"Ni Dieu ni Roi"
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Franz Grutzel est un quasi-trentenaire flamboyant, un phénix de couleurs dans un océan de roches grises. Ses traits sont taillés au burin, de ceux qui ornent les visages des montagnards d’Arkhos. Il prend soin d’une pilosité platine, en particulier de sa moustache que les amateurs, si amateurs il y a, sauraient décrire “à la mode du Kaiser.”
Notre Franz porte une tenue bariolée, à la mode des troupes de mercenaires qui sillonnent parfois le monde. On y trouve des habits de différentes factures, sur ce qui semble une infinité de couches et de coloris, qui se superposent en une toile grotesque et provocatrice. Sa tête se pare le plus souvent - lorsqu’il a la chance de ne pas être en campagne - d’un chapeau comiquement large orné de plumes de Paonis qu’il dit avoir récupéré lui-même, sans jamais admettre qu’il s’agit de contrefaçons. Mais sa tenue originelle est de jaune et de noir, ce qui lui valu son surnom de Guêpe de l’Ouest.
Le plus souvent, on le voit se trimballer une hallebarde à l’épaule, cette arme si longue que les enfants la croient faîte pour tuer un dieu. En réalité, dans un monde où les moutons portent des armures et les nains montent des chars, un peu d’allonge a toujours été au goût des mercenaires, et Franz ne fait guère exception à la règle. A son flanc, un sabre et un bocle trônent, autant armes de duel qu’arme de secours. Enfin, de l’autre côté, un casque long, un morion doté d'un masque provocateur, siège sanglé à sa ceinture. Sur sa cuirasse de torse, maigre protection face aux balles et aux lames, un cachet de cire rouge maintient en place une bandelette de papier, sur lequel est marquée en lettres d’encre la devise du groupe dont Franz faisait parti : “Nolite flere, sed vivemus” (Ne pleure pas, nous vivrons)
Il parle d’un phrasé franc et d’une voix rocailleuse, comme si la montagne qui l’abritait avait déteint sur lui. S’il sait se faire comprendre, son accent et son patois ressortent lorsqu’il s’emporte. Mais, la première impression passée, peut-être que le regard de l’attentif interlocuteur se posera sur sa face boursouflée par le froid, son nez rougi par le mauvais alcool et ses yeux enfoncés dans leurs orbites, qui ne brillent plus que d’une fragile lueur lasse. Les hommes comme Franz n’ont d’héritage que leur fatigue, et leur face marquée reflète une réalité crue : on meurt jeune, à Arkhois.