« L'Univers est vaste. Ses paysages, sa faune, sa flore, ses cultures et ses mystères sont d'une innombrable variété et l'histoire qui a façonné les mondes est trop longue pour être résumée. Ainsi, les érudits étudient et consignent les facettes de cette réalité en de larges ouvrages. C'est en l'un d'eux que vous trouvez réponse à vos questions. »
S'il y a des événements dont je préfère ne pas parler, la Guerre de la Tromperie figure en haut de la liste. C'est une marque de honte : les Alfars de Lumière, ceux qui connaissaient le danger, qui auraient dû avoir le recul, ont failli. - Chancey Norwich, Sorcière du Nord
C’est en 2A617 que l’Âge d’Or de Karna prit fin, et ce par un bien triste événement : la seule guerre au sein de laquelle les Alfars de Lumière ne furent mêlés. Tout commença par un appel à l’aide d’un des Royaumes Dvars. Attaqués par une incursion démoniaque, ils demandèrent l’aide de la Cité Éternelle, pour faire face à cet ennemi de par-delà. Une troupe de volontaires Alfars — des vétérans s’entraînant à la danse des lames depuis plus de 500 ans pour certains — se forma, et partit en direction dudit royaume. Pendant plus de six lunes, aucune nouvelle ne parvint de l’expédition, jusqu’à ce qu’un oiseau, seul, ne rentre à Karna, se transformant en Meredith Wovenheart, la meneuse de cette dernière. Elle révéla la terrible vérité : il n’y avait pas de démons. Les Dvars avaient tendu un piège, tentant de capturer les membres de l’expédition pour les torturer, et leur faire avouer l’emplacement exact de la Source de la Vie.
À ces mots, le Conseil de Karna vit rouge. Les premières, et parmi les seules lois, de Karna est l’interdiction absolue du meurtre d’un de ses citoyens, et la protection de la Source de la Vie. Par leurs actions, les Dvars du Royaume du Charbon les avaient enfreints, pour la première fois depuis le Requiem du Protecteur. Et Karna protège les siens. Au sein de la Ville d’Ivoire, les œuvres d’art cédèrent la place à des créatures faites pour le combat : les féroces griffons, les énigmatiques dolphinoïdes, les inquiétants galimèros… Toutes ces créatures, et bien d’autres voient leurs racines remonter à cet âge sombre. Puis, menées par la Fondatrice, telle une nuée de mort, les forces de Karna prirent leur envol, en direction du Royaume du Charbon.
L’attaque fut brève, rapide, létale. Les Dvars, sans capacités aéroportées, ne pouvaient rien faire face aux forces de Karna, alors même que leurs flèches rebondissaient sur les créatures les attaquant, ou étaient esquivées, voir tranchées en plein vol, par des Alfars qui avaient transcendé la guerre pour en faire un art. Les civils furent épargnés, mais nul Dvar ne tenant une arme, du simple conscrit au Roi du Charbon, ne fut épargné. Rapidement, le Royaume du Charbon appela ses alliés : les Alfars, disaient-ils, avaient attaqué sans justification. Les Alfars, disaient-ils, désirent conquérir les Dvars. Les autres royaumes Dvars furent convaincus par la sincérité apparente du Charbon, et prirent, à leur tour, les armes. La Guerre de la Tromperie avait commencé.
En apprenant l’alliance des Dvars, les Alfars furent outrés par les mensonges du Royaume du Charbon, et montèrent immédiatement une tête de pont à Corbel. Le passage le plus direct entre les Royaumes Dvars et Karna passant par la Vallée des Dames, se retirer à Karna mettrait les Kelts au front avec les Dvars, ce que le Conseil ne pouvait tolérer : les Manars étaient innocents dans cette histoire, et n’avaient pas à souffrir. Seule la “perfidie Dvar” en était la cause. La guerre commença bien mal pour les Dvars. Chacun de leurs assauts était méthodiquement repoussé, parfois par des Alfars seuls, dont la seule maîtrise des Arts Karniques était suffisante à annihiler des armées entières. Stoutston, Wickar, Buckhal… Tels sont les noms entrés dans l'Histoire à cette époque, leur légende écrite dans le sang des batailles.
Mais si les Dvars sont trois choses, c'est bien inventifs, travailleurs et nombreux. Malgré la perte de nombreux des leurs, ils ne reculèrent pas face à ceux qu'ils pensaient être un envahisseur, mais apprirent. Horton Hindenburg, du Royaume du Cuivre, trouva le moyen de vaincre la supériorité aérienne Alfar avec l'invention des Flugdampfs, immenses ballons remplis de gaz capable de flotter, et, si nécessaire, de se transformer en gigantesques bombes incendiaires. Dans le même temps, Liften Pulver mit au point la formule du Schwarz, une poudre explosive, permettant la création de nouvelles armes, capable de percer le cuir naturel des créations Alfars.
La première perte du côté Alfar fut Northon Buckhal, et fut loin d’être la dernière. Alors que les batailles s’intensifiaient, de plus en plus de membres de chaque race tombent. Il fallait mille Dvars pour faire tomber un Alfar… Mais les Alfars étaient drastiquement peu nombreux, et ce ratio était catastrophique pour les deux nations.
La fin de la guerre ne vint pas du champ de bataille, mais des arrières lignes. Plus précisément, du fond de la Cité Éternelle elle-même. En 2A624, la Sorcière du Nord, laissée en charge de Karna alors que la Fondatrice menait les forces de défense à Corbel, surprit Meredith Wovenheart aux alentours de la Source de la Vie. Celle-ci n'avait aucune raison d'être à cette endroit, ayant déjà bû à celle-ci des centaines d’années avant. Cette dernière tenta d’expliquer sa présence, mais la Sorcière, prise d’un excès de méfiance, utilisa son alchimie pour dérouler et percevoir les essences de Meredith, une procédure très hostile.
Sa méfiance fut récompensée alors que la vérité éclata au grand jour : il ne s’agissait pas de Meredith, mais d’une Neivar ayant pris sa place. Le combat éclata au sein du Sigil, et, finalement, grâce à l’intervention du Sorcier du Sud ainsi que d’Ajira Clairmane, la Neivar fut arrêtée et interrogée, révélant l’ignoble vérité : c’était elle qui avait provoqué l’incursion au Royaume du Charbon, pour attirer une troupe d’Alfar, les tuer, les remplacer et s’infiltrer ainsi au sein de Karna, afin de s’emparer de la Source de la Vie et de l’utiliser pour permettre le retour de l’Empire Neivar.
L’information fut rapidement relayée à la force principale, et la Fondatrice entra immédiatement en pourparler avec l’Alliance Dvar. Ces pourparlers furent particulièrement complexes, les Dvars refusant — à juste titre — toute excuse ou offre de la part des Alfars de Lumière. Heureusement, un des Premiers-Nés, plus que tout autre, sut s’illustrer en tant que porteur de paix. Originaire de la Tribu du Sud, Janus Altseel était, presque depuis la fondation de Karna, un des diplomates de la Cité de Lumière. Sachant parler toutes les langues de la Brèche, et s’intéressant grandement à la politique des diverses nations, c’était lui qui avait su négocier les détails de l’accord avec les Panolis, lui encore qui avait été un des premiers à entrer à la cour du Dieu-Roi, ou à discuter avec un Waermaester. Et, une fois encore, il trouva les mots justes.
Réussissant à comprendre les problématiques Dvar avec une finesse impressionnante, il réussit à faire s’asseoir les Rois Dvars à la table des négociations, permettant finalement à la Fondatrice d’expliquer la vérité sur ce qui s’était passé. Finalement, les excuses de Karna furent écoutées, et la paix signée. Karna prenait la pleine responsabilité pour cette guerre, son manque de vigilance l’ayant causé, et se mit immédiatement à en réparer les dommages. Cependant, au milieu de ce drame, une lueur d’espoir naquit pour la Brèche. Au moment où fut signé l’accord, le ciel se mit à étinceler. Janus, qui venait de poser sa plume, ayant reçu l’honneur de signer au nom de Karna, semblait au centre d'un faisceau lumineux qui descendait des nues.
Malgré l’inhabituel de la scène, nul sur place ne se sentit menacé d’aucune manière que ce soit, restant coi alors que le diplomate commençait à s’élever dans les cieux, jusqu’à disparaître dans un éclair de lumière sacrée. Pour la première — et seule — fois du Deuxième Âge, quelqu’un, par ses actes, s'était élevé à la Divinité. Janus, Dieu des Messagers et des Diplomates, était né, devenant le dix-neuvième Dieu Sauvage de la Brèche.
Malheureusement, malgré les meilleurs efforts de Janus, les Dvars n’ont jamais vraiment retrouvé leur confiance d’antan avec le Peuple Immortel, ayant été témoins de la puissance que l’antique cité dissimulait. Aussi, rarement font-ils volontairement appel à leur assistance, la dernière (et unique) fois remontant à la prise du Capitole par la Wisehead. L’ironie veut que cette méfiance s’étende à l’aide pour lutter contre les incursions démoniaques, l’appel aux Alfars dans cette situation ayant provoqué la Guerre de la Tromperie. Ainsi, ils préfèrent aujourd’hui faire appel aux caravanes Maalkvi, des caravanes de Neivars, plutôt qu’à Karna.