royaume du Charbon fit de nouveau appel à Karna, les Alfars vécurent très durement la perçue trahison.
(Il est conseillé au lecteur ne l’ayant pas déjà lu d’aller lire maintenant la partie sur la Guerre de la Tromperie, dans le chapitre sur la Clairière de l’Ouest. Nous passerons ici directement aux conséquences de cette guerre)
La Guerre de la Tromperie préleva un tribut immensément lourd sur les Royaumes Dvars : des morts se comptant en dizaines, si ce n’est des centaines, de milliers, des animaux féroces et nouveaux ravageant leurs territoires, et leur machine économique presque complètement brisée. Les Alfars, en guise d’excuse, proposèrent de faire le nécessaire pour réparer, mais, mis à part dans le cas de certaines espèces d’hybrides particulièrement dangereuses, les Dvars refusèrent, dans un mélange de fierté et de méfiance.
S’entama alors un long processus de reconstruction. Les régions les plus touchées, le Royaume du Charbon et du Bois, complètement exsangue, et dont les familles royales avaient été assassinées jusqu’au dernier, firent le choix de s’unir, formant le premier des Haut-Royaumes, le Haut-Royaume des Monts Verdoyants. Annonçant à tous les autres royaumes leur intention de ne plus se mêler aux conflits entre les Dvars, ils se replièrent sur eux-même, faisant de leur mieux pour rétablir leurs populations et infrastructures.
La plupart des autres Royaumes Dvars n’eurent, malheureusement, pas cette chance. À part le royaume du Saphir, qui s’était coupé du monde depuis le Festin d’Émeraude, par crainte d’être les prochains sur la liste des Corbeaux, le royaume de Rubis et celui de Fer durent subir l’offensive des royaumes Frels qui, voyant leurs adversaires affaiblis, tentèrent finalement de réaliser une tête de pont dans le Bassin Dvar. Ce fut d’autant pire pour le royaume du Fer quand, capitalisant aussi sur leur faiblesse, Saint-Grüs du Capitole appela les Dyrvars fidèles à celui-ci à la guerre, dans le but de recréer la Théocratie Dyrvar.
Incapable de résister à ce nouveau belligérant, l’armée du Royaume de Fer ploya, et rapidement, les conquêtes de la Théocratie divisèrent le pays en deux. Les deux moitiés, obligées de ravaler leur fierté patriotique, furent contraintes à se vassaliser pour survivre, avec les royaumes du Rubis et du Diamant respectivement. De la première naquit le Haut-Royaume des Monts Écarlates, tandis que de la seconde, le Haut-Royaume des Monts Adamantins vit le jour.
En parallèle de ces événements, en 2A631, les invasions Frels connurent un brusque arrêt, suite au Festin Nuptial et au subséquent vol du Calice, qui mena nombre des légions envahisseuses à remonter au Nord, ou à se concentrer sur le front Kelt, avec lesquels ils étaient désormais frontaliers. Cela permit aux nouvellement formés Hauts-Royaumes un répit plus que bienvenue. Concentrant leurs forces sur la nouvelle Théocratie, ils réussirent à stopper son avancée puis, avec l’invention des premières batteries d’artilleries longues portées Dvar, à renverser la tendance.
Constatant le recul des troupes Dyrvars, et reconnaissant leur trop faible nombre par rapport à l’assaillant, et leur retard technique, Saint-Grüs dut faire face à un problème cornélien. La victoire semblait impossible, mais s’il laissait les forces Dvars avancer contre le Capitole, celles-ci mèneraient le siège jusqu’à ce que les Dyrvars soient affamés, leurs nouvelles machines volantes permettant d’intercepter les vols de ravitaillement des Arniars qui avaient permis, il y a de cela si longtemps, à la cité de tenir.
Face à cette situation, le Dyrvar du Dieu de la Guerre tenta une manœuvre des plus audacieuses. Admettant la défaite, il envoya un message aux armées saintes Dyrvars, avec pour consigne de se disperser, et de retourner à leurs villes et villages d’origine, sans jamais perdre la Foi, car telle était la volonté des Dieux Sauvages. La plupart des troupes, voyant le conflit tourner à leur désavantage, acceptèrent, et repartirent rapidement, laissant la totalité du territoire repris par les Dyrvars sans aucune défense.
Les armées des deux Haut-Royaumes se hâtèrent de les reprendre, et, alors que celles-ci progressaient à vitesse grand V en direction du Capitole, l’objectif de la manœuvre se révéla. Chaque Haut-Royaume, lors de sa progression, tentait de faire certains détours, peu pressés par le temps, pour revendiquer en premier les terres les plus riches en minerais, et les plus stratégiquement importantes. Très rapidement, des frictions entre les deux forces Dvars apparurent, avant d’exploser lors de la prise du contrôle par les Monts Adamantins du plateau de Rötstein en 2A639, une région surplombant une vallée riche en cuivre, en acier et en souffre, trois matériaux très convoités par les alchimistes des Monts Écarlates.
Devant le refus des Monts Adamantins de céder la région, les Monts Écarlates, sous l’impulsion de la Haute-Alchimiste Bertha Werkfeuer, réorientèrent leur armée, la prenant par la force. En réponse, les Flugdamps des Monts-Adamantins furent à leur tour dirigés en direction des Montagnes de Schlinn, une région riche en fer dont les Monts Écarlates s’étaient emparés quelques semaines plus tôt. Ainsi débuta le conflit entre les deux Haut-Royaumes, qui fut plus tard connu comme le début des Troisièmes Guerres de Fer.
Quant au Capitole, seule une faible portion des troupes de chaque Haut-Royaume furent dédiées à son siège, troupes ayant tendance à s’attaquer entre elles plus que de poser soucis aux Dyrvars. Notamment, aucun aéronef ne leur fut dédié, ce qui permit à ceux-ci de continuer de s’approvisionner par les airs. Saint-Grüs mourut peu de temps après le début du commencement des guerres de Fer, avec la satisfaction de savoir que le Capitole lui survivrait et que, malgré son échec, la guerre régnait toujours maîtresse dans la Brèche.
Tandis que les conflits entre les Monts Adamantins et les Monts Écarlates s’intensifiaient, les seconds développant leur connaissance de la poudre à des niveaux toujours plus hauts, et les premiers répondant avec des machines et mécanismes toujours plus élaborés, le royaume du Saphir, s’étant coupé du reste du monde pendant de nombreuses années, connut soudain un sursaut. Ses émissaires entrèrent en contact avec les régions frontalières des trois Hauts-Royaumes, avec une consigne simple : l’abandon ou la conquête, au nom des Absolus.
Les Haut-Royaumes, assez sceptiques, ne postèrent que peu de troupes, préférant soit se concentrer sur la guerre en cours pour les Monts Adamantins et Écarlates, soit renforcer les défenses en direction de ladite guerre pour les Monts Verdoyants, qui craignaient que celle-ci ne déborde sur ses frontières d’un jour à l’autre. N’ayant reçu aucune reddition, en 2A649, les nouvelles armées du Saphir se mirent en branle, et les Haut-Royaumes purent finalement constater que le petit pays, auparavant faible par rapport à ses voisins, semblait s’être métamorphosé du tout au tout durant ses années de réclusion.
Depuis leur capitale, Knoten, ceux-ci semblaient avoir retrouvé une partie de l’ancien savoir de l’Empire Neivar, et leurs légions, composées de Dvars hybridés à des abominations venues du fond des terres, devenus plus sculptures qu’êtres vivants, pulvérisant très littéralement la maigre ligne de défense leur faisant face. Surpris, les autres Haut-Royaumes peinèrent à mobiliser leur troupe avant que chacun n’ait cédé un quart de son territoire, suite à lequel elles cessèrent leurs avancées, utilisant leurs pouvoirs impies pour lever des défenses blasphématoires et se préparer à une contre-attaque.
Cette dernière ne manqua pas : d’un commun effort, les trois autres hauts-royaume déchaînèrent leur puissance de feu face aux remparts du Royaume du Saphir, seulement pour échouer face à la magie diabolique de ceux-ci. Après plusieurs essais coûteux et vains, la nature pacifiste des Monts Verdoyants reprit le dessus, et ces derniers jetèrent l’éponge, érigeant une série de fortifications face à celles du Saphir, pour éviter que celui-ci ne puisse de nouveau les attaquer si aisément. Cet arrêt fut bientôt suivi par les deux autres Hauts-Royaumes, qui se rendirent compte de la futilité de leur tentative tant que le Saphir resterait retranché, ses armées prêtes à la défense.
Profitant de ses nouvelles extensions, le Royaume du Saphir se renomma haut-royaume des Monts Céruléens, se présentant comme les chantres des Absolus, entités mystérieuses dont la puissance défierait l’imagination. Grâce aux infrastructures trouvées sur leurs nouvelles terres, ils purent, dans les années qui suivirent, se mettre à la page des dernières innovations Dvar et, en 2A655, les murs entourant son territoire furent abattus, et les Monts Céruléens repartirent à l’assaut.
L’entrée des Monts Céruléen dans le cortège des Nations Dvar relança de plein fouet les Troisièmes Guerres de Fer, auparavant concentrées entre Monts Adamantins et Écarlates. Les quatre nations — car, même si les Monts Verdoyants restèrent défensifs, ils ne furent pas épargnés par leurs voisins — se battirent bec et ongles, innovant en permanence pour tenter d’obtenir un avantage quelconque sur leurs adversaires. Les combats, manigances et autres découvertes effectuées durant cette période seraient, à l’image des Deuxièmes Guerres de Fer, bien trop nombreuses pour être toutes mentionnées ici, aussi nous nous contenterons d’en dresser un résumé non exhaustif, nous cantonnant à un événement par haut-royaume.
Suite à la mort de ses parents, Lothar, Premier de son nom, monta sur le trône en 2A753. Dans un premier temps très jeune, la régence fut assurée par son oncle, Erik Mantartig, le “Belliqueux”, connu pour avoir augmenté de 234% la production d’obus des Monts Adamantins afin de lancer des expéditions punitives sur les Monts Céruléens. Des correspondances de l’époque du jeune Lothar, nous pouvons apprendre que celui-ci était, au contraire, un pacifiste, ayant plus d’intérêt dans la joaillerie et l’urbanisme que dans les poursuites guerrières. On sait également qu’il se plaignait régulièrement des décisions de son oncle, préférant la voie diplomatique et la paix au tonnerre de la poudre et des obus. Appréciant les vastes montagnes de sa terre natale, il partait régulièrement avec ses amis de l’époque, dont faisait déjà partie la future première Überstromeister, Marnie Heimer, dans de longues excursions pour tenter d’explorer certaines cavernes hors des cartes, ainsi que réfléchir sur l’ordre des choses.
Durant une de ces excursions, en 2A760, Lothar fut séparé du reste du groupe à cause d’un éboulement. Pendant plusieurs semaines, il fut ainsi contraint de rester seul, survivant sans aide au sein des montagnes. Nuls, à part peut-être les plus proches confidents du futur Empereur, ne savent exactement ce qui s’est passé lors de cette période, mais une chose est sûre : quand il revint, c’était avec cinq pierres, et une sagesse nouvelle. Retrouvé par une équipe de sauvetage, il fut ramené d’urgence à son palais, mais, à peine rentré, sans avoir pu ni boire ni manger, il pénétra dans la salle du trône, où se trouvaient son oncle et son gouvernement, et demanda de mettre immédiatement un terme à la régence. Alors que le gouvernement, et son oncle tentèrent de refuser, il sortit l’une des gemmes, translucide, et pourtant étincelante, tel un diamant surnaturel, et brandit celle-ci devant lui.
Il est difficile d’expliquer ce qui s’est passé à cet instant, aussi vais-je citer un des témoins directs de l’événement : “Voir cette gemme était comme gagner un aperçu privé, terrifiant et merveilleux, de la véritable nature du monde. La raison pour laquelle le soleil se lève, et la lune se couche. La vérité derrière la pierre qui tombe, où l’eau qui s’écoule. La symphonie secrète du temps qui passe… Pendant l’espace d’un instant, j’avais l’impression de tout comprendre, et pourtant de ne rien savoir. De n’être qu’un minuscule grain de sable dans l’univers, et pourtant d’en intérioriser l'entièreté. Si je devais faire une comparaison hasardeuse, l’expérience m’a semblé en tout point similaire à celle qu’aurait un simple mortel, hermétique aux essences, s’ils venaient soudainement à percevoir le monde au travers des yeux de la Fondatrice.” — Orwen Hearthshire, dernier ambassadeur Alfar au Haut-Royaume Adamantin.
L’apparition de cette gemme, et l’expérience qui en suivit, fut suffisante pour convaincre la quasi-totalité du gouvernement des Monts Adamantins de suivre le jeune Dvar, car quoi de plus inspirant pour des penseurs que d’êtres mis face à la vérité elle-même ?
Ainsi commença la marche de Lothar Ier. Une fois les Monts Adamantins de nouveau sous sa pleine gouverne, il rassembla une armée, relativement faible, et marcha vers le sud, en direction des Monts Céruléens, pour demander audience à Knoten, où il rencontra en personne les hauts-prêtres des Absolues en privée, malgré l’insistance de ses gardes de ne pas le laisser seul. Le contenu exact de cette discussion fait partie des grands mystères de la fondation de l’Empire de Pierre. Néanmoins, à la sortie de celle-ci, les Grands Prêtres abdiquèrent en la faveur de l’Empereur, le déclarant Élu et Porte-Parole des Absolues dans la Brèche.
Néanmoins, les crimes des Monts Céruléens contre le reste de la race Dvar ne pouvaient être impunis. Lothar prit donc la décision d’enfermer les hauts-prêtres et leurs plus loyaux disciples au sein de Knoten, utilisant sa deuxième gemme, l’Œil de Lothar, pour s’assurer que nul n’enfreindrait son décret. Aujourd’hui encore, les ruines de Knoten sont inaccessibles, l’Œil de Lothar scrutant toujours quiconque tenterait d’entrer ou de quitter la cité maudite.
La soumission des Monts Céruléens fit grand bruit dans les autres nations, pour qui savait regarder. Karna pressentit le changement apporté par Lothar, un changement pacifique, après des années de conflits, et se réjouit d’envoyer un nouvel émissaire à ses côtés, pour l’aider comme le futur Empereur le désirerait. Au sein de la Cité Éternelle, l’ambiance était à la fête : la plus jeune des races mortelles semblait véritablement apprendre.
À l’inverse, le Capitole vit là une grande menace. Tant bien même l’antique cité n’avait jamais été conquise, des Dvars unis finiraient par percer leurs défenses, la première garantie de sécurité de la ville Sainte étant le conflit permanent entre ceux qui pourraient vouloir l’envahir. Saint-Pol se permit tout de même d’attendre, afin d’examiner si Lothar allait s’arrêter là ou continuer ses conquêtes. C’est en 2A771 que le Haut-Roi répondit à cette question quand, après une période d’adaptation et d’intégration des Monts Céruléens aux Monts Adamantins, il se mit à marcher de nouveau, cette fois-ci en direction des Monts Verdoyants. Forcé, le Saint fit, pour la seconde fois de l’Histoire du Capitole, appel à l’ensemble des tribus Dyrvars du Bassin Dvar, et même de certaines, déclarant une nouvelle guerre sainte pour la protection de l’héritage des Dieux Sauvage.
Lothar n’eut vent que très tard du rassemblement Dyrvars, se trouvant au sein des Monts Verdoyants, dont il avait obtenu l’allégeance en usant d’une gemme capable de modifier la composition de la terre même, pour la rendre à jamais fertile. Furieux, et craignant que ne se reproduisent les Conquètes Dyrvars qui avaient coupé le Royaume du Fer en deux, et qui dévasteraient complètement sa terre natale, il revint le plus rapidement possible à bord d’un Flugdampf, donnant l’ordre à toutes ses troupes de se préparer, et de se rassembler sur le Mont Palentein, en face de la Cité Dyrvar.
Lorsque l’armée arriva, elle put faire face à un ost de Dyrvar formidable, probablement le plus grand jamais assemblé depuis l’époque mythique de Felguer. En plus des contingents de la plupart des tribus du Bassin Dvar, deux autres forces avaient répondu présent. Dans le ciel, la forteresse volante de Skalheim et ses nuées de corbeaux obscurcissaient le soleil, ayant rejoint l’alliance du Capitole après les événements du Festin Nuptial (voir la partie appropriée, dans la section sur le Bassin Frel). Les Moltös, qui avaient toujours eu un représentant au Capitole depuis sa fondation, étaient venus en force, refusant de voir le symbole de l’Union des Dyrvars bafoué. Médée de Rouvage, héraut de l’Union de l’époque, était ainsi venue accompagnée de nombres de ses compatriotes, et de son mari, Artimus de Rouvage, qui avait ramené, en tant que descendant direct du Dieu-Roi, la légion du Prince Héritier, ainsi que celle du Calice, dont il était membre.
Et pourtant, aussi imposante l’armée Dyrvars semblait elle, l’armée Dvar la dominait en nombre, résultant de la puissance combinée de trois Haut-Royaumes. Canons et mortiers, boucs à vapeur et Flugdampf, tous s’alignaient dans une démonstration de la formidable puissance mécanique s’étant réunie derrière Lothar. En un coup d'œil, même le plus mauvais des stratèges pouvait deviner que, par leur simple nombre, la bataille irait en faveur des Dvars. Mais les meilleurs sauraient que le prix que ces derniers auraient à payer, en vie et en équipement, serait terrible.
Alors que les deux armées finissaient de se préparer, Saint-Pol, monté sur une gigantesque oie, s’approcha du campement du futur Empereur, demandant des pourparlers. Lothar accepta, et les deux meneurs discutèrent d’une issue possible à la bataille, sans que le sang ne coule. Annonçant n’avoir aucune intention agressive, le Saint fit une simple demande : que Lothar ne garantisse l’indépendance du Capitole, suite à quoi les Dyrvars accepteraient de se disperser.
Les négociations furent intenses, mais au bout de deux heures, un accord fut atteint : les Dvars assureraient l’indépendance et la protection du Capitole, leur cédant le Rempart de la Foi, auparavant utilisé pour les isoler. En échange, le Capitole devrait jurer de garder un rôle pacifique, ne faisant plus d’appel à la guerre sainte, et annuler la malédiction faite il y a fort longtemps sur les Waraboucs. L’accord, qui fut signé avec pour témoin l’envoyé de Karna et le représentant Frel, fut entériné et, heureusement, les deux armées se désengagèrent, sans mort ni blessé.
Il ne restait plus qu’un haut-royaume sur le chemin entre Lothar et l’union du peuple Dvar : les Monts-Ecarlates, le plus belliqueux d’entre eux. Les Hauts-Alchimistes, contrairement aux autres Monts, ne semblaient pas être décidés à abandonner leurs terres et, depuis l’annonce de la conquête des Monts Verdoyants, s’étaient préparés à accueillir les forces de Lothar, piégeant nombres des passages au sein de leurs monts avec des explosifs et gaz tous plus vicieux les uns que les autres.
Rapidement, Lothar dû se rendre à l’évidence : avancer au sein des lieux ainsi piégés n’était que folie. Il aurait pu se retirer, comme une personne sensée. Mais si des millions de personnes sensées n’avaient réussi à unir le peuple Dvar, peut être que de la folie était nécessaire. Ne prenant avec lui qu’une poignée de soldats, dont l’émissaire Alfar, il se rendit en passant par d'étroits tunnels jusqu’à Vulkan où il confronta l’armée des Monts Écarlate, leur sommant de se rendre.
Comme on peut s’y attendre, on lui rit au nez. Dans le but de le capturer, plusieurs obus de gaz soporifique furent tirés en sa direction, mais tous furent neutralisés par les Arts Karniques de l’émissaire Alfar. Voyant la méthode “douce” inefficace, les canons le prirent en joue pour l’anéantir une bonne fois pour toutes, et avec lui, l’union des autres Royaumes. Mais la protection de l’émissaire avait donné assez de temps à l’Empereur pour utiliser sa quatrième gemme. Celle-ci, rougeoyante, s’éleva dans les airs et, d’un mouvement de la main de Lothar, elle s’abattit sur la Alkhaus, demeure des Hauts-Alchimistes, réduisant celle-ci en cendre, et, avec elle, la grande majorité de l’état-major des Monts Écarlates.
Craignant que celui-ci soit capable de refaire de telles frappes, les Monts Écarlates finirent par se soumettre face à sa puissance, et c’est victorieuse que l’armée de Lothar célébra sa victoire sur les ruines fumantes de l’Alkhaus. Le Roi lui-même semble cependant avoir été assez insatisfait de cette issue, plusieurs lettres de l’époque contenant des lamentations à propos du sort de ses opposants, alors que lui ne désirait que la discussion.
Après une longue marche conquérante, durant laquelle il passa au travers de chacun des Monts, il finit par rejoindre la capitale des Monts Adamantins, Herrenfeld, en 2A793. Là-bas, s’adressant devant la foule qui attendait son retour, il proclama la fondation de l’Empire de Pierre, la seule nation Dvar : un pays, une loi, pour un peuple. Par cette formation, il mit ainsi un terme à l'Ère de Fer, et marqua le début de l'Ère des Chevaliers.
Mais revenons quelque peu en arrière. En 2A454, le Dieu-Roi assied son autorité sur l’ensemble du bassin Frel, après la soumission du Diocèse Sanglant. Tentant d’abord de continuer son expansion au Sud, dans le Bassin Dvar, plusieurs révoltes dans le reste de son royaume l’oblige à s’arrêter. En effet, comme mentionné plus haut, le Dieu-Roi faisait face à un problème qu’aucun autre peuple de la Brèche n’avait croisé auparavant : un manque de cohésion.
Lors des conquêtes de Felguer, ou des conquêtes Dvaraboucs, il restait une forme de constante : la culture Dyrvar qui, bien que très diverses, portait une grande importance à la Foi, importance qui rapprochaient naturellement les conquérants des conquis. Les discussions théologiques de leurs prêtres, et les échanges des Cultes Sauvages, couplés à la forte participation des Alfars Ancestraux, permettaient de grandement apaiser les tensions, et à éviter les rébellions dans les cas où celles-ci étaient sûres d’échouer. Ces facteurs sont les seuls ayant permis l’existence des gouvernements dits à la “Théocratie”, des gouvernements unis, avec une autorité centrale forte et des règles communes à l’ensemble du pays. Même au pic des Jeux de la Guerre, les provinces de la Théocratie étaient militairement indépendantes, mais suivaient les mêmes lois, avaient la même monnaie et ainsi de suite. Ce type de gouvernement fut ensuite repris par les Dvaraboucs, puis les Haut-Royaumes, et enfin par l’Empire de Pierre.
Cependant, ici, cela était complètement impraticable. Malgré les efforts des Moltös pour tenter de créer un semblant d’union, les Frels envahisseurs n’avaient aucun point commun avec les Dyrvars envahis. Aucune foi, aucune culture similaire qui permettraient un semblant d’union, si ce n’est dans des cas spécifiques. Sans aucune base commune pour tenir ensemble ses terres, les révoltes étaient inévitables, et le Dieu-Roi dut trouver un autre moyen de garder le contrôle de son territoire. Abandonnant ses conquêtes, il déplaça son armée pour soumettre les révoltes ayant déjà éclaté, et s’attela à la consolidation du Grand Royaume Frel, nouvellement formé.
Dans le but d’éviter toute autre régions, il divisa son territoire en quatre, dont il confia chaque partie à ses plus grands généraux, qui, chacun, le divisèrent, confiant une partie des territoires à chacun de leurs lieutenants, pour les surveiller, et ainsi de suite. Cette subdivision du territoire, où les personnes en charge avaient carte blanche pour la gestion de son domaine, tant que l’ordre y était maintenu, est à l’origine du féodalisme, nom donné à cette méthode de gouvernement.
Le Dieu-Roi régna ainsi sur son royaume, pendant 104 ans, jusqu’en 2A568, bien plus que la durée de vie normale d’un Manar. Il fut marqué par le remplacement progressif des généraux du Dieu-Roi en tant que vassaux directs de celui-ci par ses propres enfants. En effet, alors que les premiers connaissaient les affres du temps, ne laissant pas nécessairement de descendants derrière eux, les seconds semblaient avoir hérité de la longévité prodigieuse de leur géniteur. Cela fut aussi la période de l’apparition de l’Otherself Frel, et de premières lames furent plantés au sein de la Vallée Messenne : inspirés par le Dieu-Roi, et encouragé par celui-ci, les Frels se lancèrent tout entier dans le maniement de la lame, ceux réussissant à éveiller ne serait-ce qu’un anneau étant récompensés par titres et terres. Ce dévouement à la voie des lames — et l’importance accordée à la bataille par les Frels — mena logiquement à la création des premières légions Frels, à savoir celle des Berceaux, de la Couronne ainsi que des Princes Héritiers.
D’un point de vue culturel, c’est durant ce règne que se forma véritablement l’identité Frel, bien distincte de l’identité Skald, prenant le Dieu-Roi comme modèle pour toute chose. Celle-ci fut également très influencée par la culture Moltös, que ce soit l’importance qu’ils accordent au sang et à l’unité, qui devint une très forte importance accordée à la famille par les Frels, ou encore par leurs tactiques guerrières, avec l’importance de la moltönnerie, chose inexistante chez les anciens Skalds. La moltönnerie fut par ailleurs si populaire chez la nouvelle noblesse que, dès 2A503, de grandes courses étaient organisées, au sein de fêtes somptueuses, préfigurant les joutes qui peuvent avoir lieu encore à notre époque. Les binômes cavaliers-moutons les plus endurants ou les plus rapides étaient ainsi grandement récompensés.
Malheureusement, ces courses eurent l’effet indésirable de voir les Frels privilégier les moutons les plus rapides, à savoir ceux d’un pelage majoritairement blanc, porteurs de la malédiction du Krampus. Malgré les avertissements des Moltös concernant la corruption, les Frels de l’époque, ne les considérant pas véritablement comme leurs égaux, continuèrent leur pratique, et seul Rubeus, l’un des fils du Dieu-Roi, y prit garde, et tenta d’aider les prêtres de Malta à se faire entendre. Malheureusement pour lui, cet effort allait devoir être vain, surtout quand le Dieu-Roi lui-même apparut sur le dos du plus rapide des béliers… Un destrier aux yeux d’un rouge rubis, et d’un pelage entièrement immaculé.
Finalement, ce qui devait arriver arriva, et le Dieu-Roi, qui semblait heureux de régner sur son royaume, se mit à changer. Sa monture, absolument formidable en tout point, était habitée par une corruption l’étant tout autant, et celle-ci se mit à déteindre de plus en plus sur le Régent, changeant son comportement du tout au tout. Ses enfants purent voir leur père devenir de plus en plus impulsif et, finalement, se mirent à écouter Rubeus, quand celui-ci leur exposa la cause desdits changements.
Au départ partagés sur ce qui devait être fait, le destin fut scellé quand un des servants à la couche de leur père vint les voir, affolé : celui-ci semblait marmonner des choses terribles dans son sommeil, des paroles de progénitures, de malédictions, et de sacrifices. Comprenant que la folie de leur père était allait trop loin, les quatre se mirent finalement d’accord et, par une nuit de lune rouge, entrèrent dans les luxueuses chambres du dieu vivant, pour commettre un acte terrible : le Rite de Sang.
La nouvelle de la mort du Dieu-Roi, tué par ses propres enfants, eut l'effet d’un coup de massue sur le bas peuple Frel. “Heureusement” pour ceux-ci, cela provoqua, chez les Dyrvars, une tentative de révolte massive, pensant que sans l’appui du Dieu, les Frels ne pourraient tenir. Cela donna ainsi aux Princes, qui se hâtèrent de rentrer dans leurs régions respectives, l’occasion de réunir les Frels, malgré leur acte, autour de l’objectif le maintien du Royaume. Usant des pouvoirs arrachés à leur Père durant le rite de sang, ils tinrent bon face aux élus des Dieux Sauvages, chaque bataille prouvant une nouvelle fois leurs valeurs dans le maniement des lames. Ainsi, dans le sang et la sueur, ils gagnèrent de nouveau le soutien de leur peuple.
La stabilisation prit bien plus de temps que prévu, et trois années durant, les Héritiers du Dieu-Roi furent trop occupés à batailler pour penser à lui trouver un successeur. Finalement, en 2A571, les derniers rebelles Dyrvars furent vaincus, et la paix restaurée au sein du Grand Royaume. Leurs actions durant la guerre, qui avaient prouvé qu’ils étaient les plus grands des guerriers Frels, avaient également redonné respect et légitimité aux quatre seigneurs. Ce fut d’autant plus le cas que Rubeus, dont le fief, foyer des Moltös, n’avait que peu souffert des rébellions, avait déjà entrepris la construction de la Cathédrale Vermeille en lieu et place de l’ancien palais du Dieu-Roi. Cette manœuvre, dans le but d’honorer sa mémoire, et approuvée par les autres descendants, avait grandement aidé à apaiser les esprits les plus échauffés.
Il ne restait donc qu’un problème : qui devait monter sur le trône ? Qui méritait d’hériter du Royaume ? Cette question était restée trop longtemps en suspens, et on se hâta d’organiser une grande négociation à ce sujet, entre les principaux seigneurs du royaume, à la Cathédrale venant d’être achevée. L’émissaire Alfar envoyé pour témoigner de cet événement historique décrit la réunion en ces termes :
“La Cathédrale était particulièrement impressionnante, joyaux de l’architecture Moltös, qui avaient grandement appris des Serviteurs et Waraboucs. L'intérieur, contrairement aux autres bâtisses Frels, ne disposait de nulle colonne, les contreforts à l’extérieur suffisant à faire tenir l’imposant édifice. À la place, un immense espace avait été dégagé. Des sièges avaient été placés en carré, chaque délégation occupant un côté, tandis qu’au centre se trouvait un trône incrusté de rubis, sur lequel se trouvait une couronne sanglante, la couronne du défunt roi. Derrière celui-ci, sur un léger autel, on pouvait voir la tombe érigée pour le souverain, surmontée d’un calice d’or, par lequel les Princes se seraient abreuvés de son sang.
Damasius, le premier des fils du Dieu-Roi, qui était présent même lors de l’exil, parla en premier. D’une voix profonde et forte, il se proposa comme successeur naturel. Il était, après tout, l'aîné, et le plus brave guerrier d’entre eux. Ses prouesses sur le champ de bataille ne parlaient-elles pas d’elle-même ?
Rubeus s’y opposa immédiatement : c’était après tout lui qui avait eu la sagesse de voir les changements terribles dans l’esprit du Dieu-Roi, lui qui avait pris les mesures nécessaires pour éviter que sa folie n’entraîne le peuple Frel en entier. Certes, il était le benjamin, mais la couronne ne devait-elle pas aller au plus apte, plutôt qu’au plus âgé ?
Avant que Damasius ne puisse répondre, Altamira, l’une des cadettes du Dieu-Roi, s’exprima également, pour réfuter Rubeus, dont l’ambition l’inquiétait. Il était certes celui qui avait vu le danger le plus loin, mais il était également le premier à avoir suggéré le rituel de sang, et le premier à avoir, durant cette nuit fatidique, poignardé leur père, visant directement le cœur. Puis, se retournant vers Damasius, elle le critiqua également. C’était un grand guerrier, mais une copie conforme au Dieu-Roi, la perfection en moins. Également il avait chevauché la brebis la plus blanche qu’il avait trouvée, ignorant complètement la menace du Krampus. Comment pouvaient-ils être sûrs, avec son comportement sanguinaire, qu’il n’était pas également sous son influence ? Finalement, s’adressant à toute l’assemblée, elle dénonça les deux candidats, et se présenta comme la plus méritante de l’ascension au trône.
Rapidement, les discussions dégénérèrent, les trois adelphes s’accusant mutuellement de la plupart des maux du royaume, d’échecs militaires ou encore de manquement moraux. Finalement, Damasius empoigna son épée, celle qui appartenait à son père, et qu’il avait obtenue sur son corps encore chaud, et tenta, après un commentaire particulièrement incisif, de couper en deux Rubeus… Et manqua. Leviosa, qui était restée silencieuse tout le long de la conversation avait, d’un revers de la main, dévié le coup, qui trancha l’immense tombe cérémonielle installée au centre de la cathédrale. Au sein de la Cathédrale, nul n’osait faire un bruit, alors que l’énormité de ce qui s’était passé s’inscrivait dans les esprits. Puis, toujours sans un mot, Leviosa fit signe à la délégation de sa Seigneurie… Et partit, bientôt imitée par les autres.”
Aussitôt rentrés, Damasius, Rubeus et Altamira se proclamèrent Rois et Reine, tandis que les seigneurs sous Leviosa refusèrent de ne reconnaître aucun des trois, estimant que seule celle-ci, qui avait su rester composée, méritait ce titre. Ainsi se morcela le Grand Royaume Frel.
Les premiers conflits se déclarèrent alors. Tandis que les Terres de Leviosa se retranchaient sur elles-mêmes, ne désirant prendre part à l’affrontement contre d’autres Frels, celles sous le contrôle des trois autres héritiers rassemblèrent rapidement leurs armées, et partirent à la guerre. Altamira, prise entre Damasius et Rubeus, dut dans un premier temps reculer, mais ce désavantage disparut bien vite quand il apparut clair que l’aîné et le benjamin préféraient s’affronter entre eux plutôt que de se soucier de la cadette, donnant ainsi à Altamira le temps de respirer, et de s’adapter.
Ces batailles constantes prirent de nombreuses vies Frels, mais aussi Dyrvars, les serfs étant conscrits à la guerre au sein de milices. Finalement, ce qui devait arriver arriva. Durant la Triple-Bataille, en 2A583, un affrontement opposant les armées des trois pays, les adelphes se retrouvèrent à nouveau, comptant visiblement résoudre leur désaccord concernant l’héritage du trône une bonne fois pour toutes. Les témoignages de la bataille sont confus, mais ils parlent d’un triple duel entre les héritiers, avec possiblement l’intervention d’une quatrième force, que ce soit une force de mercenaire cachée, une trahison de Dyrvars souhaitant la fin du conflit, voire même une antique malédiction lancée par le Dieu-Roi. Dans tous les cas, l’issue de cette rencontre est unanime : aucun ne revint vivant, les trois ayant réussi à s’entretuer.
La mort des instigateurs mit un coup d’arrêt au conflit. Leurs héritiers respectifs, car les régents avaient eu des enfants, finirent par réussir à négocier, et proclamèrent finalement la séparation du Grand Royaume en quatre royaumes, nommés d’après leur fondateur, de manière officielle. Cette négociation, qui eut lieu de nouveau à la Cathédrale, fut surprenamment tendue, de par la présence de Leviosa en personne. En tant que dernière fille survivante du Dieu-Roi, elle avait là une légitimité certaine, mais elle fit de nouveau, au grand soulagement de ses interlocuteurs, le choix de rester parfaitement neutre, contente de garder ses terres, et ne semblant en désirer plus. Les quatre lignées royales, et leurs symboles furent ainsi formellement établis :
Leviosa mourut une décennie plus tard, en 2A594, à l’âge vénérable de 142 ans, particulièrement avancé pour un Manar. Celle qui semblait immortelle avait apparemment choisi d’elle-même de quitter la Brèche, se laissant mourir de faim en priant dans une chapelle privée, afin de demander auprès de son père le pardon pour son Crime. Sa successeure, la Reine Bénédicte Leviosa, ne changea que peu les habitudes de sa mère, refusant le conflit avec les autres Frels, si bien que, jusqu’en 2A615, les royaumes semblaient particulièrement heureux de vivre chacun dans leur côté, évitant les conflits (plus grosses que de petites escarmouches) avec leurs voisins, et se développant paisiblement.
Cette paix vit, ironiquement, la fondation de pas moins de trois légions : celle de la Justice, servant à l’époque surtout de garde rapprochée pour le Roi de Damasius, ainsi que celle du Sceptre et de la Bannière, ayant pour mission de garder les objets ainsi nommés. Sous l’impulsion de la personnalité de chaque dirigeant, les organisations des royaumes commencèrent aussi à se modifier, et c’est lentement, mais sûrement que les cultures divergeaient également.
Cette période calme fut cependant violemment interrompue quand, au travers de ce qui serait désormais connu comme la Passe du Loup, une troupe de Manar, portant des peaux lupines, émergea des bois, se mettant à massacrer et à piller tout sur leur passage, avant de repartir aussi vite qu’ils étaient venus. La tribu du Loup avait redécouvert l’existence du peuple Frel, et les raids Skalds sur les royaumes Frels, un fléau qui continue même de nos jours, venait ainsi de commencer.
Les premiers raids (qui eurent lieu vers 2A611~12) furent, une fois l’effet de surprise passé, assez faciles à repousser pour les Frels : il s’agissait là surtout de petits groupes de Skalds, que ce soit des chasseurs cherchant à prouver leur valeur ou des sans-clans Skalds, suffisamment désespérés pour tenter leurs chances de pillage au sud, où le temps est plus clément. Cela mena le royaume de Damasius, où se trouvait la passe du Loup, à seulement stationner une petite force proche de celle-ci, pour briser les petites vagues d’ennemis. Loin d’être une mauvaise nouvelle, les raids étaient même vus avec une sorte de joie et de trépidation : les Frels, de par leur nouvelle force, triomphaient largement des Skalds, pourtant si redoutable dans leur légende.
Tout changea avec le septième raid. Cette fois-ci, ce n’était pas un petit groupe de chasseurs indépendant, mais bien une équipe organisée, envoyée par le Clan du Loup, avec pour objectif clair le massacre et le pillage, qui sortit des bois. Les menant au combat, un Berserker. Presque à lui seul, ce dernier, dans sa rage furieuse, détruit brique par brique le fortin construit par les Damasius, et tous se trouvant à l’intérieur avant de piller le reste de la région, instoppable.
Quand la nouvelle atteint finalement Estame, la capitale de Damasius, Auguste Damasius, le Deuxième Roi, entra dans une rage terrible, et prit lui-même la commande de la Légion de la Justice pour aller appliquer sa sentence contre les pillards. Malheureusement, ceux-ci étaient déjà partis à l’arrivée de l’armée royale, ne laissant derrière eux que quelques ruines fumantes et des survivants terrifiés. Pire que la destruction, les Skalds avaient enlevé certains Frels, notamment des enfants*, ainsi que de nombreuses épées, ayant reconnu là des armes de factures supérieures aux leurs.
Face à ce désastre, le Roi lui-même jura de monter la garde jusqu’à son dernier souffle, et d'empêcher tout scion du Nord d’atteindre les terres du Sud. Ordonnant la création d’une immense forteresse, connue depuis lors comme la Tour du Serment, il abdiqua de son trône, transmettant l’épée du Dieu-Roi à son propre fils, et, avec le reste de la légion de la Justice, prit place dans la tour, massacrant systématiquement tous ceux qui osaient passer la Passe du Loup avec sa nouvelle lame, Pourfroid, la Terreur du Nord.
*Il s’agit en fait là d’une coutume Skald, la Pitié des Vainqueurs. Lors des conflits entre Skald, la défaite d’une tribu peut très bien résulter en son anéantissement. Dans le climat aride du Nord, la tribu Skald vainqueur prend ainsi avec elle les enfants et les personnes les moins aptes à la survie pour alléger le poids sur la tribu vaincue. Ne pas le faire est, au contraire, vu comme une condamnation à mort des plus faibles, et un crime grave contre l’honneur Skald. Cependant, je ne vous invite pas à essayer d’expliquer cela à un Frel : pour en avoir moi-même fait l’expérience, ce n’est pas une explication qu’ils apprécient entendre.
Tandis qu’au Nord, les raids Skalds commençaient, au Sud, la Guerre de la Tromperie, entre Alfars et Dvars, s’était finalement déclarée, en 2A617. Cette guerre était, pour les Royaumes de Leviosa et de Rubeus, une formidable aubaine. Les deux avaient en effet déjà eu plusieurs accrochages avec les Dvars à ce niveau, en tentant de s’étendre, la réticence de Leviosa à l’affrontement contre les Frels ne semblant pas couvrir aussi le peuple des Monts. En 2A624, alors que le conflit contre les Alfars touchait à son terme, les armées de ces deux royaumes, qui avaient attendu la fin dudit conflit afin de pouvoir au mieux préparer leurs troupes, commencèrent immédiatement leur avancée, attaquant les territoires des Royaumes Dvars en profitant de la paix relative avec leurs autres voisins Frels
Là où, auparavant, de telles tentatives se soldaient systématiquement par des échecs, les armées Dvars étant trop bien engoncées dans leurs forts pour ne permettre la moindre avancée significative, la guerre les avait dévastées, et les forces Frels submergèrent complètement ce qui restait de leurs défenses. Du côté du royaume de Rubeus, tout le nord-ouest du Royaume de Fer fut pris en à peine deux ans, leur donnant accès à des ressources minières qui leur manquaient cruellement, augmentant grandement leur potentiel commercial. La seule chose qui stoppa leur progression fulgurante fut leurs accrochages avec la Théocratie Dyrvar reformée par Saint-Grüs, ainsi que l’union d’une partie du Royaume de Fer et du Royaume de Diamant pour former le Haut-Royaume des Monts Adamantins, qui finit enfin à faire difficilement jeu égal avec les légions Frels.
De l’autre côté du Bassin, l’épopée de Leviosa fut bien plus fructueuse : pénétrant dans la partie agricole du Royaume du Rubis, dans l’ancien Royaume d’Émeraude, ils descendirent à un tel point qu’une frontière avec la Vallée des Dames fut ouverte, frontière que les troupes de Leviosa délaissèrent, voyant que l’opposition Kelt était bien trop forte comparée à celle des Dvars. Ainsi, Leviosa continua joyeusement à s’enfoncer dans les lignes Dvars, s’approchant de plus en plus de Vulkan, capitale du Royaume du Rubis. Même l’alliance avec l’autre partie du Royaume du Fer, formant le Haut-Royaume des Monts Écarlates, ne semblait pas être capable de les arrêter…
En 2A629, tout était ainsi au beau fixe pour le peuple Frel, en particulier pour Altamira et Rubeus : une paix interne entre les Royaumes, une expansion rapide vers le Sud… Tout semblait annoncer qu’après les Dyrvars en leur temps, les Manars allaient être ceux à conquérir l’ensemble de la Clairière Est. Ce vent de poupe se renforça avec l’annonce, en 2A630, des fiançailles exceptionnelles. La fille unique du Troisième Roi de Damasius, Flavia de Damasius, surnommée la Demoiselle en Armure pour ses propres prouesses martiales, devait épouser le petit-fils et héritier du Deuxième Roi de Rubeus (ses parents étant morts d’un accident de chasse), Enée de Rubeus, aussi surnommé le Prince de l’Union, pour sa grande croyance en Malta et ses idéaux pacifiques.
Alors que le mariage devait avoir lieu à la Cathédrale Sanglante, il fut finalement fixé à la cité d’Estame, capitale de Damasius, à l’insistance de ce royaume. En effet, le second roi de Damasius, toujours en vie au sein de la Tour du Serment, refusait absolument de trop s’éloigner de celle-ci, et sa présence au mariage était vue comme capitale par son fils. En 2A632, alors que le front au sud de Rubeus s’était stabilisé avec le conflit contre la Théocratie et que le royaume d’Altamira continuait tranquillement son expansion en territoire Dvar, les grands de tous les royaumes se réunirent donc à Estame pour le mariage le plus important du siècle. Les quatre rois étaient présents, la plupart du temps avec leurs familles, de même que le Héraut de l’Union, qui devait officier pour présider au mariage.
Malheureusement, telle une répétition du Festin d’Émeraude, alors que tous s’étaient réunis devant l’autel de Malta, le ciel s’assombrit de nouveau… Et l’enfer se déchaîna. Les Mühnirs attaquèrent et, pour la deuxième fois en un siècle, tentèrent de massacrer les participants célébrant l’union de deux êtres. Les Dyrvars Corbeaux avaient cependant commis une erreur fatale : n’ayant jamais été véritablement défiés lors de leurs massacres, la supériorité donnée par Skalheim étant trop écrasante, ils avaient cessé de véritablement se méfier. Cela leur coûta cher, car même à un mariage, les Frels n’étaient jamais sans leurs armes, et ils savaient particulièrement bien s’en servir.
Le combat fut brutal, et particulièrement violent. Les témoins disent que la mariée, encore vêtue de sa robe rouge de cérémonie, se battait à l’aide de son glaive, abattant tous les Dyrvars qui osaient l’approcher. Ce ne fut pas le seul exploit martial de la journée, dont nombre sont consignés (malgré quelques exagérations) dans “Le Mariage des Becs et des Lames”, un poème écrit par un barde d’Altamira qui a survécu à l’événement. Bien que les corbeaux furent repoussés, le prix fut terrible du côté des Frels : la Reine de Leviosa, le Troisième Roi de Damasius, le Héraut de l’Union et Enée de Rubeus lui-même furent tous tués dans la bataille.
Les Mühnirs, de leur côté, perdirent plusieurs Inquisiteurs de haut rang, ainsi qu’un grand nombre des leurs. On estime que cet événement est la raison principale de l’absence d’autres Festins avant le huitième siècle du Deuxième Âge. De plus, cela les força à repenser entièrement leur approche guerrière et diplomatique, les menant, entre autres, à rejoindre le Sommet au Capitole, et à sortir un tant soit peu de leur isolationnisme, négociant avec d’autres tribus Dyrvars. Inutile de préciser que les corbeaux sont depuis tués à vue dans les Royaumes Frels… Et que cela ne les a pourtant pas empêchés de mener des opérations là-bas, au prix, néanmoins, de pertes à chaque intervention connue.
Les mauvaises nouvelles n’arrivant jamais seules, les survivants du Festin, tentant de rentrer chez eux, furent interceptés par des messagers, porteurs d’un sacrilège. Alors que toute la noblesse des Royaumes s’était réunie à Estame, la garde de la Cathédrale Vermeille s’était étiolée, les membres nobles de la Légion de la Couronne étant eux aussi partis au mariage. Profitant de cela, une troupe de Kelt réussit, par des méthodes aujourd’hui encore inconnues, à s’infiltrer au sein de la Vallée Messenne, pillant plusieurs armes. Ne se faisant repérer qu’à leur approche de la Cathédrale, ils réussirent à neutraliser les gardes suffisamment rapidement pour que l’alarme ne soit immédiatement sonnée, leur laissant le temps de s’emparer du calice s’y trouvant avant de se faire surprendre. L’un des Kelts tenta également de prendre la couronne, mais connut le même sort que tous les pauvres hères s’y étant essayés depuis. Fuyant rapidement afin de semer leurs poursuivants, ils réussirent, en montant sur d’imposants cerfs, à les perdre et à rentrer dans leur Vallée, dédiant leur butin à la Dame de l’Été.
Apprenant cela, les Frels oublièrent presque la tragédie qui venait d’avoir lieu. Au sein de royaumes touchés, la passation eut lieu rapidement, le Troisième Roi de Leviosa et la Quatrième Reine de Damasius montant respectivement sur leur trône respectif. Pour la première fois depuis l’époque du Dieu-Roi, les Royaumes se déclarèrent unis dans un but : reprendre le Calice aux voleurs. Pendant dix années durant, la quasi-totalité des Légions Frels partirent en direction de la Vallée des Dames, n’étant laissée sur les fronts contre les Dvars uniquement le nécessaire. Seule la légion de la Justice, tenue par serment de défendre le Nord, et celle de la Couronne, dont le serment avait été renforcé pour éviter qu’un tel déshonneur ne se reproduise, restèrent à leur poste.
Comme on pouvait s’y attendre, les Kelts ne se laissèrent attaquer, et les Frels purent, à leur tour, goûter pleinement à la violence dont peuvent faire preuve ces d’ordinaire plutôt pacifistes tribus lorsqu’on s’en prend à leur territoire, rapidement aidés par les Carnutes, qui virent rapidement des Frels marcher également sur leurs territoires, voire même les attaquer en les prenant, de loin, pour des villages Kelts. Malgré leur surnombre, les Frels avaient bien du mal à avancer : les saisons même jouaient contre eux, les étés cuisants alternant avec les hivers d’un froid glacial, tandis que, durant le printemps et l’automne, la pluie et la brume ne cessaient de venir les saborder.
Finalement, c’est la reconquête des Terres de la Théocratie par les Dvars qui mit fin à la Première Quête. Malgré le conflit commençant entre eux, les Hauts-Royaumes Adamantins et Écarlates avaient désormais assez de troupes pour se concentrer de nouveau sur les autres envahisseurs présents sur leurs terres, et les Frels durent faire face à la puissance de la poudre. N’ayant plus les moyens d’investir toutes leurs troupes au sein de la Vallée des Dames, et les Dvars les repoussant tant que leur accès à celle-ci ne leur était plus garanti, les Frels se retirèrent, échouant leur mission, ayant réussi à ne retrouver qu’une lame parmi tout ce qui avait été volé.
Refusant de complètement abandonner, ils formèrent tout de même la légion du Calice, une légion honorable ayant un seul but : réussir à retrouver la coupe dans laquelle le sang du Dieu-Roi avait coulé. En parallèle, mais ce de manière bien plus secrète, le royaume de Leviosa en profita pour créer la légion du Tombeau, une légion dédiée à protéger le Tombeau de Leviosa, pour s’assurer que nul Kelt — ou Frel — ne puisse perturber le repos de leur fondatrice.
En 2A644, alors que la guerre avec les Hauts-Royaumes Dvar avait repris de plus belle pour Leviosa et Rubeus, l’élan commun dû au vol du Calice s’était depuis longtemps dissipé. L’heure semblait être à la discorde, alors que plus de dix ans après les faits, les Royaumes se mirent finalement à se demander des comptes entre eux, concernant les événements du Festin Nuptial. Le premier accusé fut, bien évidemment, le Royaume de Damasius, ayant été celui qui avait insisté pour que le mariage n’ait lieu dans sa capitale, ce qui avait mené la Cathédrale à être si peu gardée.
La désormais Reine Flavia de Damasius, ayant elle-même survécu au mariage à la force de sa propre lame, n’apprécia que très peu les insinuations qui furent faites à son encontre, surtout celle du Troisième Roi de Rubeus, un cousin du Prince de l’Union qui n’était pas présent lors du mariage, qui l’accusa à bas mots d’avoir dû être de mèche avec les corbeaux, doutant de la capacité d’une femme à survivre seule à un tel événement. Fidèle à son sang, elle déclara immédiatement la guerre à Rubeus pour l’affront, menant au combat la légion du Berceau de sa nation, pour bonne mesure.
Mais, alors que nul ne prêtait attention au nord, pour la première fois, quelque chose en sortit. Une Manar qui allait rapidement être connue comme l’incarnation de la Faim. Magnhilde la Dévoreuse était, pour la première fois, descendue dans la Clairière de l’Est. Rapidement, des rapports de villages dévastés par une Skald, seule, et dont les habitants étaient dévorés, affluèrent à la Légion de la Justice. Au début, ils ne s’inquiétèrent pas, envoyant un régiment face à la menace, pensant que cela suffirait face à une guerrière seule. C’est seulement quand un seul des hommes envoyés revint, un bras en moins, que la menace fut finalement prise au sérieux.
Le Deuxième Roi de Damasius, malgré le poids des années, fut fidèle à son serment. Revêtant une nouvelle fois sa lourde armure et empoignant Pourfroid, il chevaucha en direction du dernier lieu d’apparition de Magnhilde accompagné de ses meilleurs hommes. Ils finirent par la trouver, attaquant encore un autre village, dévorant les habitants qu’elle réussissait à tuer. Face à la Bête, les instincts d’Auguste s’éveillèrent et il sut qu’aucun des hommes avec lui n’aurait la moindre chance. Leur demandant de reculer, il choisit de défier la Barbare en duel.
De nombreux poèmes et chants décrivent le duel du Deuxième Roi et de Magnhilde. La plupart sont très clairement des affabulations, tandis que d’autres semblent plus vraisemblables, mais la réalité reste la même : le village, évacué par les hommes d’Auguste, fut détruit jusqu’à la dernière pierre, et Magnhilde fut défaite et repoussée, faisant d’Auguste le seul, jusqu’à The One, à avoir réussi à égaler en duel la cannibale. Cependant, il avait pour ce faire payé un terrible prix : son bras droit avait été complètement sectionné, sa lame perdue, et son torse était empreint de nombreuses lacérations.
Les autres membres de la Légion de la Justice tentèrent de l’amener auprès d’un prêtre de Malta pour le soigner, mais malheureusement, les blessures étaient trop grandes, et le Second Roi rendit l’âme après avoir désigné son successeur. Il fut enterré au centre de la Tour du Serment, comme une sentinelle veillant toujours sur la Légion de la Justice, et ce, malheureusement sans sa petite-fille, qui était toujours en train de combattre à la frontière avec Altamira et Rubeus.
Malgré quelques changements de rois et reines de 2A644 à 2A665, les conflits entre les Royaumes Frels continuèrent de battre à leur plein, le rythme des batailles créant et défaisant les alliances, alors que, même au niveau local, les nobles tentaient d’augmenter leurs territoires à la moindre opportunité. Au sein des conflits entre les royaumes, seul le royaume de Rubeus fut contraint de signer une trêve avec les autres Royaumes, après une attaque particulièrement virulente du Haut-Royaume Adamantin à sa frontière, qui le força à mobiliser l’intégralité de ses troupes pour éviter le franchissement des dernières séries de montagnes les séparant du Bassin Frel lui-même.
Ce fut une nouvelle fois les Skalds qui mirent un terme à ce conflit, et cela de la plus inattendue des manières — pour les Frels, tout du moins. En effet, ceux-ci étaient habitués aux attaques de la Tribu du Loup, qui devaient passer par la Passe du Loup, endroit où la Sylve était particulièrement peu épaisse entre la Clairière Nord et Est. C’est à sa sortie qu’avait été construite la Tour du Jugement. Cependant, cette fois-ci, une autre tribu avait choisi d’attaquer, une tribu disposant d’un moyen d’attaque bien différent.
Alors que nulle activité n’avait été détectée à la Passe du Loup, des messagers se mirent à fuser vers Estame, portant la nouvelle de pillage le long de la côte du Ruirne : une flotte de Skald, à bord de navires portant l’emblème d’une sorte de poulpe, venait d’émerger de la Sylve. Désarçonnée, la Légion de la Justice se mit à chevaucher pour essayer de rattraper ladite flotte, mais la largeur de la Ruirne permettait aux navires d’être aisément à l’abri du gros des flèches. Des engins de siège furent placés sur certains ponts traversant le fleuve pour tenter de les détruire, mais un Skald en particulier semblait assez fort pour dévier les projectiles en plein vol.
Peu à peu, la flotte continuait son inexorable progression vers le Sud, menaçant même d’atteindre la Cathédrale Sanglante si elle n’était arrêtée. Faisant pression sur la — désormais — vieille Quatrième Reine de Damasius, la Légion finit par obtenir d’elle la convocation d’un sommet à la Cathédrale Sanglante, afin de solliciter l’aide des autres royaumes pour empêcher que le lieu sacré ne soit atteint. Lors de la discussion, peu semblaient disposés à aider Damasius, le plus agressif des royaumes, mais l’intervention du Héraut de l’Union de l’époque pour rappeler l’importance de la Cathédrale finit par les convaincre de former une trêve temporaire, le temps de repousser la flotte, même s’il était à la charge de Damasius de repousser les suivantes, s’il venait à y en avoir. Ce fut le Royaume de Leviosa qui apporta la solution au problème : ils avaient récemment réussi à voler plusieurs sphères d’une substance alchimique Dvar capable de brûler même sur l’eau. En l’utilisant, il serait sûrement possible de mettre un terme à l’avancée de la flotte.
Ainsi fut-il fait. La substance fut chargée au sein d’un trébuchet, qui la tira en direction du plus gros bateau Skald. Une nouvelle fois, le Skald surhumain sauta, tentant de dévier le projectile en le frappant. Cela fit exploser la sphère de verre, et, au contraire, répandit son contenu partout. Dès lors, une simple flèche enflammée sonna le glas de l’avancée du Kraken, alors que toute l’avant-garde de la Flotte fut réduite en cendre. Face à ce macabre spectacle, le reste fit le sage choix de faire demi-tour. Malgré la perte de nombreuses richesses et de plusieurs lames pillées par les Skalds, les Frels avaient réussi à faire en sorte qu’ils ne mettent aucun pied proche de la Cathédrale.
Pour ce scénario de se reproduire, la Quatrième Reine ordonna la construction de l’Arche de la Reine, surnommée “l’Arche”, un gigantesque pont-forteresse situé à l’embouchure du Ruirne, désormais connue comme passe du Kraken. Ce chantier pharaonique s’étala sur plus de 50 ans, de 2A665 à 2A715. Les difficultés étaient en effet nombreuses : l’embouchure du Fleuve faisait une dizaine de kilomètres, habitée de poissons voraces et autres prédateurs aquatiques qui descendaient parfois de la Sylve. Heureusement, les Damasius reçurent l’aide d’Aeler Stönstout, l’une des plus grandes architectes Alfar chargées de la Haie d’Ivoire, les murailles de Karna. Entendant le défi architectural, elle ne put se retenir, amenant avec elle une escouade de tigres blancs, qui permirent de geler des parties du fleuve le temps de la construction. Bien qu’elle ne comptait, au départ, que rester le temps de faire les plans, elle s’éprit durant cette période de Victor de Damasius, Prince du Royaume, et l’épousa. Ayant plusieurs enfants avec lui, dont la future Sixième Reine de Damasius, elle ne repartit qu’après la mort de celui-ci, revenant tout de même toutes les décennies pour prendre des nouvelles de sa descendance.
Malgré cette aide, plusieurs autres écueils attendirent la construction : par deux fois, de nouvelles flottes de la tribu du Kraken tentèrent de descendre le fleuve. Bien qu’elles furent arrêtées par le bataillon de la Légion de la Justice montant ici la garde, les combats détruisirent à chaque fois une partie du chantier, nécessitant leur reconstruction. Similairement, même s’il ne s’agissait pas d’une attaque directe, la construction de l’Arche n’avait aucunement stoppé les conflits aux frontières ni à l’intérieur du royaume, entre les différentes seigneuries. Ainsi, plusieurs fois, l’approvisionnement en ouvriers ou en matériaux fut perturbé. La plus longue de ces perturbations, d’une durée d’un an et demi, fut provoquée par la prise par le royaume d’Altamira de la carrière de Caron.
Ces retards firent que Flavia ne vécut pas assez longtemps pour voir les travaux s’achever, et c’est Victor, Cinquième Roi de Damasius, qui présida l’inauguration, déjà âgé d’une quarantaine d'années au moment de celle-ci. Cette forteresse doit son nom à sa forme d’arche, arquée au-dessus de la Rivière, soutenue par une série d’imposants piliers d’ivoire placés par Stönstout. Depuis lors, celle-ci est en permanence le baraquement d’une partie de la Légion de la Justice, surnommée “la Compagnie Riveraine”, seuls guerriers de Damasius à préférer des armures en cuir aux lourdes armures de plates afin de permettre de nager si nécessaire.
Alors que l’Arche finissait sa construction, en 2A710, Marius d’Olanum retira de la Vallée Messene Percevert, la lance de Cyrius d’Hyponnos, l’un des fondateurs de la légion du Calice. Percevant cela comme un signe, il s’engagea, dès qu’il atteignit l’âge, au sein de ladite légion. De par sa fougue et ses talents d’équitations, ainsi que son lien presque instinctif avec sa monture, Blantoise, il monta rapidement les rangs d’une légion en perdition : depuis que les Dvars avaient reconquis l’intégralité de la passe entre les bassins, la Légion avait perdu accès aux terres Kelts, ne pouvant ainsi poursuivre sa raison d’être.
Atteignant finalement la tête de cette dernière en 2A723, il entreprit une grande réforme de celle-ci, libérant de leur serment ceux n’ayant plus la volonté de combattre. Puis, regardant les autres, il divisa la Légion en deux : le gros de l’armée serait destiné à continuer d’assister le Royaume de Leviosa dans son effort contre les Dvars, espérant un jour reconnecter leur frontière avec celle des Frels. Cependant, pour une vingtaine d’entre eux, menés par Marius lui-même, un autre destin attendait.
Les nommant Chevaliers du Calice, il décréta qu’ils partiraient, dès maintenant, pour les terres Kelts, franchissant la ligne de front contre les Dvars le plus rapidement possible pour les atteindre, et poursuivre la recherche. Avec ces vingt braves furent conscrit un prêtre de Malta, destiné à apporter la bénédiction de la Déesse de l’Union, ainsi qu’un Alfar de Lumière qui, passant dans les environs, ne put se retenir d’assister à l’écriture d’une nouvelle page des légendes, et qui promit de rédiger les chants de leurs exploits.
Les aventures des Chevaliers furent nombreuses et palpitantes, et ce furent les premiers Frels à véritablement comprendre la mentalité Kelt. Loin d’une croisade de barbarie, comme on pourrait le croire, ils discutèrent avec certains chefs claniques, s’alliant même avec les plus honorables. Certains, comprenant le désir des Chevaliers à retrouver le Calice, acceptèrent même de les aider, et des relations aussi fascinantes qu’interdites naquirent lors de cette aventure.
Tous ne revinrent pas de cette quête, Marius lui-même périssant en tentant de défier la femme qui gardait l’entrée à la Brumeterre, lieu où semblait être gardé le Calice. Mais les quatre qui revinrent en 2A738, après quinze années d’aventures, ne revinrent pas bredouilles : ensemble avaient-ils réussi à retrouver douze lames de grand renom qui avaient été dérobées dans la vallée Messene par les Kelts. De son côté, l’Alfar tint sa promesse, et “Les Légendes des Chevaliers de la Vallée”, écrites en personne par la Sorcière du Nord, furent publiés au sein des quatre royaumes.
Loin de l’aventure que vivaient les preux chevaliers, les années 730 du Deuxième Âge furent particulièrement complexes pour les royaumes de Rubeus et Leviosa. En effet, trois années durant, en 731, 732 et 733 respectivement, une sécheresse importante frappa les plaines de ces deux pays, causant des récoltes particulièrement mauvaises. Cesdites récoltes menèrent à une contestation des paysans et petits nobles face aux impôts de la Couronne, jugés trop élevés dans ce contexte.
En Leviosa, la protestation ne fit pas long feu, une série d'accidents malencontreux semblant toucher les plus ouvertement mécontents des décisions du Roi (à l’époque Fabius de Leviosa, le Huitième Roi de ce royaume). Bien que vu, à l’époque, comme un châtiment de Malta, on suspecte fortement aujourd’hui, par les circonstances particulièrement favorables à la couronne ainsi que certaines coïncidences pour le moins incongrues, qu’il ne s’agisse du premier usage à large échelle de la Légion du Tombeau. Du côté de Rubeus, cependant, un tel outil n’était pas à disposition, et la contestation continua à enfler.
Malgré les tentatives de la Septième Reine de Rubeus, Létho de Rubeus, la couronne, dont les fonds étaient en permanence mobilisés pour la guerre contre les autres royaumes, ne put rencontrer les demandes des contestataires, même avec l’aide du Culte de Malta. Le problème fut finalement résolu quand Létho épousa Euclide de Sicara, du Duché de Sicara, de l’un des principaux duchés de Rubeus, propriétaire d’une somme substantielle d’argent, qu’elle emprunta. Avec celle-ci, elle négocia plusieurs accords commerciaux avec le Capitole, se servant d’eux comme intermédiaires pour importer du grain de plusieurs tribus Dyrvars se trouvant dans le bassin Dvar. Le retour de la situation ne fut cependant pas sans coût : pour la première fois de l’histoire des Royaumes, une famille royale était endettée à une autre famille noble, avec des conséquences pour le moins directes dans la suite des événements.
À partir de la décennie 2A740, et ce jusqu’à celle de 2A780, la guerre changea quelque peu de visage au sein des Royaumes Frels. La Sécheresse avait grandement affaibli le Royaume de Rubeus et, dans une moindre mesure, le Royaume de Leviosa, tandis qu’une vague importante de tentatives d’invasions Skalds gardait le royaume de Damasius occupé. Trois des quatre royaumes occupés dans des affaires internes, les guerres entre eux connurent une diminution drastique, chaque couronne préférant dédier ses légions à la défense de son territoire. Cela se fit au profit d’un autre type de conflit : ceux entre seigneurs vassaux d’un même royaume.
Bien que ces conflits aient existé depuis presque aussi longtemps que la division des Royaumes, ils avaient surtout lieu entre les nobles mineurs, les ducs et les comtes ayant tendance à considérer cela en dessous de leur stature, et préférant généralement soutenir leur souverain dans les conflits les opposant aux autres nations. Il est difficile de dire exactement la raison de ce changement de mentalité, mais il semble avoir été graduel : on note en effet une hausse de ce type de conflit, même avant 2A740, la tendance ayant été probablement augmentée par l’arrêt des conflits entre nations.
Ces conflits seigneuriaux, s’étendant majoritairement sur deux générations, changèrent durablement le paysage politique au sein des différents royaumes :
À partir de 2A785, avec la stabilisation des politiques internes de chaque Royaume, et la diminution des menaces extérieures, les raids Skalds ayant quelque peu cessé et les Dvars étant en train de s’unir, les guerres entre eux se mirent à reprendre, même si aucun événement n’arriva véritablement jusqu’en 2A793, où aller commencer l'Ère des Chevaliers, période connue comme l’âge d’or des Royaumes Frels.
Après le chaos absolu de l'Ère de Fer, l'Ère des Chevaliers fut une période plus calme dans son ensemble, malgré un début très mouvementé. Commençant par l’assaut des Augnskaï sur Karna, et l’établissement formel de la structure de l’Empire de Pierre, elle vit l’explosion de la culture courtoise dans les Royaumes Frels, grandement basée sur la légende de Marius et de ses compagnons.
Cette période fut extrêmement paisible au sein de l’Empire de Pierre, qui, mis à part l’annexion de la Vallée des Dames, ne connut aucun bouleversement majeur, permettant son développement scientifique et technique. Nonobstant la première attaque, il en fut de même pour Karna, qui connut durant cette période son second âge d’or. La fin de cette ère est située à l’an 2A996, avec la fondation de la Wisehead, qui marqua le début de l'ère de la Guerre.
L’année 2A800 est marquée d’une pierre noire pour les Alfars de Lumière. Ayant à peine recouvert de la trahison d’Eswich, le Domaine de Lumière, les terres sous la bénédiction des Alfars de Lumière, fut attaqué. Les forêts et plaines merveilleuses, où cohabitaient harmonieusement plusieurs espèces de Dyrvars, furent violemment attaquées par les Augnskaï, une tribu Neivar avec pour objectif la soumission des autres races sous leur joug, et la reconstitution de leur ancien empire. Pour mener à bien leur attaque, ils invoquèrent quatre calamités, de gigantesques démons tels qu’ils n’en avaient été vus depuis l’ancien Empire, et les dirigèrent vers Karna : la Source de Vie entre leurs mains, ils seraient inarrêtables.
Fortuitement pour la Brèche, un héros s’éleva contre cela. Membre de la tribu des Augnskaï, Sven l’Altruiste refusa le noir dessein de sa dirigeante, et quitta les siens afin d’y mettre un terme. Avertissant Karna de l’arrivée des Calamités, il commença un puissant et blasphématoire rituel avec un objectif clair en tête : combattre le feu par le feu. Alors que le Coven du Zénith et les autres forces du Domaine de Lumière affrontaient les démons, tentant de les empêcher d’atteindre Karna et la Source, Sven finit son rituel. D’un geste de la main, il prit le contrôle des calamités… Et les renvoya sur leurs sombres maîtres.
Malheureusement, le mal avait déjà été fait, et de merveilleux Domaines, il ne restait que les alentours de Karna intacts, les énergies putrides des Calamités ayant transformé le reste en une terre d’abominations, le Tribut. En l’honneur de son aide, Sven est le seul Neivar de l’histoire à qui fut proposé une citoyenneté Karnate, mais il la refusa au profit d’une autre proposition, et d’une autre forme d’immortalité : les Gardiens de l’If firent de lui le Héros Neivar, représentant de sa race en charge de défendre la Brèche des menaces.
Les Alfars passèrent la majorité du siècle suivant à tenter de réparer les dégâts, mais rien n’y faisait. Malgré toutes leurs connaissances, les énergies corruptrices apportées par les démons étaient trop fortes, et même les plantes les plus résistantes dépérissaient dans la zone dévastée. Finalement, ceux-ci durent se résigner, et abandonner les zones corrompues, qui jamais ne regagneraient leur beauté d’antan. Ce n’est cependant pas les Alfars qui souffrirent le plus de la situation : une tribu de Skalds, qui avait été invité par un Soleil Bienheureux au sein du Domaine, avait vu leur maison absolument dévastée. Malgré la proposition de rejoindre le jardin, ceux-ci refusèrent de manière véhémente de quitter les terres qui leur avaient été données, faisant le choix de se battre contre les monstruosités qui parcouraient désormais les Terres. Une partie d’entre eux, ivres de vengeance, tentèrent même d’aller tuer les Augnskaïs, responsables de leurs malheurs, mais ils ne furent malheureusement jamais revus.
Cette concentration sur une si petite zone entraîna, malgré la situation, un second âge d’or pour Karna. Avec les efforts de l’intégralité des Alfars de Lumière concentrés sur la ville et le jardin, et non plus sur d’autres zones des Domaines, la Cité Éternelle fut rapidement plus éclatante que jamais. Le Jardin, lui, devenu la seule source de nourriture viable des Domaines, fut également grandement amélioré, l’esthétisme des arbres étant désormais doublés à des fruits délicieux et immensément juteux, parsemés d’animaux sauvages.
Bien que Lothar Ier ne soit monté sur le trône, il restait encore fort à faire pour faire de son nouvellement créé Empire un tout uni plus qu’un simple amalgame de quatre royaumes. Les premières années après son couronnement furent donc dédiées, loin de l’honneur et des glamours, à de grands chantiers administratifs. Le plus urgent fut l’agrandissement significatif de la capitale, Herrenfeld, pour représenter la grandeur de l’Empire, ainsi qu’un code de loi commun à toutes les nations Dvar.
Dans un premier temps, l’Empereur n’avait d’ailleurs pas prévu d’infrastructures dédiées au Ström, ne comptant pas partager ce savoir avec le reste de son peuple, craignant que sa puissance ne fasse encore plus couler le sang. Ce fut Marnie Heimer, une de ses vieilles confidentes, qui réussit finalement à le persuader du potentiel pacifique se trouvant dans cette découverte. Ancienne ingénieure des Monts Adamantins propulsée à Conseillère de l’Empereur dans les affaires scientifiques, elle éprouvait une fascination très claire pour les capacités et applications du Ström.
Face à son insistance, l’Empereur accepta donc de lui révéler un infime fragment de son savoir, décrétant que le peuple Dvar devrait découvrir de lui-même le réel potentiel du Ström, et en gardant à l’esprit qu’il s’agit avant tout d’un vecteur de paix, et non de guerre. Marnie Heimer, forte de ces nouvelles connaissances, fonda le corps des Strömmeister, devenant ainsi la première Überstromeister. Elle créa également, par la même occasion, Strömhold, aujourd’hui encore la plus prestigieuse des académies permettant la formation de Strömmeister.
Malgré la création du code de loi, les communications entre les provinces restaient laborieuses, ce qui était un problème de premier ordre : le Kaiser envisageait un Empire s’entraidant en tout point, efficace, où les besoins des uns seraient assouvis par les forces des autres. Pourquoi miner profondément dans les Monts Verdoyants à la recherche d’un charbon presque inexistant quand il en existait tant dans les Monts Écarlates ? Malheureusement, le retard des messages rendait cela impossible : certains matériaux pouvaient être nécessités en urgence, et un retard sur une livraison de charbon, par exemple, parce que la lettre s’était perdue pouvait signifier la vie ou la mort d’un village des Monts Céruléens.
Sentant l’opportunité, le directeur de l’Union des Postes, Helmet Fastnach, qui avait entendu de ses contacts les griefs de l’Empereur, demanda audience avec celui-ci, avec un projet en tête. Venant avec de nombreuses cartes et autres rapports, il demanda à l’auguste souverain une quantité de fond astronomique, avec un objectif simple : la création de tunnels traversant l’intégralité du Bassin, reliant les quatre capitales de provinces entre elles, ainsi que plusieurs des autres villes importantes.
Son acharnement, son bagout et sa précision finirent par payer, car Lothar finit par accepter son offre, lançant l’immense chantier du réseau tunnelier de l’Empire de Pierre. Mal à l’aise cependant que l’Union des Postes, une entité privée, ne détienne une telle structure, d’importance stratégique vitale pour l’Empire, il déclara sa nationalisation, celle-ci devenant la Poste de Pierre, et Helmet Fastnach, le conseiller préposé aux transports.
Le chantier, quant à lui, absolument monumental, est le plus grand jamais connu de la Brèche. Il s’étala, dans sa totalité, sur plus de 120 ans, ne finissant qu’en 2A926, après de nombreux ajustements des plans, notamment une liaison à Corbel face à l'insistance — et aux larges donations — des Panolis. C’est aujourd’hui dans ce même réseau que se trouve les Hyperails Dvar, de longs chemins de fer sur lesquelles circulent des trains à très grandes vitesses, permettant de rallier la Capitale depuis n’importe quelle capitale de province en moins de trois jours, et ainsi aux gouverneurs de venir faire, une fois par mois, leur rapport à l’Empereur.
Avec les années, l’Empereur des Dvars, comme tous les siens, vieillissait et, rapidement, des discussions apparurent au sujet de sa succession. Celui-ci n’avait jamais pris d’épouse, ni jamais enfanté, donc tous les possibles étaient encore ouverts. Dès le début des années 2A800, alors que le Kaiser avait à peine dépassé son demi-siècle, la question fut abordée de plus en plus fréquemment à la cour. Nombreux étaient ceux qui, dans son entourage, s'inquiétaient que l’Empire ne subisse le même sort que le Grand Royaume Frel à la mort du Dieu-Roi.
Malgré les nombreuses questions et propositions, l’Empereur se refusait d’y répondre, proclamant que tout serait clair le moment venu. Bien que certaines personnes furent convaincues par ces mots, la plupart ne virent là que le refus d’un Dvar commençant à entrer dans ses vieilles années de voir son trépas. Aussi, alors que la marche du temps continuait inexorablement, les arrangements et complots visant à tenter de prendre le trône après la mort de l’Empereur devinrent légions.
C’est finalement en 2A817 que cela se produisit. À l’âge vénérable de 77 ans, l’Empereur n’arriva pas à se lever un matin. Très vite, son médecin, assisté de l’envoyé de Karna, fut dépêché pour tenter de le soigner. Bien que ce dernier ait une potion permettant de guérir le mal cardiaque dont le Kaiser semblait souffrir, le souverain Dvar refusa, proclamant que cela devait se passer ainsi, et qu’il s’agissait du début d’une nouvelle ère.
Le médecin et l’envoyé de Karna quittèrent donc les lieux, laissant le vieil homme passer ses derniers instants entourés de ses proches. Cependant, une heure plus tard, le palais entier trembla, d’une secousse qui fut ressentie dans tout Herrenfeld, et dont l’épicentre semblait venir des quartiers privés de l’Empereur. Alarmée, la garde se précipita dans leurs directions, faisant face à l’intégralité de l’entourage proche impérial, incluant la première Überstromeister, ayant une sorte de sourire béat et extatique au visage.
Au centre se trouvait un individu en armure lourde, un masque recouvrant intégralement son visage. La seule chose qui stoppa l’attaque des gardes fut l’immense gemme qui semblait enchâssée dans son poitrail, qu’ils étaient capables de reconnaître entre mille : il s’agissait de la dernière gemme de Lothar, la seule que l’Empereur n’avait pas utilisée lors de l’Unification, et qui était réservée pour “une bataille plus lointaine”, d’après ses dires. D’une voix grave, presque mécanique, la figure révéla finalement son identité. Le Kaiser avait réussi à transcender la mortalité et, tant qu’il serait en vie, l’Empire de Pierre ne s'écroulera jamais.
La nouvelle fut accueillie avec grande liesse par la population de la capitale, même si un peu moins par les nobles dont les complots venaient de devenir, d’un coup, inutiles. Ce jour est depuis devenu le seul jour férié de l’Empire : en l’honneur du travail éternel qu’a accepté d’endosser le Kaiser pour le peuple Dvar, ceux-ci le lui rendent en passant la journée à travailler gratuitement.
Pendant une longue période, et pour la première fois depuis la chute de la Théocratie, le Bassin Dvar s’est retrouvé de nouveau en paix, sous l’égide de l’Empire de Pierre et de son Kaiser. Jusqu’en 2A905, mis à part d’anecdotiques offensives de Frels, contenues à la frontière, les Dvars purent profiter d’une ère de paix et de prospérité sans précédent. L’étude du Ström, poursuivie par les générations successives de Strömmeisters, permit une amélioration considérable de la qualité de vie pour la classe la plus aisée, au prix d'une cadence de travail toujours plus soutenue pour la classe inférieure.
En 2A769 eut lieu la première Incursion du Décompte Maalkvi, nom donné aux attaques démoniaques d’une certaine puissance catégorisées par les Maalkvi. C’est en 2A819, 50 ans plus tard exactement, qu’eut lieu la troisième incursion, la première dont le clan se chargea publiquement. Pour une raison inconnue, un important contingent de Démons apparut dans les Monts Céruléens, proche du lieu de villégiature d’une caravane Maalkvi. Ses guerriers, habitués à faire face à ce genre de menace à cause de leurs propres pratiques, réussirent à contenir et éradiquer l’incursion, protégeant par la même occasion l’un des principaux pôles économiques de la région. Cette action eut grand bruit dans les environs, et, profitant de cela, le Leikasëekr (invocateur en chef) de la caravane demanda une entrevue avec le gouverneur des Monts Céruléens.
Après d'âpres négociations, et malgré la forte opposition du représentant des Waraboucs de la province, il fut signé un accord : tandis qu’auparavant, l’acceptation ou non des caravanes Maalkvi était laissée à l’appréciation de la ville où elles se trouvaient, le gouverneur légiféra en leur faveur, leur accordant le droit d’asile dans toutes les cités des Monts Céruléens. En échanges, les Maalkvi se devaient de protéger les Monts Céruléens de la menace démoniaque, remplaçant ainsi le rôle que les Alfars de Lumière avaient avant les manipulations de la Tromperie.
Cet accord tomba à point nommé, les années de 2A820 à 2A850 connaissant une véritable résurgence en termes d’incursions, avec un total de 6 incursions en seulement 20 ans, comparé au rythme usuel d’une toutes les vingtaines d’années. Malgré cette cadence hautement suspicieuse (qui peut également s’expliquer par la période de paix, les nobles les plus corrompus ayant plus de temps pour explorer de sombres pratiques), les Maalkvi s’illustrèrent au combat contre les démons, réussissant à mettre fin à chacune d’entre elles — ainsi qu’à d’autres invocations trop mineures pour être qualifiées d’incursion — avec un minimum de victimes.
Cela finit par attirer l’attention de l’Empereur et d’autres gouverneurs, dont les territoires souffraient également de cette recrudescence, que les soldats Dvars et les armes strömiques, peu adaptées, luttaient à contenir. Le Leikasëekr de la tribu Maalkvi fut finalement convoqué au palais impérial, pour une discussion privée avec l’Empereur (encore une fois malgré les avis contraires du représentant Waraboucs, cette fois-ci supporté par l’envoyée de Karna). Bien que les détails de cette discussion soient inconnus, de celle-ci est ressorti, en 2A851, l’Accord des Pierres Transcendant les Cieux, ou Skistnagrëemt, entre la tribu Maalkvi et l’Empire de Pierre. Cet accord garantit au Leikasëekr Maalkvi la place de consultant auprès de l’Empereur, au même titre que le représentant du culte Waraboucs ou que l’émissaire Alfar, tout en lui donnant des prérogatives étendues en tout ce qui concerne l’occulte. Finalement, cela étendait également la législation faite par le gouverneur des Monts Céruléens à tout l’Empire de Pierre, en échange de l’extension de la protection Maalkvi associée.
Le représentant du culte de Wara fut particulièrement offensé par cette décision, faisant connaître son mécontentement en quittant immédiatement le palais impérial pour le Capitole, pour six mois complets. Cet événement marqua le début de l’isolation des Waraboucs au sein de l’Empire de Pierre, avec une baisse de pouvoir au fur et à mesure des années. De nos jours, la quasi-totalité de ceux-ci peut ainsi être trouvée entre les Monts Écarlates, où ils disposent historiquement d’une grande présence, et les Monts Verdoyants, mais, mis à part leur représentant auprès de l’Empereur, ils ont quasiment déserté la capitale et autres régions sous grande influence Ström.
La deuxième moitié du siècle ne vit pas de gros bouleversements. Le progrès technique continua, avec la mise au point des premiers prototypes d’engins volants à base de Ström, remplaçant les Flugdampf (mis à part au sein des Monts Écarlates), car jugés comme plus sûrs et efficaces. Un culte de la personnalité s’érigea également autour de la figure de l’Empereur, même s’il ne fut jamais véritablement divinisé, contrairement au Dieu-Roi.
Cette période de paix fut interrompue en 2A905 quand, pour la première fois depuis de nombreuses années, une offensive importante et construite fut menée par les Frels, forçant l’Empire à une défense active. Malgré les précautions mises en place par ce dernier, les troupes Frels réussirent à faire reculer la ligne de front de plusieurs dizaines de kilomètres, et la situation devint, l’espace de quelques mois, sous tension au sein de l’Empire Dvar, le temps que leur appareil productif démesuré ne leur permette de reprendre l’avantage.
Sans s’attarder sur les détails des Offensives, qui seront traités dans la partie sur le Bassin Frel, celles-ci permirent aux Dvars de, pour la première fois, tester la puissance du Ström en situation de combat. Les armes à projectiles basés sur celui-ci, avec une cadence de feu supérieure et des munitions bien moins coûteuses, furent pour la première fois déployées à grande échelle, chose qui fut plus que nécessaire, les lames Frels étant également devenues plus fortes avec les générations.
Tandis que le front dans la passe Ouest finit par redevenir statique bien vite, c’est celui dans la passe Est, face au Royaume de Rubeus, qui fut particulièrement chaotique. En effet, les passes et montagnes se situant à la frontière entre les deux royaumes, connues des Frels comme des Dvars, firent du champ de bataille une monstruosité tridimensionnelle, où des tactiques de contournement par dessous furent couramment employées.
C’est finalement avec l’édification de la cité-forteresse d’Arkhos, qui conclut en 2A959, sur un nexus particulièrement important du réseau souterrain, que les Dvars réussirent à un tant soit peu stabiliser le front. En parallèle furent engagés des mercenaires Manars locaux, pour permettre de clore les tunnels les plus problématiques. Ces mercenaires allèrent loger, pour la plupart, dans la Cité-Forteresse, devenant peu à peu une force militaire de l’Empire de Pierre appelable en cas de besoin, et pour le bon prix.
En 2A947, alors que l’Empire peinait toujours à contrer l’offensive de Rubeus, une frappe en plein cœur manqua de paralyser celui-ci. Alors que la plupart des forces Dvars étaient toujours engagées aux alentours du chantier d’Arkhos, Skalheim apparu proche, très proche d’Herrenfeld, se dirigeant droit vers la capitale Dvar. Les forces armées de la ville se mirent immédiatement à la manœuvre, préparant les défenses antiaériennes dont s’était dotée la ville spécifiquement pour cette situation.
À la stupéfaction de l’état-major Dvar, cependant, alors que les corbeaux s’approchèrent et commencèrent à fondre sur la ville haute, où vivent les plus pauvres de la capitale… Nul coup de feu ne retentit. Très rapidement, des rapports confus arrivèrent à l’Empereur et à ses conseillers : au sein des équipes de maniement d’artillerie, certains s’étaient d’un coup mis à tirer sur leurs alliés, les assassinats froidement, le carnage était absolu, et ceux qui avaient été tués ou immobilisés semblait porteur d’une lettre d’ordre au nom de “l’Assemblée”, leur ordonnant de commettre ces actes.
Les Dvars, encore stupéfaits, réussirent néanmoins à se ressaisir suffisamment tôt pour barricader l’entrée à leurs mines, commençant à envoyer des escouades de troupes armées de fusils strömiques au contact de l’ennemi, tuant plusieurs inquisiteurs Münhirs, leur faisant ainsi payer leur assaut sur la capitale du peuple des Monts, mais les Corbeaux ne semblaient que peu leur prêter attention, continuant le massacre des habitants de la ville Haute ainsi que la fouille systématique des maisons se trouvant sur leur passage.
Finalement, alors que les chars d’assauts strömiques venaient de finir d’être transportés jusqu’au nouveau champ de bataille, les corbeaux devinrent tous immobiles, d’un commun accord, regardant le ciel… Avant de tous prendre leur envol, retournant en direction de la forteresse volante, ne prenant même pas la peine d’achever les personnes se trouvant devant eux, sous les tirs nourris des Dvars, alimentés autant par le Macht que par la rage des défenseurs.
Une fois la citadelle volante repartie, une grande investigation fut menée parmi les cadavres déchiquetés ainsi que les survivants du massacre. Environ 20% de la population de la ville avait été éliminée, de nombreuses usines importantes détruites, ainsi que plusieurs infrastructures clés impactées. Cependant, la raison de l’attaque était toujours aussi mystérieuse, rien d’absolument crucial n’ayant été impacté.
Cette enquête mena également à la découverte du Culte de l’Assemblée, dont les membres avaient été ceux ayant empêché l’activation des canons de défense. Ce culte, visiblement très lié aux Münhirs, a depuis été rendu illégal par décret direct de l’Empereur, qui prit on ne peut plus personnellement cet assaut sur la ville sous sa supervision directe.
Cette attaque eut un impact désastreux sur l’économie de guerre, d’autant plus qu’Herrenfeld était un point de passage important pour amener les ravitaillements directement à la ligne de front contre Rubeus. Bien que des dispositions furent prises immédiatement — tel le recrutement de caravanes Panolis — pour pallier au souci d’approvisionnement, le coût fut des plus importants pour l’Empire de Pierre, retardant de plusieurs années la fin de la construction d’Arkhos, par exemple. Aujourd’hui encore, certains des plus vieux bâtiments de la Haute-Ville d’Herrenfeld portent des traces de becs, dernières traces des nombreux morts déchiquetés sur les pavés des sommets de la Cité Impériale.
En 2A963, un autre phénomène remarquable se déroula, concernant le peuple Neivar. Pour des raisons inconnues, plusieurs caravanes Maalkvi s’étaient rassemblées, leur peau devenue rouge d’une façon mystérieuse. Celles-ci proclamèrent haut et fort avoir compris les fautes de leurs ancêtres, les avoir vues de leurs yeux, et que rien ne pourrait les pardonner. Se détachant du reste de leur tribu en voyant que ceux-ci ne comptaient pas les suivre, les nouvellement nommés Irvandi se mirent à errer au sein de l’Empire de Pierre, attendant la mort, expliquant à quiconque leur demandait ô combien les fautes de leur peuple étaient impardonnables.
Ce furent les Panolis qui vinrent au secours de la tribu, qui se laissaient presque mourir de faim, leur proposant refuge et nourriture en échange de travail. Bien que les Irvandi refusèrent dans un premier temps, désireux de se laisser mourir, la première occurrence de la malédiction de sang Irvandi frappa : pris d’une forte montée de libido pendant une semaine, de nombreux futurs membres de la tribu furent conçus. Se rendant compte que les Étoiles ne semblaient pas disposées à les laisser simplement mourir pour expier leurs fautes, ils acceptèrent l’offre de Corbel, rejoignant les Paons le temps de trouver un moyen d'empêcher la malédiction de sang, et de travailler pour expier leurs fautes en attendant.
Depuis, la tribu continue d’exister, travaillant main dans la main avec les Panolis. Vivant une vie paisible, ayant renoncé aux pratiques impies et sacrificielles du peuple Neivar, ils ont gagné le pardon et le respect du reste de la Brèche. Les seuls qui ne semblent pas les avoir pardonnés sont eux-mêmes.
Un dernier événement d’importance est à noter dans le Bassin Dvar, ayant eu lieu à la fin de l’ère des Chevaliers, dans les années 2A980. Alors que l’Empire recouvrait peu à peu des séquelles économiques du Festin de la Haute-Ville, un nouveau projet attira l’attention de l’Empereur, à l’approche de la fin du premier millénaire du deuxième âge : celui de fêter son passage avec un Bassin Dvar uni, pour la première fois de l’Histoire écrite. Cela passait cependant par la conquête de la Vallée des Dames, morceaux de territoire qui avaient résisté à tout ce que l’histoire avait pu lui envoyer : Gahrs, Dvars, Frels… Tous avaient échoué à envahir les douces forêts et vallons éclairés du domaine des Kelts.
Mais le Kaiser n’était pas seulement qu’un général, mais également un excellent diplomate. Envoyant d’abord son conseiller Karnate pour préparer le terrain, connaissant la propension des Alfars de Lumière à la diplomatie, il réunit les autres conseillers pour mettre au point un plan de discussion avec les Kelts, avec un but clair : la vassalisation de la Vallée des Dames au sein de l’Empire de Pierre. Après deux semaines de discussion, le plan était fin prêt, juste à temps pour que l’Alfar ne revienne avec une excellente nouvelle : le conseil des Druides avait accepté de discuter avec l’Empereur. Cette discussion devrait se faire au Tionol prochain, dans un peu moins d’un an. Cette nouvelle contraria l’Empereur de par son inefficacité, mais celui-ci s’en contenta, après l’explication de l’Alfar sur les coutumes Kelts.
C’est ainsi que Lothar Ier se rendit en personne au Tionol de l’année 2A986. Après avoir refusé de participer à la compétition de pêche, on le fit finalement rencontrer le conseil des druides. La conversation fut longue, durant toute la durée calendaire du Tionol. Plusieurs sujets furent abordés, des taxations de chaque tribu aux implémentations technologiques au sein de la Vallée. Vers la fin des discussions, l’accord était le suivant : les Kelts garderaient une indépendance administrative, et nulle industrie ne viendrait dénaturer la Vallée. En échange, ils reconnaîtront l’autorité de l’Empereur et répondront à ses ordres. Le dernier jour du Tionol, alors que l’Empereur attendait la réponse finale des Kelts, le conseil choisit de lui informer qu’il aurait besoin de demander, pour une telle décision, la sagesse des anciens, et que celle-ci ne pourrait lui être donnée qu’après le prochain Cadal.
Le Kaiser, dans sa patience infinie, retourna à Herrenfeld, attendant jusqu’en automne, quand lui fut finalement transmise l’acceptation du Conseil des Druides à sa vassalisation par l’Empire de Pierre. Tout élan d’enthousiasme face à cette victoire diplomatique sans précédent fut cependant rapidement calmé, quand la lettre annonçait également que l’accord ne pourrait être signé avant le prochain Tionol, conformément à la tradition. C’est ainsi qu’en 2A987, la Vallée des Dames devint la cinquième division administrative de l’Empire de Pierre, les allers-retours diplomatiques incessants leur ayant déjà donné une certaine réputation auprès du reste de sa population.
En 2A795, Altamira fut secoué par une attaque-surprise, venant directement de la nouvellement découverte Passe du Sanglier. La plus grande bande de Skalds jamais vue, contenant pas moins de 100 chasseurs, émergea des bois, pour venir semer le pillage et la destruction. Enfin, c’est ce que pensait, dans un premier temps, le Royaume d’Altamira, qui prit quelque temps pour mettre en place son armée, n’étant pas préparé à une guerre par le Nord, jamais arrivée auparavant.
Il s’avéra cependant que la réalité était pire, bien pire. Arrivant à la tête de son armée, le Neuvième Roi d’Altamira, Octave d’Altamira, fit face à ce qu’il considéra comme la pire des ignominies. En plus d’arracher nombre d’enfants à leurs familles, comme il était désormais habituel de voir faire les Skalds, un autre sort avait été réservé aux Moltös : les cadavres de ceux-ci, dévorés, furent retrouvés sur des piques au-dessus de reste de foyer, les autres ayant été massacrés comme du bétail, leurs peaux, laines, cornes et viandes retirées pour être emmenés par les barbares en train de partir.
Fou de rage, Octave mena l’assaut pour tenter d’empêcher ces monstres de retourner au Nord, impuni. Mais, alors que la moltönnerie s’approcha d’eux, ils purent voir, avec surprise et horreur, le sang laissé par le massacre se lever à la volonté des Skalds, se mettant à lier les chasseurs entre eux, tel une funeste parodie des pouvoirs de Malta. Dans une cohésion jamais observée auparavant chez les sauvages, ces derniers s’organisèrent au quart de tour, et la charge menée par Octave fut violemment balayée, ce dernier mourant en même temps que plus de la moitié de ses hommes.
Son fils, Auguste d’Altamira, demanda d’urgence une réunion des quatre royaumes au sein de la Cathédrale Vermeille, où il expliqua les événements qui avaient eu lieu. Les autres régents manifestèrent également leur outrage, de même que le Héraut de l’Union, et il fut décidé à l’unanimité la création d’un fort au niveau de cette passe, afin d'empêcher que cette engeance de Skald, plus violente et sanguinaire que les autres, ne puissent de nouveau semer la mort et la désolation.
Ainsi fut fondé le Fort de l’Union : les terres et hommes furent fournis par Altamira, Damasius fit don de son expertise architecturale, et Leviosa et Rubeus donnèrent les fonds nécessaires. Achevé en 2A805, le Fort est depuis le foyer d’une force neutre, encadrée par la Légion de la Justice, mais composée d’hommes et de femmes venant des quatre royaumes. C’est également là-bas que sont envoyés certains Moltös corrompus par le Krampus, pour aider leur race malgré leur malédiction en déchaînant la rage du Krampus contre les Skalds. Il est commun pour la plupart des fils de nobles d’aller y servir un ou deux ans, afin de réaliser quelques prouesses guerrières et de cultiver leur légende. De ce voyage, la plupart reviennent assez imprégnés de la culture d’Altamira, qui place la noblesse et la courtoisie au-dessus de toute chose : avec la légende des Chevaliers de la Vallée, il s’agit d’un des piliers ayant aidé à la propagation de l’idéologie chevaleresque au sein du Bassin Frel.
La construction du Fort de l’Union eut cependant des conséquences imprévues. La grande dépense que cela engendra pour le Royaume de Rubeus força le gouvernement à négliger, durant les années de construction, l’entretien de certaines infrastructures, ainsi que de diminuer les fonds alloués à ses soldats, créant un mécontentement au sein de la population. Cela était l’occasion parfaite pour Etienne de Sicara, Chancelier de Rubeus. Les Chanceliers avaient, depuis leur nomination, continué de gagner du pouvoir et les de Sicara avaient désormais un pouvoir égal à celui de la famille royale.
Il manipula le mécontentement en le faisant passer sur l’incompétence de la famille Rubeus, et en plaçant les Sicara comme ceux réussissant à gérer correctement les affaires du Royaume. Puis, en 2A812, se revendiquant souverain légitime en usant de son lien distant de parenté avec les Rubeus, datant du mariage de leurs aïeux durant la sécheresse, il tenta de prendre le contrôle de Sanronne. Sol de Rubeus, Dixième Roi de la dynastie, fut pris de cours, ne s’attendant à une révolte si ouverte de son vassal. Défié en duel dans la salle du trône, il fut finalement vaincu par Etienne (même si certains disent que ce dernier avait empoisonné son épée pour s’assurer la victoire).
Malheureusement pour le régicide, l’héritier de Sol, Julius de Rubeus, réussit à s’enfuir, sa tante, Maria de Rubeus, étant restée en arrière pour retenir les forces des Sicara. La nouvelle de la vie continue du prince se répandit au travers du royaume, et ce qui devait être une prise de pouvoir rapide devint une longue guerre civile de cinq ans entre les partisans des Sicara et ceux prêtant allégeance à Julius, durant laquelle Altamira et Leviosa en profitèrent pour s’emparer de certains territoires à la frontière. Finalement, Etienne réussit à soumettre ceux qui refusaient son règne, devenant ainsi le Premier Roi de la dynastie des Sicara, couronné par le Héraut de l’Union dans le but de mettre fin au conflit. Malgré l’échec des rebelles, Julius de Rubeus ne fut néanmoins jamais capturé, disparaissant au sein du royaume.
La lignée de Sicara faisait cependant face à un problème : la guerre civile avait grandement affaibli le Royaume de Rubeus, qui s’était vu amputé de plusieurs territoires frontaliers relativement importants par Altamira et Leviosa. De plus, les autres lignées royales étaient loin de le considérer comme leur égal, les voyant comme des parvenus ayant usurpé la lignée légitime. Le premier problème fut réglé par Etienne et son fils, Lysandre, qui passèrent leurs règnes à batailler contre les autres royaumes afin de, tant bien que mal, regagner ce qui avait été conquis.
En 2A882, Jean de Sicarus, Troisième roi de la lignée des Sicarus, tenta finalement d’adresser ce dernier problème. Afin de gagner le respect des autres lignées, un acte héroïque, marquant, unique, était nécessaire. Une fois sa succession assurée, il annonça ainsi l’organisation de la Percée Vengeresse. Déclarant l’impunité des Skalds comme n’ayant que trop durée, il se proposa pour mener une force de chevaliers vers le Nord, en plein cœur de leurs territoires, afin de leur infliger la même dévastation que celle qu’ils avaient causée.
Cette proposition fut perçue avec méfiance de la part des Leviosa, mais un grand enthousiasme des Damasius et Altamira, les deux ayant le plus souffert des attaques Skalds. Rapidement, une force de frappe fut assemblée au niveau de l’Arche, la voie fluviale ayant été décidée comme la plus sûre, le nombre d’attaques Skalds par cette voie étant bien supérieur à celui des deux autres passes, réunies. Prenant la tête d’une flotte composée de plusieurs navires, avec à leurs bords de nombreux soldats, Jean navigua vers le Nord, se retrouvant bien vite dans les océans glacés de celui-ci.
Le climat impitoyable faillit faire de nombreux morts chez les Frels. Fort heureusement, un Soleil Bienheureux, Olassye Goldehn, qui avait entendu parler de leur projet, les retrouva peu après leur entrée dans le Nord, afin de leur apporter des potions les gardant contre le froid, ne pouvant supporter tant de souffrance et de mort. Désormais abrités d’un des plus grands dangers du Nord, les navires finirent par atteindre plusieurs tribus Skalds, dévastant celles-ci, et ne laissant que des ruines fumantes sur leur passage. Finalement, ils arrivèrent face à la tribu du Rat, qui se sépara et fuit immédiatement à leur approche. Poursuivant l’un des groupes jusqu’à une étendue gelée, ils le virent s’arrêter, et accostèrent pour l’attaquer, les pensant fatigués. Le combat fut rapide, mais alors que les Frels achevaient le dernier des fuyards, ils virent se dessiner, au loin, une silhouette, seule au milieu du désert blanc.
Olassye, qui était resté à bord de leur navire pour continuer à leur donner des potions, sans prendre part aux combats, compris ce que la tribu avait fait, et conseilla immédiatement à Etienne de partir, vite. Etienne, ainsi que la plupart des Frels, écoutèrent le conseil de l’Alfar, mais certains choisirent de rester, ne craignant pas une personne seule. Grave erreur. De loin, les navires ayant commencé leur départ purent voir Magnhilde, qu’il ne connaissait que par la légende de son combat contre le Deuxième Roi de Damasius, absolument massacrer tous ceux qui avaient osé pénétrer sur son terrain de chasse. Cependant, tout soulagement qu’ils auraient pu avoir d’être à l'abri fut de courte durée alors que, voyant les navires à l’horizon, cette dernière se mit à courir sur l’eau, et à poursuivre sa chasse.
Les navires se mirent à essayer de fuir le plus rapidement possible leur poursuivante, se mettant à naviguer le plus vite possible en direction de l’Arche, espérant que la forteresse soit suffisante pour leur porter refuge. Magnhilde sur leur talon, celle-ci ne semblant connaître ni le froid, ni la fatigue, ils traversèrent de nouveau la Sylve, réussissant à atteindre l’imposant ouvrage, avertissant les défenseurs de ce qui arrivait. Mais, avec trop peu de temps pour se préparer, ils ne purent résister à l’arrivée de Magnhilde.
Arrivant à pleine vitesse, les flèches semblaient rebondir sur sa peau. Sautant, elle abattit un violent coup de hache sur le pont-forteresse, qui se mit à trembler, des fissures apparaissant en son centre. Comprenant que leur forteresse ne tiendrait pas un second coup comme celui-là, les Frels se mirent à évacuer, mais il était trop tard. Magnhilde frappa de nouveau, et, telle une bûche devant le bûcheron, le pont s’ouvrit en deux, s’effondrant alors que la répartition de son poids n'était plus assurée par des piliers.
De la vénérable forteresse, il ne reste depuis qu’une série de tours fortifiées. Même si la Compagnie Riveraine monte toujours la garde, la forteresse est devenue bien moins puissante qu’à l’époque où elle était complète, laissant significativement plus de flottes du Kraken passer. Aeler a proposé son aide au peuple Frel pour la rebâtir, mais estime qu’afin de la rendre vraiment impénétrable, un cadavre de dragon serait nécessaire, afin d’utiliser écailles et os comme matériaux. De nombreux Frels ont tenté d’aller vaincre un dragon pour permettre la reconstruction de l’Arche, mais pour l’instant, aucun n’a réussi.
Pour revenir à ce jour funeste, de nombreux Frels moururent sous les décombres ou noyés et les autres, désorganisés, durent fuir ou se faire dévorer par la Mort Blanche. L’Arche était tombée, et Magnhilde progressait désormais inexorablement vers le Sud, dévastant les villes se trouvant sur son passage. Malgré l’appel aux armes du Roi de Damasius, nul ne semblait pouvoir l’arrêter, et, chaque jour passant, cette dernière avançait, lentement mais sûrement, en direction de la Vallée Messenne et de la Cathédrale Vermeille.
Cette fois-ci, c’est le Héraut de l’Union en personne, Télémaque d’Hyrnem, qui convoqua les régents à la Cathédrale pour mettre en place un plan de défense. Le roi de Rubeus étant mort lors de l’attaque de l’Arche, c’est sa fille, Catherine de Sicara, Quatrième Reine de la Lignée des Sicara, qui prit sa place en urgence. Le conseil fut particulièrement tendu, Leviosa accusant les autres royaumes de s’être précipités avec leur attaque, attirant Magnhilde sur eux, tandis que les autres royaumes reprochaient à Leviosa sa non-intervention.
C’est au sein de ces conflits que Télémaque s’illustra, réussissant à mener la discussion avec une main de fer dans un gant de velours. En la remettant quand appropriée sur les rails, et en sachant raisonner même avec les plus têtus, un accord fut vite atteint : les quatre royaumes devaient absolument s’unir pour éviter la chute de la Cathédrale Vermeille. Il était désormais connu, que ce soit grâce aux interrogations des prisonniers ou aux observations des soldats de la Percée, que les Skalds absorbaient les pouvoirs de ce qu’ils consommaient. Magnhilde ne pouvait avoir accès à la Fontaine Vermeille, où les conséquences risquaient d’être catastrophiques, tant celle-ci était imprégnée du pouvoir de Malta.
Un plan fut donc mis au point : si Magnhilde ne pouvait être vaincue sans l’arme du Deuxième Roi de Damasius, elle pouvait être déviée. Ensemble, la légion du Calice, connue pour ses forces montées, et la légion de la Bannière, la plus rapide des légions d’Infanterie, devraient attirer Magnhilde et la faire dévier de sa route, avec pour but de la réorienter vers le Nord. Une fois proche de la Sylve, une troupe de la Légion de la Justice devrait l’attirer de nouveau dans la Clairière du Nord en franchissant celle-ci. Cette escouade ne pourrait revenir, afin d’éviter que Magnhilde ne la suive de nouveau et ne revienne plus au sud.
Des volontaires furent sélectionnés, les troupes furent préparées et, alors que Magnhilde arrivait en vue de la Vallée, le plan fut déclenché, avec succès. La manœuvre dura, au total, six mois, Magnhilde déviant parfois de son itinéraire pour aller en direction de villages ou de villes, et devant être de nouveau attirée, mais, avec le sacrifice de plusieurs soldats, elle finit par être ramenée dans le désert de glace en 2A884.
La réussite de l’opération contre Magnhilde provoqua une courte période de paix durant les Royaumes, orchestrée par Thélémaque, afin de laisser à chacun, notamment Damasius et Altamira, les plus touchés, le temps de reconstruire. Il fut agréé que celle-ci devrait durer 5 ans afin que les dommages puissent être résorbés.
Paradoxalement, Circée de Damasius, Treizième Reine de ce royaume, et ses nobles, l’une des parties pour lequel cet accord avait été signé, en étaient particulièrement insatisfaits. Après tant de temps à avoir affronté Magnhilde, ou plutôt, évité l’affrontement contre elle, ils désiraient un véritable combat. Attaquant dès 2A889, le jour même de l'arrêt de la trêve, sur un Leviosa ne s’y attendant aucunement, les armées de Damasius s’emparèrent de plusieurs seigneuries de la Frontière, avant que la Légion du Berceau de Leviosa n’arrive pour tenir la ligne de Front. Après moins d'une année de conflit, les deux royaumes choisirent de faire la paix, Damasius largement victorieux, Circée choisissant de faire plusieurs tournois et banquets pour fêter l’occasion.
Mais Leviosa connaissait les vertus de la patience. En 2A891, alors que la bordure entre les deux royaumes s'était affaiblie, la plupart des soldats de Damasius étant concentrés au Nord à cause d’une résurgence des invasions Skalds, Charles de Leviosa, Douzième Roi de Leviosa, rompit le traité de paix, et envoya la quasi-totalité de ses troupes à l’assaut du Royaume, conquérant rapidement plusieurs villes. La légion du Tombeau, déjà envoyée en amont, assassina plusieurs personnes importantes, dont la Treizième Reine de Damasius, dans son sommeil. Son neveu, Antole de Damasius, Quatorzième Roi de Damasius, fut outragé par cette trahison et ces vils procédés, et rallia son armée pour empêcher la progression des Leviosa, qu’il réussit finalement à stopper à environ trois jours de marche au sud d’Estame. Mais il était trop tard : les terres prises à Leviosa, et plusieurs autres seigneuries de Damasius, étaient de nouveau entre les mains du royaume septentrional.
Alors qu’Antole se préparait à pousser avec son armée pour reprendre les terres perdues, ses éclaireurs l’avertirent que Charles semblait avoir fait lever des fortifications, même sommaires, autour de chaque ville prise, et que les armées de Leviosa avaient cessé d'avancer pour consolider leurs acquis. Les reprendre serait long, et particulièrement sanglant. Fulminant, il alla demander conseil à Sophia d’Altamira, quatorzième reine de ce royaume, avec laquelle il s’était lié d’amitié lors de leur séjour au Fort de l’Union.
Suivant ces conseils, il choisit d’opposer à la perfidie de Charles la seule réponse noble : la Justice. Ordonnant tout d’abord à ses forces d’elles aussi fortifier la frontière, entamant la construction du Mur des Traîtres, qui s’est étendue au total sur 23 ans, couvrant toute la frontière, il signa le traité de paix humiliant avec Leviosa. Dans les mois suivants, il proposa d’allier sa fille avec l’héritier des Tarnils, la famille dirigeant la faction noble. Ces derniers, ayant très peu gagné de l’invasion des Damasius, contrairement à la faction royale, acceptèrent immédiatement, ce mariage leur donnant légitimité, et un lien de parenté suffisamment direct avec le Dieu-Roi pour un jour revendiquer le trône de Leviosa...
La fête du mariage, en 2A895, fut particulièrement intense : Charles et Antole y assistèrent tous les deux et, alors que ce dernier s'apprêtait à partir, il se retourna, pointant sa lame vers le Roi des Leviosa, prononçant le discours suivant, noté verbatim par l’Alfar ayant aidé à la préparation de l’heureux événement :
“Descendant de Leviosa, Roi de ton royaume, meurtrier, assassin, lâche. Depuis longtemps, toi et tes aïeuls souillez le nom du Dieu-Roi et de ses descendants, vous roulant dans la fange pour la moindre once de pouvoir. Les crimes que vous avez commis sont innombrables et impardonnables. Les lâches massacres de vos propres suivants ou de ma noble tante ne sauront rester impunis ! Le Royaume de Damasius ne cessera d’aider les victimes de vos machinations, ne cessera de supporter vos adversaires, mais là n’est pas ce que vous devez craindre. Ce qu’il vous faut craindre, c’est que le jour viendra où il faudra répondre de vos actes, et si je ne suis présent en chair, je le serai en esprit, car c’est ma lame, Justelame, qui abattra la sentence. Je vous le dis, à compter de ce jour, et jusqu’à ce que la lignée des Leviosa perde son trône, tant qu’il y aura un porteur de Justelame, jamais ne serez-vous en paix. Alors craignez, Majesté, craignez. Car c’est par celle-ci que votre lignée périra.”
En rentrant, Antole fit le choix de passer par la Vallée Messenne, et d’y planter sa lame, pour que celle-ci trouve un nouveau porteur. Depuis lors, les Royaumes de Damasius et de Leviosa sont toujours antagonistes l’un envers l’autre, de nombreux conflits ayant éclaté au niveau du Mur des Traîtres. Cet antagonisme est d’ailleurs la raison pour laquelle le Royaume de Leviosa s’est abstenu d’envoyer des troupes pour contrer la Wisehead en apprenant que le Royaume de Damasius participait au conflit. De plus, les agents de Leviosa essayent de localiser tout porteur de Justelame, avec pour but clair de les tuer et de détruire la lame. Bien que leurs essais aient plusieurs fois réussi à abattre son porteur, la lame a, comme par enchantement, à chaque fois glissé entre leur main pour se retrouver, encore et toujours, au sein de la Vallée Messenne.
Malgré l’incident du mariage, les manœuvres de Charles ont été absolument couronnées de succès, le territoire de Leviosa s’étant grandement agrandi et, en attribuant ces nouveaux territoires à des nobles de la faction royale, son influence dans son royaume s’étant également considérablement améliorée. Le seul point noir sur le tableau se situait au niveau de sa perception publique, qui avait pris un violent coup quand le bas peuple avait appris le discours et les actions d’Antole de Damasius.
Bien qu’il les supporta pendant un temps, vers la fin de sa vie, il se mit à ressentir le besoin de laisser une autre image à la postérité. Profitant d’une vague d’attaque Skald qui occupa Damasius comme Altamira, les empêchant d’attaquer Leviosa, il négocia une alliance avec les Sicara. Le but était direct : une attaque coordonnée sur l’Empire de Pierre, dont les défenses semblaient être un peu plus affaiblies que la normale. Il espérait, à l’instar de sa campagne contre les Damasius, une victoire rapide éclatante, puis une guerre très défensive.
Malheureusement pour lui, son plan ne fut pas aussi couronné de succès qu’il ne l’eût espéré. Bien qu’au début, l’infiltration puis l’attaque de plusieurs généraux Dvars par la légion du Tombeau furent un succès, lui permettant d’avancer sur plusieurs dizaines de kilomètres à la frontière, les Strömmeisters mirent rapidement au point de nouvelles défenses détectant spécifiquement les Manars et empêchant leur entrée au sein des zones de repos des généraux. Cela força un conflit bien plus frontal entre les armées des deux pays, où les Dvars gagnèrent rapidement l’avantage, les tactiques Leviosa ne s’étant pas encore adaptées à des adversaires dotées du Ström.
Au final, similairement à son choix contre Damasius, Charles ordonna à son armée de fortifier le front, créant la Citadelle d’Impero, afin d'empêcher que les Dvars ne puissent reconquérir le territoire pris. Une tactique de harcèlement audacieux de la part de la Légion du Tombeau, ainsi que plusieurs charges à des moments critiques par la Légion du Calice permirent de gagner assez de temps pour atteindre l’hiver, qui força une pause dans le conflit, et que Leviosa usa pour construire une série de fortins afin de tenir la ligne. En tout et pour tout, le conflit entre Leviosa et l’Empire dura jusqu’en 2A909 avant de redevenir une série d'escarmouches sur un front statique.
À l’inverse, le conflit du côté de Rubeus fut bien plus complexe. Avant même l’ouverture du conflit, Rubeus, grâce aux Moltös, avait demandé des cartes très exactes des réseaux de cavernes dans les montagnes frontalières avec l’Empire à plusieurs tribus de Dyrvars troglodytes, via le Capitole. En 2A906, se basant sur ses plans, Rubeus mena une attaque en profondeur dans les lignes Dvars, coupant plusieurs cités de ravitaillement. En plus de cela, ils engagèrent une troupe de mercenaires, les Plumes Noires, héritière des Aigles de la Nuit, réputée pour être capable d’utiliser l’Otherself sur des armes à distances, afin de couper toute tentative impériale de créer un pont aérien pour ravitailler leurs villes.
Le Front devint ainsi rapidement une aberration en trois dimensions, aujourd’hui encore utilisé pour enseigner aux nobles et généraux des diverses nations la complexité maximale que puisse atteindre des plans stratégiques. Cela s’empira encore quand une partie des Plumes Noires trahit leur troupe pour rejoindre les Dvars et devenir les “Fusiliers d’Onyx”. Ajoutant à cela les hivers terribles de la région, qui forçaient l’arrêt des conflits pendant des périodes allant parfois jusqu’à six mois, et la guerre, en plus de sa complexité, traîna en longueur sur plusieurs décennies, à un point tel que certaines troupes étaient parfois oubliées, puis redécouvertes quand elles faisaient une percée au travers de lignes ennemies (ou alliées) deux ans plus tard.
Désireux de mettre un terme à ce qui était devenu un gouffre financier, l’Empire de Pierre identifia un point stratégique dans les réseaux souterrains, un nexus ou plusieurs des plus larges passages, cruciaux pour faire naviguer des armées, circulaient, et se fixa pour but d’en prendre le contrôle. Pour ce faire, ils planifièrent la construction d’une cité forteresse, gigantesque, dont les souterrains s'enfonçaient pour connecter les différentes cavernes, et placer des avant-postes dans chacune d’entre elles, aisément joignable depuis la cité par un système d’ascenseur.
Ce chantier faramineux, celui de la cité qui deviendrait Arkhos, s’étala sur 16 ans, ralenti par le Festin de la Haute-Ville et plusieurs assauts Frels qui privèrent le chantier de ressource. Cependant, la mise en place progressive de chaque avant-poste et des ascenseurs afférents, qui s’acheva en 2A959, permit finalement au front de redevenir deux dimensionnels, et aux généraux de véritablement comprendre ce qui se passait. Bien que la guerre aurait pu continuer, les Dvars ne désiraient aucunement dépenser plus dans un conflit qu’ils jugeaient inutiles, et enterrèrent très littéralement le front, postant les Fusiliers d’Onyx au sein d’Arkhos pour repousser toute tentative de Rubeus.
Du côté de Rubeus, la guerre n’avait pas été sans conséquences. La longueur du conflit, doublée aux décisions parfois désastreuses prises par les généraux nobles durant la guerre à cause de sa complexité, alimenta un fort climat de méfiance contre le pouvoir en place. Eric de Sicara, Huitième Roi de la Lignée des Sicara, tenta de lutter contre ce dernier en organisant plusieurs tournois pour distraire la population, mais cela n’eut pour seul effet que de vider plus rapidement les coffres de la couronne.
Presque ironiquement, alors que le mécontentement était sur le point d’entrer en ébullition, une femme se leva en 2A969 pour cristalliser cette colère : Germaine de Rubeus, se revendiquant comme la descendante du prince disparue, portant la lame de ce dernier. Plusieurs adversaires des Sicara parmi la noblesse, que leur règne avait grandement affaiblis, virent là une opportunité de reprendre ce qu’ils avaient perdu, et lui apportèrent rapidement soutien et légitimité, allant même jusqu’à lui obtenir un entretien avec le Héraut de l’Union, au sein de la Cathédrale Vermeille, pour faire confirmer son statut de descendante du Dieu-Roi.
Rapidement, à l’image de la Guerre de Sang, deux camps se formèrent, les partisans des Rubeus et des Sicara se préparant de nouveau à l’affrontement. Si les seconds étaient bien plus puissants au sein du Royaume, les premiers pouvaient compter sur le soutien des Altamiras et des Leviosas, seuls les Damasius ayant pleinement accepté les Sicara à la suite de la Percée Vengeresse. Alors que le conflit semblait inéluctable, un événement des plus surprenant se produisit : la mort d’Eric de Sicara, d’une chute mystérieuse de la fenêtre de sa tour. Nul ne sait exactement qui en est responsable, ou même si quelqu’un en est responsable, l’héritière des Rubeus ayant toujours clamé haut et fort son innocence à ce sujet, jurant cela même sur ses ancêtres.
Son fils, Théomagne de Sicara, âgé de 20 ans et à peine revenu du Fort de l’Union, tenta de désescalader la situation, que ce soit en proposant de prendre Germaine de Rubeus pour épouse (ce qui fut refusé, car elle s’était déjà fiancée à Eric d’Odon pour obtenir le soutien de sa famille) ou en tentant d’offrir des arrangements à des maisons ayant choisi de la soutenir. Voyant que rien ne marchait, il choisit finalement de ne pas aller jusqu’à la guerre, et partit de lui-même en Damasius, à la cour d’Anne de Damasius, Dix-Septième Reine de Damasius, qu’il avait brièvement rencontrée durant son séjour au Fort de l’Union. Sans opposition, Germaine de Rubeus reprit le trône, devenant ainsi la Onzième Reine des Rubeus (ce qui explique le décompte un peu alambiqué des souverains de ce royaume).
Encore de nos jours, les descendants de la famille Sicara sont abrités par les Damasius, se revendiquant comme souverains légitimes de Rubeus. Bien que la majorité de leur pouvoir ait disparu, ces revendications motivent régulièrement des attaques du premier royaume sur le second, les deux pays ne s’étant jamais vraiment appréciés.
Le dernier événement marquant de l'Ère des Chevaliers fut la Percée d’Altamira, nom donné à l’expédition qui dura de 2A981 à 2A991 du Roi d’Altamira au sein des contrées gelées du Nord. Les années 2A970 furent particulièrement complexes pour le Royaume des Bannières : alors que les prémices d’une possible seconde guerre de sang envahissaient Rubeus, ces derniers avaient retiré la majorité des troupes envoyées au Fort de l’Union au moment même où les raids Skalds semblaient s’intensifier.
En effet, en 2A972, 2A974 et 2A977, trois bandes Skalds venant de la Tribu du Sanglier, chacune menée par un ou plusieurs Berserkers, terribles guerriers semblant défier toutes limites dans une rage sanguinaire, réussirent à franchir le Fort de l’Union pour attaquer et dévorer plusieurs Moltös sur les terres du Royaume, dévastant de nombreux villages. La dernière fut particulièrement violente, réunissant une cinquantaine de guerriers et échappant à ses poursuivants pour réduire en cendre la grande église de Malta en Altamira.
Devant une telle débauche de sauvagerie, Antoine d’Altamira, Dix-Huitième Roi d’Altamira, fit le choix d’à son tour mener une Percée, cette fois-ci directement au travers de la Passe du Sanglier, pour frapper la Tribu éponyme en plein cœur. Faisant appel au Capitole afin d’obtenir l’aide d’Alfars Ancestraux pour les guider au travers de la Sylve, il réunit autour de lui des Frels des quatre royaumes, attirés par la noble croisade dans laquelle se lançait le monarque, et les nobles idéaux chevaleresques que son Royaume tendait à porter.
Après avoir franchi la Sylve, un premier obstacle de taille se présenta devant les guerriers : la mer du Nord, qu’ils comptaient traverser à l’aide d’embarcations de fortune. Fort heureusement pour eux, Olassye Goldehn, toujours présent dans le Nord, avait entendu parler de leur venue, et avait contacté les Biföks, Dyrvars Phoques vivants dans les étendues glacées, pour leur venir en aide. L’ost eut donc la plaisante surprise de voir plusieurs bateaux débarquer pour les aider, avec, à son bord, Olassye, prêt à servir d’interprète entre les Dyrvars et les Frels. Les Alfars Ancestraux, ravis de voir une espèce Dyrvar coupée du Capitole, en profitèrent pour leur étendre par la même une invitation, que les Biföks acceptèrent. Alors qu’ils repartirent avec un des émissaires Dyrvars, la Percée continua sa route.
S’en suivit une odyssée épique de plusieurs années, racontée dans “L’Épopée des Chevaliers des Glaces”. Lors de cette aventure, le millier de Frels qui avait quitté la chaleur du sud dut affronter, comme tous les peuples du Nord, la Faim et le Froid. Bien qu’aidés pour ce second point par les potions d’Olassye, plusieurs périrent tragiquement du manque de nourriture, et Antoine dut ordonner aux chevaliers de se séparer — ils étaient trop nombreux pour qu’une tribu Dyrvars ne puisse les nourrir. Avec l’aide des Biföks pour les guider, chaque fragment de l’armée partit ainsi en direction d’une autre tribu qui pourrait leur être amicale.
Sur les dix fragments, nous ne connaissons l’histoire que de six d’entre eux, les autres s’étant perdu, attaqués par des Dyrvars agressifs, par des Skalds ou succombant simplement à la violence des éléments. Ceux qui subsistèrent formèrent des amitiés improbables avec certaines tribus Dyrvars parfois complètement inconnues du Sud, et les merveilles qu’ils virent furent telles qu’il est dur de dire où s’arrête la vérité, et où commence le fantasme. Dans les faits à l’historicité avérés, on peut tout de même citer les nombreuses attaques menées contre la Tribu du Sanglier, forçant celle-ci à changer deux fois de camp, ainsi que les Embuscades Lupines, une série d’attaques des Dyrvars Loups sur les Chevaliers, les premiers en quête de nouveaux sacrifices pour leur dieu.
Une dernière chose est sûre : peu revinrent. Sur le millier parti, moins d’une centaine foula de nouveau le sol d’Altamira, mais chacun avec des exploits désormais chantés par tous les bardes du Royaume. Leurs lames furent (et sont toujours) connues comme les légendaires Lames Nordiques : Glacefer, la hache ayant emprisonné le Froid du Nord, Morsombre, le glaive aussi assoiffé de sang que les Loups, ou encore Gloriance, la lance d’Antoine où était fiché son étendard, que l’on dit capable d’unir toutes les tribus Dyrvars des Glaces.
Le Roi ne revint d’ailleurs pas les mains vides de ce voyage : alors qu’il était parti encore jeune et sans héritier, si ce n’est une nièce, il revint avec une fille, mi-Manar, mi-Dyrvar, aux oreilles de panthère d’un blanc aussi éclatant que les glaces du Nord. Alice d’Altamira, désormais princesse, fut ainsi la première des dirigeants d’Altamira à porter ces traits Dyrvars, traits qui persistent, bien que plus légers, de nos jours. Bien qu’Antoine n’ait jamais dit exactement dans quelles circonstances Alice avait été enfantée ni qui était la mère, cela n’a pas empêché les bardes de raconter l’histoire d’une Dyrvar qu’il aurait sauvée de la tribu du Loup, affrontant pour ce faire le chef de cette vile bande de Skald en duel.
La dernière ère du Deuxième Âge fut certainement la plus chaotique : la bien nommée ère de la Guerre fut définie, a posteriori, comme commençant à la fondation, en 2A996, de la Wisehead, groupe de mages unissant des pratiquants de chaque magie. Cette ère vit, pour la première fois de l’histoire écrite de la Brèche, une guerre globale, impliquant la totalité des grandes entités politiques connues. Cela marque aussi la première implication des Héros dans un conflit pouvant être qualifié de “Politique”, ce qui fut également la dernière, cette intervention (l’affrontement contre “The One”) leur ayant coûté la vie.
Bien que le conflit en lui-même n’ait causé qu’un nombre relativement faible de morts comparés à la Guerre de la Tromperie ou aux divers conflits Frel-Dvar, ce qui marqua le monde fut la débauche de puissance utilisée par chaque camp, ainsi que la violation de certaines traditions, lois ou simplement faits qui semblaient pourtant gravés dans le marbre. Ces nouvelles menaces, existant déjà auparavant, mais n'apparaissant vraiment que durant cette ère, furent la motivation principale pour la rédaction par les grandes puissances du Traité de la Wisehead, qui devrait être signé en 2A1100 au Capitole, ce qui marquera la fin du Deuxième Âge et le début du Troisième Âge.
De par la nature globale de ce conflit, cette partie n’est ainsi pas divisée en sous-partie comme les autres, des actions ayant lieu loin au Nord du Bassin Frel pouvant avoir des répercussions s’étendant jusqu’à Karna. La grande confusion de cette ère, et le fait qu’elle ait eu lieu très récemment fait que certains événements sont encore assez flous, que ce soit à cause de la destruction qu’ils aient générés, ou à dessein, certaines nations ne désirant pas complètement révélé les forces qu’elles avaient engagées dans le conflit, craignant que cela ne mette en danger leur propre sécurité.
La formation de la Wisehead ne fit pas grand bruit à l’époque. Il faut dire que la troupe en tant que telle n’avait rien d’unique : il existait, et ce depuis presque la fondation de l’Empire de Pierre, plusieurs groupes contenant plusieurs mages et aptes à combiner, dans une moindre mesure, les magies. La Wisehead fut simplement le premier groupe sérieux à en faire son objectif principal. Ce qui attira la majeure partie de l’attention du début de cette ère fut la reprise du conflit entre le royaume de Rubeus et l’Empire de Pierre.
En effet, après une longue période d’exploration dans les montagnes, plusieurs autres grottes avaient été mises à jour, ou creusées, par les forces de Rubeus, permettant désormais à leurs armées de contourner la cité-forteresse d’Arkhos. À partir de 2A1003, les forces du royaume et de la nouvellement restaurée lignée de Rubeus, désireuse de monter à tous que leur puissance était toujours présente, se mirent en branle, attaquant plusieurs convois Dvar pour mener un siège de facto de la Forteresse.
Les Dvars, profondément lassés d’avoir à se battre pour une série de montagnes peu riches en minerais, mais ne désirant pas perdre la face ni laisser Rubeus avancer proche des régions plus riches des Monts Adamantins, ordonna le retrait de la plupart des avant-postes de la région, ne laissant que la Cité-Forteresse ainsi qu’une demi-douzaine de fortins mineurs avec une présence de l’Empire de Pierre, et encore, présence relativement minime. Cela fait, ils se mirent à simplement pilonner avec des canons strömiques aux calibres démesurés pour, dans des mouvements sismiques, tenter de faire s’effondrer la plupart des cavernes.
Cette stratégie fut plutôt efficace, et nombreuses sont les escouades Frels qui furent perdues, ensevelies sous les gravats, ou perdues dans des grottes (où l’on dit que certains vivent toujours). Dans tous les cas, cela mit un terme à toute ambition de Rubeus dans la région, le passage à travers des cols étant jugé comme bien trop long pour être militairement intéressant.
Jusqu’en 2A1020 environ, la Wisehead entama un développement calme, mais constant, proposant de nouvelles innovations et les vendant au plus offrant. Au début seulement connue au sein des Monts Céruléens, elle y naquit d’ailleurs de l’union de plusieurs Strömeisters, de certains Leikasëekr Maalkvi et de cultistes issus de peuplades Dyrvars locales. Les trente premières années de son existence furent plutôt paisibles, ses membres, qui se nommaient les “Mages”, expérimentant avec le Ström et le Culte Sauvage.
Quelque part durant la décennie 2A1020, la Wisehead attira l’attention de son premier Mécène, les puissantes figures qui supportaient son ascension sans s’y associer directement. Celle-ci, dont l’identité fut révélée seulement après la dissolution de la Wisehead, n’était ni plus ni moins que l’Überstromeister de l’époque, Frieren Steinstadt, qui fut particulièrement intrigué dans le potentiel destructeur que pourrait permettre une telle union des magies et, à l’insu de l’Empire de Pierre, donna accès aux Archimages de la Wisehead, nom revendiqué par leurs plus puissants mages et de facto meneurs, l’accès au Grand Bureau des Brevets de Herrenfeld, endroit où sont entreposés tous les plans et inventions ayant rapport de près ou de loin au Ström.
Rien que cela suffit à la Wisehead pour faire des progrès considérables, passant d’inventions assez simples et anecdotiques à des interfaces Ström — Culte Sauvage pouvant avoir des effets sur d’assez grandes distances. En plus de cela, ils se mirent à commencer à tester plus profondément, avec des mages peu scrupuleux, les arts impies de la Première Voie, nécessitant pour ce faire plusieurs sacrifices (le premier village dont la destruction est attribuée à la Wisehead pour des raisons sacrificielles date de 2A1027).
Finalement, une dernière pierre arriva en 2A1029 pour parachever leur transformation en un groupe véritablement dangereux : leur second mentor, qui leur transmit tout le savoir nécessaire pour user des Arts Karniques, utilisés avec grand succès afin d’outrepasser certaines des limites usuelles des autres magies employées. La grande versatilité que leur ajouta cet art mena également à une grande augmentation de leurs ventes auprès des riches familles, étant désormais appelée aux quatre coins de l’Empire de Pierre.
Naturellement, la nouvelle que les Arts Karniques se propageaient en dehors de la Cité aux Mille et Une Merveilles alarma grandement Karna, car cela impliquait que ces personnes avaient eu accès, d’une manière ou d’une autre, à la Source de la Vie. En 2A1031, le Coven du Zénith lança une enquête à ce sujet, en externe comme en interne, afin de trouver l’origine de cette faille dans leur devoir sacré.
Les résultats qu’ils obtinrent furent loin d’être encourageants. Dans un premier temps, les Panolis ainsi que les Soleils Bienheureux contactés n’avaient aucune information, tandis que les autorités locales ne semblaient pas s’inquiéter de la montée météorique de la Wisehead au sein du milieu de l’artisanat Strömique (et de l’artisanat exotique et d’exception en général). La chance d’en apprendre plus fut finalement obtenue en 2A1037, lors d’une tentative de l'expansion de la Wisehead au sein des royaumes Frels, après de longues parlementations avec les royaumes de Leviosa et Altamira pour y implanter une partie de leur technologie. Le prix demandé était cependant une lame Messenne, pour expérimenter sur celle-ci, et aucun Frel ne s’arrêta même pour la considérer.
Durant cette négociation, un des Soleils Bienheureux conseillant le Roi d’Altamira remarqua l’attitude étrange d’un des Archimages de la Wisehead, et, le suivant, finit par découvrir que celui-ci, sous potion, n’était autre que le membre actuel de la lignée d’Eswich, descendants du Sorcier de l’Est tentant de continuer l’œuvre de leur prédécesseur. Cela expliquait la manière dont la Wisehead avait eu accès aux Arts Karniques sans pour autant s’approcher de Karna : la lignée d’Eswich était connue pour avoir hérité de l’autorité de leur ancêtre concernant la manipulation du vivant.
Ne sentant que rien de bon ne pouvait venir de cela, le dernier membre de la lignée d’Eswich réputé particulièrement irraisonné, contrairement à certains de ses ancêtres, Karna continua ses investigations, et finit éventuellement, en 2A1042, par trouver les traces des nombreux sacrifices de la Wisehead, ainsi que celle d’un projet, nommé le “Projet The One”, “l’Unique” en Karnavir. S’inquiétant de sa signification, et jugeant les sacrifices suffisamment nombreux pour être considérés comme une menace à la Brèche, les Gardiens de l’If furent avertis, même si ceux-ci préférèrent ne pas intervenir de suite, estimant les preuves réunies par Karna comme insuffisantes pour justifier une intervention des Héros contre un groupe pour l’instant encore pacifique.
Cette sorte d’équilibre continua jusqu’en 2A1065, date à laquelle la génération précédente (devenue vieille) se retira pour laisser place à une nouvelle génération d’archimage : le titre d’Archimage passa du Sorcier de l’Est en titre à son fils, tandis que la mort de l’Überstromeister aurait dû bloquer l’accès de la Wisehead au Bureau (même s’il n’en fut rien, le nouvel Überstromeister, Berthold Heimer, ayant repris le flambeau en tant que Mécène encore une fois à l’insu de tous).
Cette nouvelle génération d’archimage devint encore plus agressive dans ses buts : maîtriser complètement la totalité des magies, afin d’utiliser ce pouvoir pour “prendre le contrôle de la Brèche et la guider vers une ère de paix et d’illumination” (tel qu’indiqué dans le Manifeste de la Wisehead, publié en 2A1076). Dans ce but, deux points de la Brèche auraient pu grandement les aider : la Bibliothèque des Âges de Karna, regroupant tous les savoirs des Alfars de Lumière, qui contient l’analyse de nombreuses ruines Neivar, datant parfois jusqu’au Premier Âge, et la Théothèque du Capitole, contenant tous les rites religieux du peuple Dyrvar depuis la Théocratie jusqu’à nos jours, ainsi que plusieurs artefacts de grande valeur liés aux différents cultes.
La première étant bien trop protégée, la Wisehead se mit ainsi en tête de prendre le contrôle de la seconde. L’attaque, en 2A1073, sur le Capitole, dépendant du traité de défense avec l’Empire de Pierre, fut soudaine et rapide. La Wisehead déploya pour ce faire toute sa puissance nouvellement acquise, des armées monstrueuses accompagnant leurs mages, et soumettant la ville, dépendant du traité de défense avec l’Empire de Pierre, en à peine deux jours.
Bien que cette attaque ne réussisse à sécuriser le Capitole, prenant Saint Oäst en otage, son objectif complet, celui d'empêcher quiconque de fuir pour que la nouvelle de la prise ne s’ébruite pas, fut un échec, alors que l’envoyé Moltös de même que l'envoyé Warabouc réussirent à quitter les lieux, afin de prévenir leurs nations respectives. Internationalement, ce fut un choc : jamais, depuis sa fondation, le Capitole n’était tombé, et sa première défaite était aux mains d’un groupe privé plutôt que l’une des grandes nations. Pour l’Empire de Pierre, l’humiliation était double : non seulement les royaumes Dvars avaient échoué pendant des années et des années à prendre la cité, mais, en plus de cela, l’Empire qui était tenu de la protéger venait d’échouer à le faire.
Souhaitant immédiatement redresser ce tort, une armée fut réunie, sous la direction jointe du Général Hanz Heinz et de l’Überstromeister, Berthold Heimer, qui venait d’être relevé de son rôle d’assistant de l’Übermensch après que celui-ci ait rejoint les Gardiens de l’If. Malheureusement, alors que l’armée était aux portes de la ville, la Wisehead entama une sortie au moment même où la quasi-totalité des armements Ströms se mit à défaillir, explosant et causant la mort de nombreux soldats de l’armée. Le responsable de ce désastre, Berthold Heimer lui-même, se révéla comme Archimage de la Wisehead. Cette trahison au plus haut sommet de l’Empire mit Strömhold en désarroi, mettant la recherche pour un nouvel Überstromeister à l’arrêt tant que l’ancien traître ne serait pas traduit en justice.
La nouvelle finit par atteindre les Gardiens de l’If, apportée par Karna pour tenter de les persuader d’intervenir. Malheureusement, ces derniers estimaient toujours le conflit comme un conflit politique, et pas une menace de grande envergure face à la Brèche. L’Übermensch, l’immortel Dvar, fit cependant la demande d’intervenir exceptionnellement pour reprendre le Capitole : en tant que représentant de l’Empire de Pierre, il se sentait obligé, de par les accords alliant la ville de la Foi avec celui-ci, d’intervenir, et la nouvelle de la trahison de son partenaire avait renforcé d’autant plus cette détermination. Les Gardiens de l’If, ne voyant pas de mal intrinsèque à cela, donnèrent leur autorisation.
L’Übermensch se rendit donc, avec tout son équipement, au Capitole. Les armements défensifs installés par Berthold se mirent à tonner, faisant pleuvoir la mort, mais l’armure et le talent du Strömritter dévièrent chaque projectile, minimisant les dommages jusqu’à ce qu’il n’arrive à la porte de la Cité Sainte. La Wisehead, sachant que le héros avait fait sa renommée lors de combats montagnards et urbains, risqua le tout pour le tout pour ne pas le laisser entrer dans un terrain si favorable. D’un premier coup, le Garde-Pierre brisa les renforcements de la porte principale et d’un second, la surface même de celle-ci, ouvrant la voie vers l’intérieur de la ville sainte. L’énergie déployée par Übermensch et son armure était phénoménale, mais soudain, les capteurs de celle-ci distinguèrent une autre source d’énergie non pas égale à la sienne, mais supérieure.
Au moment même où la porte du Capitole se brisa, l’espace sembla se distordre, propulsant une figure inconnue vers le Garde-Pierre. Ce qui semblait être un poing s’écrasa contre son armure d’or dans une déflagration énergétique telle qu’elle priva le Capitole du moindre grain de poussière et dispersa les nuages la surplombant en un angoissant cercle parfait. Une détonation lourde, un craquement de l’air lui-même, précéda le départ météorique de l’Übermensch qui, encaissant la première frappe de la force inconnue, traversa une partie de la région, trouant sur son passage nombre de montagnes hébergeant les cités adamantines. Loin de pouvoir respirer, le Garde-Pierre était suivi par son nouvel adversaire et le premier coup spectaculaire qu’il lui avait asséné marquait le début de leur duel.
Le combat entre le Héros et son adversaire fut absolument titanesque. The One, enfermé dans une armure strömique à peine inférieure à celle de son adversaire — sans doute de même concepteur — semblait complètement insensible à ses coups qui, malgré le déluge d’énergie et de poussière les suivant, n’étaient pas plus efficaces que la plus fine des pluies contre les plus épaisses dalles de pierre. À l’inverse, chaque attaque ennemie semblait être infusée d’une puissance phénoménale, alors que des seringues engoncées dans son équipement se vidaient avant d’être remplacées, les potions d’Arts Karniques qu’elles contenaient renforçant exponentiellement toutes les caractéristiques physiques du soldat.
Finalement, l’Übermensch réussit à prendre l’avantage : si la créature — car il n’y avait pas de mot plus approprié — était redoutablement puissante, elle était également inexpérimentée. Ses attaques montraient que, bien que grandement entraînée, elle n’avait pas connu le vrai combat, celui pour sa vie, celui où chaque mouvement manqué fait la différence entre la vie et la mort. Il parvint ainsi à multiplier les frappes, visant les faiblesses typiques des créations de Berthold qu’il ne connaissait que trop bien ainsi que celles de la garde ennemie.
Cependant, à la surprise du Garde-Pierre, l’armure décida de lui rendre ses coups. Son métal même sembla prendre vie, autonome, se distordant et se couvrant de symboles cabalistiques avant de former de puissants tentacules et de redoutables mâchoires pour intercepter les frappes passant la garde du monstre et rendre les coups dans les angles les plus imprévisibles. Plus fourbe encore, l’armure douée d’une volonté propre décida de se jouer des faiblesses morales du Héros Dvar. Dans un soudain gain de puissance maléfique, elle étendit ses tentacules jusqu’à saisir les cités adamantines d’Edelstein et d’Himmelberg arrachant les deux pics éponymes du sol pour les faire s’écrouler. Cela ne manqua pas, le cœur du Héros hurla à son corps d’agir, mais les deux cités étaient opposées et faire un choix, trop difficile. Profitant de cette seconde de doute, The One attaqua d’une nouvelle frappe, similaire à la première, mais plus puissante encore, envoyant l’ancien Strömritter s’écraser au milieu de la cité de Säule, la simple puissance de l’impact suffisant à souffler la ville et ses habitants de la carte.
Les victimes hurlantes et agonisantes chutaient par dizaines de milliers au milieu des débris dans une pluie d’explosion strömique tentant le sol comme le ciel d’un rouge sanguin. L’expérimenté Gardien de l’If sentit rapidement en ses excroissances surnaturelles l’influence démoniaque conjurée par la Première Voie et décida d’en finir. Il se dressa au milieu des ruines, face au colosse immortel qui fondait vers lui. D’une feinte, il baissa sa garde, laissant passer un coup dévastateur qui détruisit complètement le côté gauche de son armure. Il arma alors en son bras droit le plus puissant armement strömique de l’époque, une version prototypaire et miniature de l'aberration technologique connue sous le nom de “Bombe S”, et, après avoir confirmé par tous ses capteurs l’absence de toute forme de vie, il frappa.
La puissance de l’onde de choc, l’intensité de la lumière nimbant le ciel et la taille du nuage de poussière strömique qui s'ensuivirent resteront sans égales sur la Brèche jusqu’aux expériences de cette dernière décennie. Tout autour de l’Übermensch, seul survivant du désastre, se trouvait désormais, sur plusieurs centaines de mètres, un désert de cristal pur. The One, touché de plein fouet, se tenait là, telle une statue. Mettant le genou à terre face à celui qu’il pensait être sa première victime sur le champ de bataille, Übermensch s’offrit quelques secondes de contemplation pour cet acte qu’il avait toujours réussi à éviter par le passé… Quelques secondes qui lui coûtèrent immensément cher.
La statue de cristal qu’était devenue The One soubresauta, dans une cacophonie de hurlements primaux, se fissurant de toute part. Soudainement, un bras osseux en sortit se saisissant par la gorge du héros Dvar, alors que des muscles semblaient se renouer par-dessus le squelette décharné. L’Übermensch tenta, dans l’urgence, de déclencher un nouveau nuage de radiation localisé, pour finir de le cristalliser, mais ces dernières semblaient désormais n’avoir aucun effet sur The One qui, s’extirpant de son cocon minéral, finit complètement sa régénération. Refusant de lâcher l’Immortel, il le leva dans les cieux alors qu’il se débattait, puis, dans un mouvement d’une rare violence et un craquement sordide, le plia dans un sens non naturel, pulvérisant sa colonne vertébrale.
Immédiatement, Herr Stark et d’autres Strömritters qui n’avaient osé approcher à cause des niveaux mortels de rayonnements strömiques dans la zone s’activèrent, ignorant le danger sur leur vie : le Héros des Dvars ne pouvait pas tomber. Les guerriers Dvars s’opposèrent à The One, alors même que leurs corps se cristallisaient lors du combat. Bien qu’incapables de même blesser sérieusement leur adversaire, plusieurs tombant même, comme des mouches, de ses mains, ils réussirent à offrir à Herr Stark les précieuses secondes nécessaires pour se saisir de l’Übermensch et fuir, le ramenant aux Lifars, seuls, mis à part Karna, à pouvoir soigner une telle blessure, qui aurait dû tuer tout Dvar moindre sur le coup. Face à la fuite de ses opposants, The One hurla de rage, entendu d’Herrenfeld au Capitole.
Une fois soigné, l’Übermensch désira retourner au combat, mais les Gardiens de l’If lui interdirent : de leur point de vue, le conflit était encore et toujours politique, et il était hors de question de perdre un de leurs Immortels dans celui-ci. Le soldat protesta, mais, devant l’inflexibilité de ses supérieurs, finit par se résigner, consacrant son temps à la réparation et au perfectionnement de son équipement. Il le sentait dans ses os meurtris : The One ne pourrait être abattu par les mortels.
De son côté, avec l’arrêt de sa première armée et la défaite de l’Übermensch, le Kaiser prit la décision de ne pas continuer à pousser au niveau du Capitole, préférant voir comment la situation évoluait tout en se préparant pour un nouvel assaut. Une purge fut tout de même lancée dans les hauts échelons de l’État, afin de découvrir tout autre sympathisant de la Wisehead qui pourrait s’y cacher : ceux qui furent ainsi accusés eurent droit au Procès de Cristal. Avec la relative inaction de l’Empire de Pierre, ce fut au tour des Frels de réagir à la nouvelle : le Capitole étant le symbole de l’union de tous les Dyrvars, les croyants de Malta furent particulièrement touchés en apprenant que celui-ci était tombé.
Ce fut particulièrement le cas pour Arianne d’Altamira, princesse d’Altamira et romancière à succès, connue comme la “Princesse Écrivaine” pour son don avec une plume, qui se démarquait significativement des autres Frels. À cette époque, la Wisehead avait encore une très bonne réputation au sein du bas peuple : les innovations qu’ils avaient pu apporter avaient commencé à se démocratiser, facilitant certaines tâches, et le nom était encore vu, même malgré l’invasion, comme synonyme de progrès et d’innovation plutôt que de terreur, sacrifice et despotisme.
En 2A1074, Arianne se mit donc à la tâche, écrivant nombres d’essais et de pamphlets lamentant la perte du Capitole au profit de la Wisehead, qui y bloquait tous les accès pour des raisons inconnues, et condamnant cette dernière pour ses actes de cruautés ainsi que les sacrifices que ceux-ci faisaient aux démons au nom de leur poursuite de toutes choses magiques. Ces pamphlets, qu’elle traduit en Kelvir, Alvir, Panovir et Dvir, furent grandement transmis au travers de toute la Brèche par les Panolis, et furent si persuasifs que, dès le printemps 2A1075, plusieurs communautés appelaient au bannissement du commerce avec la Wisehead, qui constituait la principale source de revenue du groupe. Dans le même temps, de nombreux Dvars se mirent à rejoindre l’Armée de Pierre, compensant largement les pertes de la Trahison de Berthold, avec pour objectif de participer à la reprise de la ville.
La Wisehead ne pouvait tolérer ses actions, et se devait de répondre. En 2A1075, alors qu’elle participait à une partie de chasse, Arianne fut retrouvée par son frère, Guillaume d’Altamira, prince héritier du royaume d’Altamira, morte et à moitié dévorée, sans son arme Messenne. Le meurtre ressemblait trait pour trait à une exaction faite par un Skald en vadrouille, qui aurait réussi à échapper aux contrôles des différents forts, et pendant une année entière, Guillaume mena en personne une troupe de ses gardes pour tenter de trouver les meurtriers de sa sœur.
Ce n’est qu’en 2A1076 qu’il comprit qui était le vrai coupable. Ouvrant l’ouvrage “Le Manifeste de la Wisehead”, réponse du groupe aux écrits de sa sœur, si bien écrit qu’il avait réussi à presque contrebalancer la mauvaise presse subie par le groupe, il put y reconnaître entre mille le style d’écriture si distinct de la princesse : il en devint sûr, la Wisehead avait un Skald parmi eux, et ce Skald était responsable de ce meurtre. Ses tentatives de convaincre les autres royaumes de cela restèrent cependant vaines par manque de preuve, et Rubeus ne lui accorda même pas le passage pour qu’il puisse attaquer le Capitole lui-même, craignant que cela ne soit vu comme un acte de provocation et ne nuise à leur réputation avec la Wisehead, à laquelle il commandait toujours de nombreux objets.
Pendant quatre années, l’équilibre instable fut ainsi conservé au sein de la Brèche, silence avant la tempête qui allait secouer le monde : l’Empire de Pierre se préparait, observant les allées et venues autour du Capitole avec grande méfiance. Le Royaume d’Altamira était désireux de venger sa princesse, mais ne pouvait progresser jusqu’au Capitole sans mener une guerre longue et sanglante avec Rubeus ou Leviosa, ce qui laisserait son armée exsangue une fois arrivée là-bas. Karna tentait tant bien que mal de faire comprendre la menace de la Wisehead aux différentes nations, ainsi qu’aux Gardiens de l’If, mais seuls Altamira et les tribus Dyrvars semblaient écouter.
Cela changea en 2A1080, quand un nouvel Archimage de la Wisehead fut révélé. Cette dernière possédait désormais des connaissances sur la quasi-totalité des magies de la Brèche, il ne lui en manquait plus qu’une : le Chant des Dames, magie du peuple Kelt. Pour s’en emparer, ils envoyèrent donc Magnhilde, qu’ils avaient réussi à maîtriser en usant d’un des puissants artefacts du Capitole, la Couronne des Oliviers, liée à Pilinas, Déesse de la Paix. Son attaque de la Vallée des Dames, durant le Tionol, est aujourd’hui connue sous le nom de la Lune Fantomatique, et l’un des plus grands massacres du Peuple Kelt : en pleine possession de ses moyens, elle se mit à utiliser les pouvoirs de tous ceux qu’elle avait dévorés par le passé, chaque mort chez les Kelts augmentant sa maîtrise sur la Vallée des Dames.
Finalement, lors de la Lune de Sang, même l’Artefact ne suffit à garder son sang-froid, et celle qui était auparavant un scalpel attaquant méthodiquement les pratiquants du Chant des Dames redevint une bête assoiffée de sang, d’une puissance monstrueuse, qui attaqua sans discrimination l’armée Dvaro-Kelts s’étant réunie pour tenter de la repousser une bonne fois pour toutes. Elle fut finalement contenue par l’apparition du Conseil des Druides et l’ouverture des portails vers l’Outreterre.
Cet événement, brutal et sanglant, finit de convaincre les races de la menace de la Wisehead. Damasius, apprenant la collaboration de Magnhilde avec le groupe, rejoint immédiatement Altamira dans son appel à la vengeance, bientôt suivit par Rubeus, tandis que le Kaiser estima que le temps de l’observation était passé, et qu’il n’était plus sage de laisser la Wisehead gagner en puissance. Seul le royaume de Leviosa choisit de ne pas participer officiellement au combat, par pure opposition avec le royaume de Damasius, mais une troupe de volontaires de ce pays s’organisa tout de même pour rejoindre les armées unies Frels, dirigées par le Héraut de l’Union, Basileus de Lugdun.
La première réponse à l’attaque sur les Kelts, en 2A1081, ne vint pourtant pas de ces nations, mais d’une autre force, tout aussi redoutable, restée silencieuse pour le moment : l’ombre de Skalheim, en août de cette année, pointa au-dessus du Capitole, prêt à abattre sa sentence sur les Mages de la Wisehead. Alors que les infiltrés du Culte de l’Assemblée s’activèrent aux quatre coins de la Ville, attaquant les forces d’occupation, les nuées de corbeaux furent lâchées, entamant officiellement le festin.
Cependant, la Wisehead s’attendait à ce mouvement, et rapidement, un puissant bouclier strömique, mis au point par Berthold, apparu autour de la ville, la protégeant des bombardements et réduisant les Münhirs étant descendus en statues de cristal, à la grande rage de ceux étant restés à bord de leur forteresse. Vaincus pour la première fois, les corbeaux durent faire demi-tour, ayant tout de même réussi à décimer plusieurs milliers de personnes (majoritairement des civils du Capitole, cela dit) avant que les boucliers ne soient levés. Bien qu’ultimement un échec, cette attaque eut un impact décisif pour convaincre les Gardiens de l’If d’agir, les Münhirs avaient pu voir, avant leur mort, certains des laboratoires de la Wisehead, et savaient donc exactement ce qu’ils préparaient : des invocations de démons à grande échelle, chose qu’ils s'empressèrent de rapporter à l’Yggdrasil.
On sait aujourd’hui que cette attaque eut un autre effet important, en forçant Berthold à activer son bouclier alors que celui-ci n’était pas encore au point. Les plans qui ont été retrouvés dans son laboratoire, après sa mort, semblent indiquer que le bouclier devait originellement être capable de cristalliser quiconque ne disposait pas d’un système d’identification de la Wisehead, empêchant ainsi complètement l’entrée et la sortie de la ville. L’attaque des Munhirs, suivi du siège par l’Armée de Pierre, empêcha cet exact scénario.
À peine une semaine après le Festin de la Foi, l’Armée de Pierre arriva à son tour aux alentours du Capitole, commençant le siège de la ville et une préparation pour son assaut, tandis que son artillerie se mit à bombarder sans répit le bouclier strömique l’entourant. La Wisehead, sachant qu’elle ne pourrait se défendre face à un assaut de toute l’armée de Pierre, lança donc l’Opération Daemon : étant entrés en contact et en partenariat avec plusieurs Augnskaï auxquels ils fournirent nombre de rituels obtenus à des endroits inconnus, ils organisèrent de nombreuses invocations de démon au sein de l’Empire de Pierre, dans le but de forcer une partie de l’Armée de Pierre à aller les contenir. En deux ans et demi, dix invocations qui furent qualifiées d’Incursions par les Maalkvi furent reportées, tandis que ces derniers, et notamment leurs Exécuteurs, voyageaient d’urgence aux quatre coins de l’Empire pour tenter d’être présents sur les lieux de celles-ci.
Malheureusement, les Maalkvi n’étant tout simplement pas assez nombreux, certaines incursions spiralèrent hors de contrôle, forçant les armées qui devaient attaquer le Capitole à repartir en partie pour éviter un massacre de masse au sein de la Brèche. La situation fut si terrible que le Kaiser promut immédiatement, au travers du Décret de Wülfenraum, tous les Exécuteurs au rang effectif de Généraux de l’Armée de Pierre tant que la Wisehead ne serait pas arrêtée, leur permettant ainsi de prendre immédiatement le commandement de l’armée quand arrivant sur les lieux d’une incursion. Parmi les incursions notables qui ne purent être contenues, on peut noter :
Les autres incursions de cette époque furent heureusement résorbées à temps par les Exécuteurs pour ne pas causer de dommages trop importants. Il faut également noter qu’en plus de ces grandes incursions, d’autres invocations de la Wisehead de démons plus mineurs eurent lieu, qui furent éliminés soit par l’Armée de Pierre, soit par la tribu Maalkvi, soit par des Soleils Bienheureux en vadrouille. Cependant, l’effet escompté fut réussi : paralyser l’Armée Unie Frel, et empêcher l’Armée de Pierre d’être apte à rassembler assez de forces pour mener un assaut avec des chances de victoires décentes sur le Capitole.
Pour repousser les attaques des Dvars, la Wisehead n’envoyait d’ailleurs même plus d’armées : les rares réussissant à passer le rideau défensif installé par Berthold se retrouvaient directement face au Fléau des Héros, The One. Les uns après les autres, tous se brisèrent devant ce rempart inflexible. Parfois, dans une démonstration de force perverse, à moins que ce ne soit pour tester de nouveaux armements sur l’armure de The One, Berthold désactivait les défenses du Capitole, comme une invitation pour leurs assaillants. Ces batailles-là étaient toujours les pires. L’arme ultime s’enfonçait dans les régiments attaquant tel un couteau chauffé à blanc dans du beurre, fracassant crânes et armures sans le moindre effort. Toute blessure qu’il subissait était presque instantanément régénérée, et ne semblait absolument rien lui faire la fois suivante.
Et, pire que tout, il apprenait. Celui qui était une véritable bête sauvage contre l’Übermensch avait appris la tactique, à prioriser ses cibles, à ne jamais aller trop loin. La dernière chose qu’il apprit fut la retenue, choisissant de capturer vivantes des cibles particulièrement importantes, dotées d’informations qui pouvaient être utiles à la Wisehead. Strömeister, Strömritters, Exécuteurs, Soleils Bienheureux soutenant l’Armée de Pierre. Assommés, puis amenés dans les murs du Capitole, ils étaient interrogés de tout ce qu'ils savaient, de la moindre portion de savoir utile pour les sombres agissements du groupe. Et une fois qu’ils avaient fini l’interrogatoire… Disons juste que Magnhilde gagna grandement en puissance durant cette période.
Face à l’insistance de Karna, les arguments des Munhirs et la débauche d’invocations sur la Brèche, les Gardiens de l’If acceptèrent finalement d’agir en tant qu’entité commune en 2A1086 pour stabiliser la situation, tâche à laquelle ils se consacrèrent jusqu’en 2A1087 : bien qu’immensément puissants, ils ne pouvaient être partout à la fois. Une fois la totalité des Incursions causée par la Wisehead au moins sous contrôle, ils appelèrent les représentants de chaque nation à un sommet, pour discuter de la situation et de l’alliance nécessaire face à la menace que représentait la Wisehead.
Malgré sa nécessité évidente, ce sommet fut surprenamment dur à organiser, de par l’insistance que certaines races avaient pour certains points : les Moltös, par exemple, refusait une telle assemblée sans représentant du Capitole, tandis que les Gardiens de l’If désiraient un représentant de chaque tribu Neivar, y compris des Augnskaï et ce malgré leur volonté que les Maalkvi représente les intérêts de leur peuple, et le fait que tous les Augnskaï ayant participé aux conflits aient été du côté de la Wisehead, semblant marquer très clairement l’allégeance de la tribu.
Le sommet eut finalement lieu en 2A1088, dans la ville de Vulkan, capitale des Monts Écarlates. La proposition de Sven de servir en tant que représentant des Augnskaï suffit à faire accepter à la tribu d’envoyer un des leurs, tandis qu’un des échappés du Capitole servit en tant que représentant du peuple de ce dernier. L’Empereur et la Sorcière de l’Ouest étaient venus en personne représenter l’Empire de Pierre et les Domaines de Lumière respectivement, tandis que Guillaume d’Altamira et Basileus de Lugdun, le Héraut de l’Union, représentaient l’Armée Unie Frel.
Les discussions à ce sommet furent nombreuses, plusieurs revendications étant proposées. Les principales inclurent :
Une fois les revendications séparées résolues, le sommet se pencha sur l’organisation d’une attaque finale destinée à reprendre le Capitole, les Augnskaï choisissant de partir à ce moment en rendant clair leur intention de ne pas y prendre part. Trois axes majeurs pour la réussite de l’attaque furent donnés : tout d’abord, finir de neutraliser les incursions au sein de la Brèche, en particulier celles qui n’étaient que stabilisées, permettant ainsi à l’armée Frel unie de finalement rejoindre le front. Ensuite, empêcher la Wisehead de faire d’autres invocations majeures demandant une intervention immédiate, ce qui pourrait être désastreux durant la bataille. Enfin, une carte totale avec les objectifs exacts à sécuriser en premier lieu fut érigée du Capitole, chacun se voyant octroyer une place à tenir lors de la bataille qui allait décider des vainqueurs de ce conflit.
Les accords sur les armes des Waraboucs furent jugés presque suffisants pour remplir la première condition, la Sorcière de l’Ouest proposant tout de même son aide pour régler le soucis au Nord, aide qui fut refusée par le Leikasëekr Maalkvi, mais acceptée par la Grande Armée Frel et le Kaiser, qui choisit de supplanter l’opinion de son conseiller en occultisme. De leur côté, les Munhirs se proposèrent pour prédire, traquer et annihiler tout membre de la Wisehead qui tenterait une sortie du Capitole, s’occupant par la même du second problème. Quant au dernier, une stratégie fut mise en place, des ordres écrits puis placés sous scellés, ne devant être ouverts qu’au moment même de la bataille par les généraux devant les exécuter.
La stabilisation de la Brèche, suivie de la traversée des chaînes de montagnes par l’Armée Unie Frel prit la majeure partie de l’année suivant les Accords de Vulkan. Finalement, en 2A1090, les préparatifs étaient fin prêts, et une gigantesque force composée de l’Armée de Pierre, de l’Armée Unie Frels, de Soleils Bienheureux et de Guerriers Maalkvi se trouvait autour du Capitole. Parmi eux se trouvaient les Cinq Immortels, Héros de chaque race, dont la tâche pour cette attaque était simple : éliminer The One, qui semblait tout simplement invincible pour l’instant. Les officiers ouvrirent leurs lettres, découvrant les objectifs fixés durant les sommets un peu plus d’un an plus tôt, et tous se préparèrent au combat. Cependant, le temps pressait : six jours avant le début de la bataille, la Wisehead avait commencé un champ d’invocation, entendu partout dans les environs, et d’une puissance telle que tous les experts de Karna et des Maalkvi en la matière étaient tout simplement terrorisés, n’ayant qu’une consigne : cette invocation ne devait pas se terminer.
La majorité des troupes avaient pour objectif de tenir celles de la Wisehead, des légions de monstres contrôlés par des Démons invoqués par le groupe. La plupart des exécuteurs avaient, quant à eux, l’objectif de tuer lesdits Démons. Une petite troupe d’entre eux, menés par l’Einmeiri, avait pour mission de pénétrer en profondeur les lignes ennemies, et d’interrompre, à tout pris, le rituel d’invocation. Chaque Archimage de la Wisehead avait également une troupe lui étant affectée, avec pour ordre de les tuer : la Sorcière de l’Ouest se chargerait de l’héritier du Sorcier de l’Est, Herr Stark, le Strömritter, devait mettre un terme aux crimes de Berthold Heimer, et Guillaume d’Altamira avait insisté pour s’occuper lui-même de Magnhilde. Le conflit commença ainsi par l’invocation de la déesse Malta du Héraut de l’Union, unissant toute l’armée afin de permettre à celle-ci de réagir comme une seule entité. L’Übermensch s’approcha du bouclier strömique entourant la ville et, d’un violent coup qui fit trembler la terre, réussit à fracturer ce qui avait tenu en échec l’artillerie de l’Armée de Pierre pendant des années. La bataille avait commencé.
Immédiatement, The One, engoncé dans sa désormais reconnaissable armure, se jeta sur l’Übermensch et, d’un violent coup, l’envoya voler dans les airs, où il fut rattrapé par le Garde-Cycle. Alors que l’abomination de la Wisehead accélérait en direction de l’Incarnation de Malta, pour empêcher celle-ci de continuer ses miracles, les cinq Immortels, dans une rapidité surnaturelle, l’entourèrent, alors que Sven prononça quelques paroles interdites. Immédiatement, un cercle inquiétant, semblable à celui d’une invocation démoniaque, apparut sous les pieds du groupe et, dans un éclair de lumière verdâtre, tous disparurent, ayant été emmenés par le Garde-Fel en direction du lieu prévu pour le combat, qui serait leur dernier. Mais, malgré la démonstration impressionnante de savoir magique et de force brute, le temps n’était pas à l’analyse : chaque membre de l’armée avait une mission à accomplir.
Toutes les opérations ne se déroulèrent malheureusement pas comme prévu. Tandis que la Sorcière de l’Ouest réussit rapidement à neutraliser son homologue, même si ce dernier préféra le suicide à la capture, le combat fut bien plus ardu face à Magnhilde. Celle-ci était chargée de garder Saint-Oäst, et, malgré l’avantage numérique et sa vaillance, la troupe de Frel fut décimée, les uns tombant après les autres. Rapidement, il ne resta que Guillaume, tendant comme il le pouvait de faire face à la Skald. Celle-ci, à l’opposée de son habitude, était d’un calme absolu, son visage figé dans une expression stoïque qui ne laissait trahir aucune de ses pensées. Après plusieurs dizaines de minutes de combat acharné, où seule l’excellente maîtrise de sa lame permit à Guillaume de survivre, ses provocations réussirent enfin à percer l’indifférence de Magnhilde, qui finalement daigna à ouvrir la bouche pour justifier ses actions.
Elle se mit ainsi à réexpliquer, presque mot pour mot, le Manifeste de la Wisehead, dont elle révéla être l’autrice grâce aux compétences obtenues d’Arianne. Ayant fini cette explication, c’est toujours calme qu’elle levât sa hache en direction du Frel, s’apprêtant à mettre un terme à ses jours, quand un bruit fut entendu derrière elle. Le Saint, incarnation du Dieu de la Guerre dans la Brèche, semblait avoir pris personnellement cette longue litanie sur la paix. Après s’être excusé, pour une raison inconnue, auprès de sa ravisseuse, il joint les mains pour une ultime prière, qui résonna, à l’image de la prière du Héraut de l’Union avant lui, sur tout le champ de bataille.
Magnhilde tenta de courir en sa direction pour l’interrompre, mais elle fut à son tour stoppée par Guillaume qui, voyant l’issue du combat tourner, se releva et, hurlant, l’attaqua, sa lame se plantant dans l’épaule de la créature, l’arrêtant juste assez pour que le Gahr ne finisse son appel. Une lueur aveuglante envahit les alentours, alors que pour la première fois depuis la Théocratie, le Dieu de la Guerre se manifesta de nouveau sur la Brèche. Liée à tous par Malta, la puissance des deux Dieux combinée démultiplia les capacités de l'armée unie, qui commença à s’enfoncer violemment au travers des autres forces.
La première attaque de la Divinité fut dirigée vers Magnhilde qui, face à un adversaire la dépassant, celle-ci dut se replier sur la défensive, tentant de parer coup sur coup, mais échouant régulièrement, alors que les plaies sur son corps se multipliaient. Le combat, à une vitesse dépassant l’entendement mortel, était si violent que nombre des troupes alentour furent écrasées alors qu’un des deux combattants était projeté à la vitesse d’un boulet de canon en leur direction. Magnhilde avait beau utiliser tout ce dont elle s’était emparée en dévorant ses proies pendant tant d’années, c’était juste assez pour ne pas mourir immédiatement face à l’incarnation même du conflit.
Heureusement pour elle, une autre bataille ne se déroulait pas selon le plan de l’armée alliée. Herr Stark, qui faisait face à Berthold Heimer, fut surpris par le mélange dérangeant du Ström et des Arts Karniques que celui-ci avait fait, transformant certains enfants Dyrvars du Capitole en bombes vivantes, qui se dirigeaient vers le Strömritter, espérant être secouru, avant d’exploser dans une gerbe de particules de Macht, transformant ceux aux alentours en statue de cristal. Cette tactique, et le fait que tous n’étaient pas piégés, forçait Herr Stark à avancer avec une extrême prudence, laissant tout le temps à Bertold Heimer pour attaquer l’apprenti de son ancien partenaire avec son artillerie conséquente, semblant ne faire que peu de cas des pertes parmi les monstres qui lui servaient d’allié. Le fait de ne pas être directement en danger lui permit également de voir l’invocation, au loin du Dieu de la Guerre, et, observant la fureur et la puissance de Herr Stark être décuplées, alors qu’il couvrit presque la moitié de la distance restante entre eux deux en un bond, de savoir qu’il fallait absolument l’arrêter.
Tirant immédiatement plusieurs de ses plus puissantes roquettes à tête chercheuse dans la direction de l’avatar, il se fit soudainement interrompre par un violent coup, alors qu’Herr Stark venait finalement de l’atteindre. Le Strömritter ne lui laissa même pas le temps de revêtir son armure d’urgence, alors que, fou de rage, il continua de lui abattre coup sur coup pour le punir de ses crimes, vidant tout son armement sur le scientifique sans qu’il ne puisse y répondre. La puissance de feu déployée fut telle qu’elle fit perdre un de ses doigts à Herr Stark à cause du mal de pierre, mais, une fois la poussière retombée, le cadavre de l’ancien Überstromeister avait été complètement désintégré.
De son côté, l’Einmeiri, qui peinait à avancer à cause du nombre de ses adversaires, sut profiter de l’aide donnée par le Dieu de la Guerre et la Déesse de l’Unité pour grandement progresser, s’enfonçant avec ses Exécuteurs telle une ligne sanglante au travers des monstres. Pour chaque démon abattu, c’était tout un bataillon de monstruosités qui était libéré des ordres de la Wisehead, se mettant à se comporter telle une troupe chaotique, et attaquant aussi bien les alliés que les ennemis. Mais, plus les Neivars s’approchaient du point névralgique du rituel, plus les Démons en charge étaient puissants, et la progression difficile. Le Démon gardant l’ultime porte était une aberration, telle que l’Einmeiri n’en avait jamais vu. Mélange contre nature de chaire grouillante, se régénérant perpétuellement dans une parodie de naissance, et d’une ombre qui semblait dévorait tout ce qui l’approchait, incarnation même de la mort, il était assez puissant pour être, individuellement, considéré comme une incursion, devenant la 32ème incursion (la 31ème ayant déjà été déclarée et résolue quand un démon de niveau légèrement inférieur avait été abattu plus tôt dans la bataille).
Alors que Magnhilde était sur le point de périr, les roquettes d’Heimer touchèrent finalement leur but, stoppant net le Dieu de la Guerre dans un bruit de déchirure. Usant de cette unique chance qui lui serait donnée, la Skald frappa d’un coup si puissant qu’il pulvérisa le bâtiment derrière le Dieu par la simple force de l’impact. Malgré cela, l’avatar n’était pas encore vaincu et, titubant, il tenta d’emporter la guerrière du Nord avec lui dans la tombe, par une frappe bien au-delà de la perception humaine. Magnhilde eut à peine le temps de s’écarter pour ne pas être décapitée sur le coup, mais le collier qu’elle portait, artefact lui permettant de garder sa conscience, fut impacté, et détruit.
Immédiatement, la guerrière impassible redevint une véritable bête sauvage, alors que l’avatar du Dieu finissait de disparaître, laissant derrière lui le cadavre du Saint. La Skald se jeta sur lui, pour tenter de le dévorer, mais Guillaume, qui savait que Magnhilde ne pouvait mettre la main sur cette puissance, s’interposa de nouveau, parant ses coups avec difficulté. Finalement, après plusieurs passes d’armes, les blessures de Magnhildes se rappelèrent à son attention et, estimant la proie face à elle comme trop compliquée à tuer pour ce qu’elle valait, reparti à la recherche de repas plus faciles. Guillaume d’Altamira, épuisé, mais ayant survécu à cet affrontement à la limite du divin, choisit de sonner retraite, afin de sécuriser le cadavre du Gahr.
La chute de l’Avatar retira le vent des voiles métaphoriques de l’armée, les faisant retourner à leur état précédent leur augmentation de puissance. Cela dit, les effets avaient déjà été pléthores, et la plupart des monstres étant sans meneurs, en train de paniquer. Le plus gros problème arriva au niveau de l’ultime porte, où l’incantation semblait commencer à se conclure et où les Exécuteurs, face à un démon d’une puissance si immense, commençaient à tomber comme des mouches. Sachant que le temps leur était compté, l’Einmeiri demanda au plus jeune des siens de ramener quelqu’un, n’importe qui, pour stopper le rituel, tandis qu’elle et les autres se chargeaient de mettre à bas la créature.
L’Exécuteur partit, les Neivars restants se rassemblèrent pour une dernière charge, avec un seul objectif : permettre à l’Einmeiri d’atteindre un point faible qu’ils avaient réussi à identifier, quoi qu’il en coûte. La charge fut un véritable massacre, alors que chaque exécuteur tombait, assimilé par la chair ou étiré et disparaissant à jamais dans l’ombre, mais, pas à pas, l’Einmeiri s'approchait de la créature, qui semblait se tordre en des formes innommables. Réussissant finalement à enfoncer son arme à la jonction entre les deux moitiés, elle commença à pousser, alors même que son corps commençait à être avalé par l’insatiable gouffre, pour séparer les deux parties si dissimilaires. Dans un ultime effort, elle finit par ouvrir le Démon, qui disparut dans un hurlement d’agonie… L’emportant avec elle. Alors qu’elle s’enfonçait dans l’abîme, elle put apercevoir, au loin, la forme de l’Exécuteur qu’elle avait envoyé chercher de l’aide… Poursuivie par une silhouette humanoïde mugissante.
Appâtée par celle qui deviendrait la nouvelle Einmeiri des Maakvi, Magnhilde déboula dans la salle de rituel, piétinant le cercle et interrompant la cérémonie qui était à deux doigts de se terminer. Pris de panique, les mages de la Wisehead en charge de l’incantation tentèrent de fuir, avant d’être massacrés par leur ancien archimage. Entendant que le rituel avait été arrêté, la quasi-totalité des mages encore vivants (tous les archimages ayant été vaincus) commença à se disperser, voulant quitter le champ de bataille vivant. La plupart réussirent, mais seulement pour être rattrapés et massacrés sans pitié par les Munhirs, attendant toujours en embuscade.
La Bataille pour le Capitole était finie, et les Armées Unies de la Brèche étaient victorieuses.
Le coût de cette victoire fut très élevé. Nombre des soldats y participant périrent, en plus des généraux mentionnés précédemment. Mais la plus grande perte fut très certainement la mort, contre The One, des cinq héros de la Brèche, grandes âmes de chaque peuple qui furent regrettées au travers de toute celle-ci. Après un temps d'acclimatation et de reconstruction, les différentes nations convinrent de la nécessité d’éviter qu’un tel désastre ne se reproduise.
Ces dernières années ont ainsi été le théâtre des négociations du Traité de la Wisehead, visant à limiter les possibilités de la fusion des magies, ainsi qu’encadrer les personnes aptes à les apprendre. Déjà, Karna a formé la “Garde Sygillique”, avec pour mission d’intervenir si les Arts Karniques venaient de nouveau à tomber entre de mauvaises mains, et avec des accords de libre passage dans la quasi-totalité des nations connues. Similairement, on parle d’une unité de la légion du Calice dédiée, au nom de l'entièreté des Royaumes Frels, à retrouver les lames disparues, pour être sûrs que nul ne les utilise à mauvais escient.
L’officialisation de ces résolutions devrait avoir lieu l’année prochaine, lors d’un sommet diplomatique organisé par le nouveau Saint au Capitole, pour les dix ans de la défaite de la Wisehead. La ville historique, sérieusement endommagée par les conflits, a heureusement pu être restaurée presque à l’identique par le savoir-faire des Waraboucs, même si certaines zones, toujours couvertes de pièges de l’ancien Überstromeister, restent inaccessibles.
La Paix semble être revenue dans la Brèche, et c’est avec espoir que moi-même et Karna espérons qu’elle perdure, et les races mortelles tireront les leçons de ces événements. Si ce n’est pas le cas, Karna sera toujours là pour tendre la main à ceux dans le besoin.
Chancey Norwich, Sorcière du Nord